6.Déception

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Ce lundi là, je décide de partir un peu plus tôt pour profiter de la fraîcheur du matin et pour réfléchir au calme. Le ciel est d'un joli rose pâle car il est très tôt. Le soleil se lève paresseusement. Je prends de grandes inspiration: il y a une forte odeur de lavandes et de roses. Un oiseau chante. C'est la seule fois en deux jours où je suis seule et où je peux rêver. Le trajet jusqu'au lycée dure trois quarts d'heure. Il faut passer par une petite allée bordée d'arbres et de fleurs, traverser une grande route, marcher un peu dans le quartier riche des Infs, et puis atteindre le centre ville. Notre lycée est l'un des rares établissement du pays où les Infs et les SUPs sont mélangés et où garçons et filles ne sont pas séparés en cours. Notre uniforme est très basique: je suis en première année donc jupe courte et noire, débardeur blanc avec blason du lycée, sweat noir en hiver et bas+ballerines noires. Je n'aime pas trop cette tenue, mais au moins les pauvres et les riches sont égaux. J'attends ce jour depuis vendredi soir. Même pendant deux jours je ne peux plus me passer de lui. Si beau, si gentil, si prévenant, si aimant....Moi qui déteste le romantisme et qui trouve tous les couples horriblement niais, je crois malheureusement que je suis tombée dans le piège de l'amour... Il a fallut seulement trois heures pour que je sois folle de lui! C'est vraiment ridicule... Tant pis! Aujourd'hui je le verrai, il m'attendra, il m'embrassera, je lui dirai que je l'aime, il me dira que je suis parfaite et puis...et puis... Ah mais je suis déjà arrivée moi! Je passe par l'entrée des Infs, tout petit portail situé à l'arrière du bâtiment. Je tombe sur Camille et Mélodie. Je soupire intérieurement : et moi qui voulait voir Ismaël au plus vite... Elles se disputent sur ce qui c'est passé samedi en ville : " Si c'est injuste s'ils portent plaintes, Non pas du tout c'est notre faute, T'es trop débile, ce système profite des soumis comme toi, Mais non t'es ingrate envers ton pays,etc."
J'ignore cet accrochage routinal et dis d'un ton faussement enjoué :
"-Coucou les filles ? Je dérange ? Pas grave j'ai un petit truc à faire...
-Quoi ? Non mais pas du tout!disent-elles en même temps,
On allait aux casiers tu viens ?"
Et mince, raté... Bon j'irai voir Ismaël plus tard.

En cours:
Je n'arrête pas de le fixer, mais lui ne m'adresse même pas un regard... J'essaie de me rassurer: après tout, il est peut-être trop absorbé par le cours, où il ne m'a pas encore vue, en plus c'est moi qui l'ai snobé ce matin...
En sortant de la classe, je m'approche de son groupe, qui me regarde comme si j'étais un ver de terre. Je prends mon courage à deux mains et chuchote à moitié :
"-Eum... Salut Ismaël...je suis absolument écarlate, et lui ne me regarde presque pas. Du bout des lèvres j'ai le droit à un froid:
"-Ouais... Salut..."
Je sens mes yeux devenir tout humides, et mes joues pâlir sous ce manque d'intérêt et les rires moqueurs de ses amis. Je pars, courant presque, les larmes aux yeux. Je garde la tête haute, et pince les lèvres, dans un dernier effort pour éviter d'être ridicule. Camille et Mélodie ont assisté à toute la scène. Mélodie me regarde d'un air compatissant, de ses gentils yeux d'or, mais Camille, la mignonne mais terrible Camille, ne m'accorde qu'un regard ironique et un sourire en coin style "je te l'avais bien dit!". Je sais que je l'ai mérité. J'ai étais stupide de croire en l'amour alors que ce n'était qu'une supercherie, une moquerie ou pire, un simple pari. Pendant le reste de la journée, j'essaye de l'oublier, et je ris fort sous son nez pour lui montrer que tout ça ne m'atteint pas. Bien sûr c'est faux. Pire que faux. À la dernière heure de cours, je tient plus. Je n'essaye même pas de paraître heureuse ou indifférente. C'était mon premier aperçu de l'amour, donc je suis tombée directement sous le charme et je ne sais pas quoi faire en cas de coeur brisé. Je commence à me dire que l'allure n'existe pas, que les hommes sont tous les mêmes, que moi, je ne retomberait jamais dans le panneau, que je serai à jamais insensible à l'amour, un véritable coeur de glace et de pierre... Je n'ai pas vraiment de recul face à une situation pareille, et je dramatise à m'en rendre malade. Moi, Karina, ne serai plus jamais amoureuse. Ils pourront tout essayer, mais rien n'y changera. Pendant que je l'invente un futur sans mari et sans amour, les larmes coulent doucement le long de mon nez et ploc! une par une sur la page de mon cahier. Je les regarde, fascinée. Puis, presque à regret, je jette un dernier regard à ce magnifique SUPs qui a fait battre mon cœur.
Alors, nos regards se croisent. Et il  fait quelque-chose d'extraordinaire, qui fait fondre mon coeur et me fait oublier toutes mes bonnes résolutions : il me fait un clin d'oeil...

Alors? Vous en pensez quoi?

RebellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant