Chapitre 16 - Sonne le glas

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Daran passa la porte à double battant de sa caserne en gonflant la poitrine, puis tonna :

« Alors les fils de chiens ?! Je vous avais manqué ? »

Il fut accueilli par quelques insultes réciproques. Les soldats ne bougèrent pas de leurs postes. Assis à une table à jouer aux dès pour certains, d'autres discutaient, accoudés à un comptoir d'accueil réaménagé en table à spiritueux.

La pièce était petite, mais les sept hommes en place n'en étaient pas gênés. L'un d'eux, après avoir avalé un godet sous les applaudissements des autres, se tourna et adressa au nouveau venu :

« Par Drac, on a cru que tu reviendrais jamais ! Elle allait te passer la chaîne à l'âme ou quoi ta coureuse de caserne ? »

Il lança un regard abyssal à Uros. Celui qui venait d'insulter son amour était jeune de quelques Ecta Saï de moins que lui. Avec sa frimousse de premier des classes, ses longs cheveux or et ses yeux en amande, ce gars-là tombait plus de pucelles qu'un Ar'Gowarg tombait de pinte. L'amant se renfrogna, puis il s'avança vers les buveurs et leva un bol rempli avant de le sentir.

Du vao.

Une liqueur de lops fermentée. Un alcool fort, produit au sud d'Isla Roï.

Il fronça les sourcils, et se tournant vers l'abruti qui ne savait pas tenir sa langue :

« Vous buvez pendant le service ? Et vous jouez ? C'est quoi tout ça ! Où est le Cara ? Qui patrouille en ville ? »

Sortis de leurs occupations par ce ton agressif, tous les arcaniens se tournèrent d'un même mouvement, à la fois curieux et surpris. Daran versa lentement le contenu du bol sur les pieds du soldat devant lui, avant de reprendre :

« Si un habitant entre et vous voit, on sera la risée de l'armée impériale. Vous vous en rendez compte au moins ?

- Calme-toi Daran, demanda Valarius, un des joueurs de dés, en se levant. Le Cara a été convoqué au palais ce matin par le gouverneur. Quand le loup n'est pas là, les oiseaux dansent... La ville est calme, les derniers évènements ont été gérés exclusivement par le palais. On a pas grand choses à faire. Hwarang et Jarta patrouillent en ce moment pour la forme.

- Et ça justifie que vous piquiez dans les réserves du Cara de l'alcool ?

- Tout le monde a pas la chance de s'envoyer une tavernière, ironisa Uros en agitant ses bottes tachées du liquide violet. »

Cette fois, il ne put pas se retenir. Il lui asséna un coup de tête en plein dans le nez. Un petit crac retentit. Uros se recroquevilla au sol, les deux mains sur le visage. En proie à une vive douleur, il réprimait difficilement de petit cri.

Les autres soldats ne bougèrent pas plus. Valarius s'approcha de Daran, et rit un peu avant de reprendre :

« Uros, tu l'avais mérité. Va dans la salvaterie chercher de quoi te soigner. Bon, Daran, maintenant qu'on est bien sûr que c'est toi... Non, ça ne justifie pas qu'on boive, mais, pas vu, pas pris. Allez mon gars, je t'ai connu plus détendu quand même ! »

L'amant protecteur observa sa victime se lever péniblement, et partir au trot vers la porte du fond. Il souffla bruyamment, et prit soin de croiser les regards de chacun de ses compagnons de caserne, un à un. Adrim, Belna, Oarige et Quili soutinrent, dans l'expectative, les yeux cobalt. Il revint sur celui toujours devant lui. Valarius était, lui, de quelques Ecta Saï son aîné. Plus petit, il restait musclé, et sa peau marquée par une mauvaise rencontre avec un Arcaniste de feu ajoutait à son apparence de roublard. Ses cheveux ras donnaient une teinte légèrement verte à son crâne, et ses yeux jaunes vifs perçaient souvent les défenses morales de ses compagnons. Daran l'appréciait, comme tous ici, et il finit par lui répondre :

On l'appelle L'EmbrumeuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant