L'Embrumeuse ouvrit péniblement les yeux. Le choc l'avait projeté contre la rambarde de la passerelle d'entrée. Sous son poids insignifiant, elle avait tout de même cédé. Elle tenait encore solidement la grande faux d'Ankou dans les mains. Mais elle sentait une chaleur intense au creux de ses paumes.
Elle se releva sur les coudes et regarda l'intérieur de sa dextre. Une large brûlure s'y étendait. Elle secoua la tête. Un étrange acouphène bloquait son ouïe. Un peu sonnée, un peu perdue, elle posa les yeux sur la scène et laissa échapper un hoquet de surprise.
Une multitude de feux follets multicolores s'agitaient de manière désordonnée dans le niveau de la mine. Comme si ils étaient paniqués, ils se muaient en un éclair sans pour autant se heurter, accompagnés de cris suraigus qu'elle ne pouvait entendre.
Elle vit les éclats du sabre noir au sol, d'où s'échappaient encore d'autres boules d'énergies folles.
Elle vit le Mercenaire de la Dame, effondré dans les outils miniers.
Elle vit son frère, atterri dans les sacs de lops qui avait dû amortir sa chute.
Et elle vit le cadavre de l'Elpiv, qui se relevait malgré sa gorge ouverte jusqu'à l'os, et la mare de sang sur ses vêtements et à ses pieds.
Balasin titubait en marchant vers la fillette. La douleur était trop grande. Il savait qu'il ne tiendrait pas longtemps. Il sentait que son corps était trop endommagé pour que sa pauvre âme y réside. Et la destruction de l'arme d'Archange de la Dame, risquait d'attirer ses chiens...
« J'aurai dû... te capturer, et te neutraliser... Nécromän. Tu es une... erreur. »
Ses paroles étouffaient au fond de sa plaie béante. Et les oreilles de l'Embrumeuse ne percevaient rien. Mais Tristan, lui, plus proche, avait tout entendu.
Son sang ne fit qu'un tour, il se leva brusquement de sa couche de fruits écrasés. Et retomba aussi sec, prit de vertiges. Il se mit alors de petites claques frénétiques pour faire passer l'effet indésirable.
La tête de Torm tournait, il lui semblait qu'elle était remplie de coton, et elle clignait des yeux pour comprendre en vain ce que la créature égorgée tentait de lui dire. Elle voyait pourtant ses lèvres bouger ! Mais très vite, son attention se fixa sur sa peau diaphane, toute entrecoupée de veinules noires et de marques bleuâtres. Sur cette gorge qui laissait apparaitre une trachée pendouillant. Elle sourit à la vue de l'exergue de barbe qui lui restait, coupée dans l'attaque fatale de façon ridicule. Il lui semblait que cet Elpiv revenait d'outre-tombe, et elle ne remarqua pas les aiguilles s'élevant lentement parmi les feux follets.
Le Tisseur du Néant s'accrochait encore à la vie. Tout en lui n'était que souffrance, et son aura était si faible qu'il fut surpris lorsque ses piques lui répondirent. Pourtant, il savait qu'il avait atteint ses limites. Ses arca de sang et de sphilence avaient rongé ses dernières forces, il allait défaillir.
Non. Non, il n'avait pas tant sacrifié pour échouer si près du but. À quelques pas à peine de sa cible ! Sacrifié... Tant sacrifié...
Dans les méandres de son esprit, le souvenir d'une antique magie se rappela à lui. Il ferma les yeux, soudainement serein.
« J'offre à Arcana... ma chair et mon âme en... sacrifice ! »
Le temps s'arrêta presque autour de l'Elpiv. Il braqua du regard distinctement le démon qu'il était venu détruire. Tout ne s'était pas déroulé comme prévu. Tant pis. Il détruirait ce monstre, et les chiens de la Dame prendraient encore de longues Ecta-Saï pour retrouver son nouvel hôte.
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On l'appelle L'Embrumeuse
FantasiaElle danse, la petite mendiante. Elle tourne, elle saute, elle vibre. Sur le son de ses bracelets de grelots, elle virevolte devant les yeux des badauds. Mais ceux-là ne sont pas plus attirés par la symphonie métallique que par les entrechats légers...