Hylané n'avait jamais couru aussi vite de sa vie. Pourtant, à l'âge de l'enfance, elle devançait les garçons au jeu du flivin perché sans mal, et mainte fois quand son père saoul décidait de la châtier, elle avait montré que ses jambes juvéniles demeuraient plus lestes et vives que celle de son parent. Mais pour l'heure, elle en aurait mis sa main à couper, elle n'avait jamais couru aussi vite de sa vie.
Elle passa par l'entrée de service dont Arul avait parlé, grande ouverte, et vit le cadavre d'un garde qui semblait épinglé au mur de pierre, quand un détachement de soldats impériaux, venu de la caserne des bas quartiers à en juger par leurs uniformes, la héla de la coursive. Elle les ignora, la survie de ses nouveaux amis en dépendait. Et alors qu'elle soufflait furieusement pour maintenir son rythme dans l'escalier, soudain elle sentit ses pieds marcher dans le vide.
Ses membres devenaient lourds, il lui semblait presque marcher dans l'eau. L'un des gardes derrière elle maintenait le poing fermé en l'observant, murmurant quelques paroles qui assurait l'usage de l'arca de célérité, tandis que les autres la rejoignaient et l'encerclaient. Celui qui semblait être leur chef, un arcanien Evis aux cheveux verts, finit par s'avancer et annoncer :
« Le palais subit une attaque, les nobles en fuient sans prendre le temps d'ajuster leurs toilettes, et vous, mam'zelle, vous semblez bien pressé de vous y rendre. Vous êtes avec les roublards qui mènent l'attaque ?
- Non Myr'Drizel ! Mes amis sont allés voir le soigneur Mélir, dit Hylané la voix tremblante, ils ne savent pas ce qui les attend ! Je dois les prévenir ! Je vous en prie, laissez-moi y aller !
- C'est trop tard la donzelle, tes amis sont au cœur de la guérilla palatine, tu ne ferais que nous gêner en t'y jetant aussi. Les gardes d'ici savent visiblement pas faire leurs travails, laisse-nous faire, en plus tu a l'air plutôt mal en point...
- Je vous en supplie, je dois prévenir Emiri du danger qui la guette !
- Emiri tu dis ? Attends, l'Emiri du Fantassin Émérite, l'amie de Daran ?
- Oui celle-là même ! Écoutez, ces maraudeurs-là, je les connais, je me suis échappée de leur emprise grâce aux habitants du Fantassin Émérite, je pourrais vous dire quels sont leurs pouvoirs avant que vous vous en rendiez comptes seuls, laissez-moi venir, et empêcher mes sauveurs de retourner en leur maison qui ne sera plus qu'un piège.
- Bien, viens avec nous. Je suis Valarius, un ami de Daran. Raconte-nous tout ce que tu sais, depuis le début, petite. »
***
Torm tremblait. Ses yeux blancs mouillés allaient du visage de Seynan, à ceux de Daran et Emiri, sans qu'ils ne fussent capables de les distinguer. Elle avait du mal à comprendre ce qu'il se passait, ou du moins, ne voulait pas se résoudre à entendre les dernières paroles qu'avait proféré ce maudit assassin.
C'est la tavernière qui, un peu déstabilisée elle aussi, prit la parole après s'être rassérénée :
« Vous dites que le temps presse, et je veux bien vous croire. On n'assiège pas un palais à cinq. D'autres sont dans les couloirs, et il serait bon pour nous de filer. Même si vous avez beaucoup de choses à nous expliquer Sire Lame Nocturne, nous ferons ça sur le chemin du retour. Daran, pourrais-tu récupérer Célia ? Mon jeune enfant... »
L'arcanienne prit soudain un ton maternel, et tout en caressant la multitude de tresses noires qui ornait le crâne de la fillette, elle poursuivit avec un sourire triste :
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On l'appelle L'Embrumeuse
FantasiaElle danse, la petite mendiante. Elle tourne, elle saute, elle vibre. Sur le son de ses bracelets de grelots, elle virevolte devant les yeux des badauds. Mais ceux-là ne sont pas plus attirés par la symphonie métallique que par les entrechats légers...