29. Ne me laisse pas

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Des jours sont passés depuis la dernière fois où j'ai vu mon père.
Avec du recul, j'ai compris la complexité de l'affaire
C'est l'homme qui a abandonné ma mère, qui m'a abandonnée, qui n'a pas accepté de défier sa famille pour rester avec la femme qu'il aimait, le géniteur qui au bout de toutes ces années, n'a fait aucun effort de  me retrouver malgré ses multiples relations.
J'ai envie de le détester, j'ai envie de le haïr, mais j'y arrive pas, je ne peux pas le faire. J'aimerais lui faire payer toutes les larmes que ma mère a versé à cause de lui, toutes les souffrances qu'elle a enduré à cause de lui, mais ça n'en vaut vraiment pas la peine
Tous les hommes sont pareils; ils sont des éternels bébés aux côtés de leur mère, ils  sont incapables de s'opposer à leur volonté.

Ma mère ne veut toujours pas revoir mon père, elle le déteste beaucoup trop, dit-elle
Cependant elle est d'accord pour que je le fréquente à ma manière, car dit-elle, elle ne veut pas être celle qui me sépare de mon père pour la seconde fois; et elle n'a pas tort je pense
J'ai toujours rêvé avoir un père comme tout le monde, joué avec lui, me sentir protégée par lui, me faire accompagner à l'école par lui, bref avoir une famille normale, une famille idéale quoi.

J'ai quitté la maison de bonne heure pour passer voir mon père à la clinique; le pauvre il se sent sûrement rejeté
Arrivée à la clinique, une infirmière m'apprend qu'il n'est plus hospitalisé depuis déjà trois jours
Dieu merci il va mieux
Je réfléchissais sur comment avoir son adresse, et soudain j'ai repensé à la carte de visite qu'il m'a remis une fois. Je fouille dans mon porte-monnaie, heureusement je la retrouve, il y a son adresse dessus
C'est à 20 minutes de la clinique
Je me trouve rapidement un taxi, mais zut quels embouteillages! J'ai fait 45 minutes sur un trajet de 20 minutes
Enfin j'arrive devant sa maison, non que dis-je, devant sa villa
C'est un bijou cette maison, de l'extérieur on imagine la beauté et la grandeur de cette maison.

Je sonne avec un peu d'appréhension
Au bout de quelques secondes, la sentinelle m'ouvre enfin la porte

-Bonjour madame

-Bonjour, c'est bien chez maître Robert Kam?

Il me fixa longuement comme s'il voulait détecter quelque chose

-Oui. Qui êtes-vous? Vous avez rendez-vous?

-Euh non, je suis...j'hésite de dire sa fille, je suis marguerite.

- oh! c'est vous. Entrez!

Attendez, elle me connaît? Ça alors
Oh mon Dieu! Cette maison est splendide. C'est tellement magnifique
Tout est beau, tout est chic, mais surtout tout est très calme
Je ne sais pas pourquoi mais on me dirige vers la chambre de mon père. Bon, je n'ai aucune raison d'avoir peur, après tout
J'entre et je le trouve assis sur son lit en train de lire des papiers

-Bonjour. Dis-je timidement

- Rita! Tu vas bien? Il se lève pour me faire un câlin. Je remarque qu'il a du mal à se tenir debout, il souffre encore apparemment

- vous êtes sûr que ça va?

Il me fait un petit sourire: oui ça va mieux. Ta présence me donne de la force
On s'assit sur son lit, et puis plus rien. C'est le silence total, personne n'ose parler

-Et ta mère? Comment va-t-elle? Il brise enfin le silence

-Elle va bien. Vous savez, elle ne veut pas changer d'avis

-Je comprends, je la comprends. Mais je dois lui parler avant qu'il ne soit trop tard, on ne sait pas quand ça peut arriver. Dit-il en enlevant ses lunettes

-De quoi vous parlez?

Il se met à fixer le mur à sa gauche, il essuie rapidement une larme sur sa joue droite
Non mais il m'inquiète là

-Papa?

Il me sourit, comme s'il désirait ardemment que je l'appelle ainsi. Il me sourit comme une fille à qui on venait de déclarer tout l'amour du monde

-Ma fille, je...

-Quoi? Dites-moi tout Papa

-Je n'ai plus beaucoup de temps à vivre. Je suis condamnée à mourir

-Et tout votre traitement?

-Mon coeur ne tient plus. Il n'arrive plus à pomper le sang comme il se doit. Les opérations et autres ne seront qu'une perte de temps et d'énergie.

-il me reste moins d'un mois à vivre. Ajoute-t-il après une courte pause

-Non, c'est faux. Vous ne pouvez pas me faire ça, c'est injuste. Ne me laisse pas papa.  Je me jetai dans ses bras telle une petite fille.

-c'est le destin ma chérie...

Il se mit à pleurer lui aussi

C'est horrible, c'est cruel. Pourquoi je dois vivre tout ça?

Au bout d'un moment, on finit par se calmer.

-J'aimerais profiter de mes derniers instants avec toi à mes côtés. Tu es tout ce que j'ai de plus précieux, et je t'aime.

-je t'aime aussi papa

C'est ainsi que j'ai passé toute ma journée avec lui
Il m'a fait visiter sa maison, il m'a parlé de lui, on a mangé, on a même joué à un moment.

Bref, c'est ça ma routine du moment
Je passe toutes mes journées avec lui, soit dans sa maison, soit quelque part en ville.
Il aurait voulu qu'on se fasse de petits voyages, mais son état ne le lui permet pas
Il se sent trop fatigué pour prendre des avions et tout ça
Chaque jour, il me disait "carpe diem Rita"= profite du temps présent.

stérile[ EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant