Chapitre 9 - L'étau de la vengeance

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Les ténèbres saignaient le ciel violine de nuages noirs. Le vent s'était levé, et le tonnerre grondait au loin, résonnant dans les montagnes voisines. L'Embrumeuse arriva en courant sur la rive de son fleuve fétiche. Ankou l'attendait depuis l'heure rouge déjà, à l'ombre des ruines d'une vieille cabane. Il s'avança, sans pouvoir s'empêcher de remarquer :


« Vous êtes en retard, Myr'Necronis.

- Tu es fâché, Faucheur ?

- Non, Myr'Necronis, de répondre le personnage derrière ses draps noirs. Je ne peux garder aucune rancœur à votre égard, pas même pour quelques heures d'absences. De toute façon, il n'est pas trop tard.

- Je devais finir les numéros de danse pour la journée avec mon frère avant de venir. Sinon il se serait douté de quelque chose. Et puis tu m'as surprise quand tu es apparu comme ça, au beau milieu de la foule. Personne ne te voyait ni ne t'entendait ! J'ignorai que tu avais ce pouvoir, expliqua-t-elle de sa voix cristalline avant d'être brusquement traversée par un éclair de curiosité. Pas trop tard pour quoi ? »


Il la connaissait par cœur. Sous ses haillons ombrageux, un sourire étira son visage invisible de chasseur. Il savait exactement comment elle réagirait. Il se pencha à sa hauteur d'enfant, et dit sur le ton de la confidence :


« Il faut aller chez Jisgur ce soir. Si vous vous hâtez, il n'est peut-être pas trop tard.

- Ah oui ? Mais, attends Ankou, pourquoi tu me dis ça ? »


Il se doutait que la malice de l'enfant dépassait sa curiosité. Il avait travaillé son texte avec méthode :


« Je sais que des gens vont mourir ce soir, et c'est moi qui prendrais leurs âmes.

- Mais encore ?

- Laissez-moi finir, Myr'Nécronis. Jisgur aura donc de la besogne à donner, puisque sur ma liste, il y a certains de ses meilleurs détrousseurs. Et si sa voleuse préférée est à ses côté à ce moment-là, il ne pourra s'empêcher de lui donner du travail.

- Et je serai payée ! Et je pourrais apporter plus de repas à Tristan ! Et peut-être même qu'il n'aura plus besoin de travailler à la culture de lops !

- Oui, exactement, Myr'Necronis.

- Oh Ankou ! Tu es rusé ! Et si bon avec moi! Pourquoi me le dire, qu'est-ce que cela t'apporte ? se méfia-t-elle soudain.

- Je ne vis que pour vous servir, Myr'Necronis.

- Ta bonté te perdra. Mais vite, hâtons-nous ! Il risque bientôt d'être trop tard ! »


Elle lui adressa un clin d'œil avant de se mettre à courir à l'instar du vent du soir, qui venait de se lever. Le faucheur lui-même eut du mal à la suivre en volant au-dessus d'elle tout au long du trajet.

Il la regardait, et l'espace vide qui avait jadis contenu son cœur sembla s'animer d'une ancienne chaleur.

Une chaleur qu'il n'avait pas connu depuis longtemps. Une chaleur... intense.

Se pouvait-il ? Non.

Impossible...

L'amour était interdit. Il le savait.

On l'appelle L'EmbrumeuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant