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Je soupire, et passe une main dans mes cheveux clairs. J'ouvre la fenêtre aux vitres sales, inspirant l'air glacé. Le ciel, barbouillé de jour naissant, résonne de mille bruits. La ville s'éveille...

De petites maisons grises, comme la mienne, blocs fragiles, encerclent le quartier des SUPs moyens.
Leurs maisons sont simples, sans artifices mais proprettes, blanches, beiges et bleues claires. Contrairement aux lotissements des Infs, elles possèdent de petits toits pointus en tuiles rouges. Leurs immeubles s'élèvent, éclatants, neufs, percés de multiples fenêtres ornées de rideaux gais et variés.

Plus au centre, la vieille ville montre ses luxueux bâtiments de pierres blanches et noires, sculptées, regroupant bas-reliefs, colonnades et fresques. C'est là qu'habite Ismaël. Enfin, visibles aux yeux de tous, d'immenses centres commerciaux, criards, tous pensés et réalisés par les plus grands architectes du pays, narguent les pauvres et tentent les riches.

Je referme la fenêtre, m'arrachant à la belle vision de l'aurore sur la ville. Après m'être empli les yeux de couleurs, il est dur de reporter mon attention dans la petite pièce cubique et fade qu'est ma chambre.

Je fait mon lit, un petit meuble fragile en fer, qui grince à chacun de mes mouvements. Une odeur de pain grillé m'annonce que ma mère est réveillée. En faisant mon sac, j'arrache le reste de fermeture éclair qui pendouillait, et, en pestant, j'essaie de rafistoler mon cartable déchiré.
Cela fait plus d'un an que j'économise pour m'en procurer un neuf...

Après m'être consciencieusement brossé les cheveux, je descends l'escalier humide et fissuré. Le soleil éclaire la minuscule pièce qui nous sert de cuisine, de salon, de chambre d'amis et d'entrée. Sur la table, le petit déjeuner a fière allure: pain entier, margarine, un reste de confiture faite maison et lait chaud.

Tout en mangeant je pense à Ismaël, et réponds distraitement aux questions de ma mère.
Elle me parle de mariage, mais je préfère rêver au prince charmant. Elle m'expose son doute sur la couleur de la robe (plutôt bleu très pâle ou blanc nacre) quand je commence à m'inquiéter :

" -Maman, stop. Avec quoi comptes-tu  payer une robe nacré à volants? On optera pour la moins chère, peu m'importe la couleur

- Je... Je n'ai pas les moyens... On va devoir faire certains sacrifices...

- Mais, quoi comme genre de... Sacrifices ?

- Oh pas grand-chose... Manger moins de viande, reporter l'achat de ton sac à plus tard, ou...

-Ou?

- Karina, tu es grande maintenant, et aller au collège devient au-dessus de nos moyens... Tu arrives à un âge où tu devrais rapporter de l'argent, et pas nous en priver! Les études c'est bien, mais va venir le temps où tu devras travailler."

Je la regarde, et une rage violente me prend au cœur: alors comme ça, il faut que je me mette à travailler, sans avoir le choix, sans pouvoir continuer à me cultiver? Ma curiosité est destinée à n'être jamais tarrie?
Ma mère me regarde, d'un air navrée d'avoir éliminé les dernières illusions sur ma vie auxquelles je me raccrochait désespérément, sans y croire complètement, mais en espérant pouvoir décider de mon avenir.

"- C'est soit ça, soit tu oublies le fait de fonder une famille, de vivre confortablement, et de t'assurer un futur sûr."

C'est le coup de grâce. Il n'y a plus aucun doutes. Tout à était dit. Je tourne les talons, laissant ce petit déjeuner dont la seule vue m'écœure à présent.

                  ★★★★★

Voilà pour ce petit chapitre !
La publication a du retard, j'ai quelques "petits" problèmes...

J'espère que les descriptions vous plaisent!

RebellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant