Chapitre 43.

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(Musique en média)

Derrière, un lycan s'élance à toute vitesse, redoutable, la gueule béante et ouverte, ses pas faisant trembler le sol. Immense, il se jette contre lui, l'enserrant dans ses canines qui, sans tergiverser, broie ses os avant qu'il ne secoue agressivement sa gueule dans tous les sens, le laissant tomber en lambeaux.

Le pelage blanc, de lune, le lycan face à moi inspire, paniqué, perdu, ses yeux farfouillant autour de lui. Il continue maintenant sa marche, doucement, le sang au bord de sa gueule, rouge vif contre son pelage clair.

-C'est... C'est Evelyne, dit Yémi, maintenant que tous ont cessé leur combat, obnubilés par ce pelage hypnotisant.

Sans bouger, là au sol, le lien se ressert, se renforce, me désarçonne.

Le loup glapit soudain de douleur, levant une patte, puis se tord en deux avant de s'échouer au sol. Les derniers combattants fuient. C'est terminé.

Le lycan gigote de plus belle, comme pris de convulsion. Ses pattes viennent maintenant s'agripper à quelque chose d'invisible, frappant l'air dans des mouvement las et flegmes. Dans des craquements douloureux, il, ou plutôt elle, revêt lentement un aspect humain, son corps rétrécissant considérablement, livide et tremblant. La respiration hachée, la jeune femme ressert ses mains contre son torse comme pour se garder au chaud et masquer son corps fin et frêle.

Il y a un problème, Aedel nous informe soudain. Sa voix paraît trembler lorsqu'elle se manifeste dans ma tête, et ça m'horrifie tout autant. C'est tout ce qu'elle nous dit.

Face à nous, de long cheveux blancs devenant boueux, encadrant un visage jeune et paniqué, la jeune femme clos les paupières en tremblant à nouveau, encore, le visage contrit par tout ce qui l'entoure. Ça ricoche dans mon être.

-Ça va Evelyne ? Je ne pensais pas que tu pourrais...

-Non, je chuchote.

Le sceau qui me maintenant contre mon gré dans un coin pittoresque disparaît. Les sorcières s'en sont probablement allées aussi, fuyant un champ de bataille dont la brume dense se dissipe lentement, maintenant, à notre merci étant donné que les lycans semblent les avoir abandonné. Mais ce n'est pas le plus important, pour l'instant.

Il n'y a plus aucun bruit. Plus aucun son.

Yémi l'aide à se relever, alors qu'elle semble s'en défendre, bien que trop faible, complètement nue, puis il la pare aussitôt de son pull qu'il enlève rapidement, le visage rouge, visiblement intimidé.

Sous la pluie, ses cheveux blancs revêtent un aspect plus argenté, quand bien même ils semblent tachetés de sang et de terre. Elle a un visage juvénile, et innocent, complètement apeurée par tout ce qu'il entoure. Son coeur accélère. C'est fou comme tout y transparaît...

Je m'approche doucement, comme pour ne pas l'effrayer. Portant ma main à son visage, elle ne recule même pas d'appréhension.

C'est Evelyne...

-Isil ? Je souffle.

Ses yeux rencontrent les miens alors que la voix d'Aedel s'éteint dans nos têtes. Ses pupilles sont, cette fois, plus allongés, et très clairs. Ses sourcils lui font adopter une mine triste, peinée et inquiète. Les mains contre son coeur, elle dit doucement :

-Je ne comprends pas... Quand tout s'est éteint, j'ai été aspiré dans... Dans l'autre corps.

J'inspire profondément, perdu. Les évènements me dépassent soudain, j'en perds toute compréhension, quand bien même je suis certain qu'il n'en est, là, d'aucun de mes ressorts. Je suis totalement inconnu au monde de la sorcellerie... Seul Aedel pourra nous en dire plus.

-C'est logique, dit clairement Zakary en s'approchant, l'air tout étonné lui aussi. Une âme de sorcière dans un corps de lycan... ça n'aurait jamais fonctionné. Tu as dû te retrouver là lorsque Evelyne s'est réveillée.

Elle baisse le regard sur mon torse, ses mains venant attraper mon haut, elle aussi totalement égaré sur la situation, mais c'est bien ce caractère craintif que je lui reconnais, lorsqu'elle se cache contre moi, enveloppée de mes bras. L'affaire nous file entre les doigts, et son âme se balade sans que je ne sache m'en saisir pour la garder près de moi. J'ai peur de ce que tous semblent capables de lui faire, à mes dépends

-Se peut-il qu'Evelyne ait échangé leur place ? Demande Yémi. Aedel nous a dit qu'elle était la seule à pratiquer la nécromancie, Evelyne le faisait aussi ?

Leur conversation me semble lointaine, errante autour de moi sans que je n'y trouve un intérêt quelconque tant je suis obnubilée par ce que j'ai en face de moi. Ce qui requiert toute mon attention, dorénavant, c'est ce nouveau visage, aux traits légers, à la chevelure complètement blanche, les yeux rougis, probablement de larmes. Comme si j'avais trouvé un joyau semblable à l'autre, je ne me lasse de déterminer ses traits, de la regarder mouvoir contre moi, sa respiration difficile...

-Tu m'aimeras même comme ça ? Elle demande doucement, le coeur battant rapidement, la voix revêtant un air ironique que je lui sais pourtant équivoque.

Elle a peur de ma réponse. Je détiens son coeur entre mes mains, et je pourrais l'écraser à l'instant, ne faire qu'une bouchée d'elle... Elle est à moi, autant que je suis à elle. Il est certain que l'on pourrait se détruire l'un l'autre... Mais je ne pense pas que cela soit dans les plans de l'un d'entre nous.

Je pose mes lèvres sur les siennes sans hésiter, comme s'il s'agissait là d'un signe d'assentiment à sa question précédente. Son âme danse contre la mienne, la réchauffant complètement, me ravivant sous son empire. Elle détient tout de moi, je pourrais faire cesser cette guerre si elle me le demandait, ou me jeter en pâture aux autres seulement si elle me l'ordonnait... Et je sais qu'elle en ferait de même. Tout est réciproque, c'est ce qui me terrifie... Car si je suis capable de lui donner ma vie... Elle est tout autant capable d'en faire de même.

Il est maintenant certain que mon âme reconnaîtrait la sienne entre mille. Cela se confirme lorsque sa bouche se pose contre la mienne, et que je sens ces sentiments exploser dans mon cerveau, lui accélérant le rythme cardiaque. Là, dans mes bras... C'est la chose la plus belle que j'aie l'impression de jamais avoir vécu.

Je vis à travers elle. Je ressens son amour à travers elle.

Elle s'agrippe plus désespérément à mon tee-shirt, avant de gémir une plainte de douleur contre ma lippe, se tordant en deux entre mes bras.

Ses yeux se rouvrent sur des pupilles de bêtes. Ses cheveux se tassent, escaladent le long de son corps alors que sa transformation me fige d'effroi. Toute sa douleur ricoche dans mon corps, combien insupportable. Elle se craquèle, ses os se fendent, ses muscles grossissent... Je n'ai jamais remarqué à quel point cette transformation pouvait être abominable.

Elle glisse entre mes mains, s'écrasant au sol, avant de réapparaître, massive sous une forme de louve blanche, abattue, la gueule contre le sol, les griffes grattant la terre.

-Elle est instable.

Tous sursautent à l'apparition de Léon qui s'approche doucement.

-C'est le corps de Luna... Vous vous doutez probablement de la raison pour laquelle nous lui avions donné ce nom, il narre. Elle avait toujours eu les cheveux blancs. Abandonnée à sa naissance, le chef de meute Alpha l'a recueillie et a fait d'elle l'une des nôtres. Malheureusement... Elle est morte si jeune, il déplore maintenant.

-Nous devons la réchauffer, je signale maintenant que le pull de Yémi est parti en lambeaux.

À l'unanimité, nous décidons de rentrer avant que la nuit ne tombe complètement, ou bien que certains décident de revenir. Ce n'est plus ma préoccupation première... et puis je doute réellement qu'ils le fassent. Ce qui m'obsède, c'est de me dire que j'ai un temps d'avance sur Logan qui ne se doute aucunement de ce qu'il se trame ici. Je détiens une information qu'il n'a pas, et dont je me fais un impératif de ne pas lui révéler.

Isil est là maintenant... Près de moi... Et non entre la vie et la mort, comme je l'avais tant redouté.

Mais plus important... En tant que lycan.

You are mine, Human - Welcome to Hell (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant