17. Mariée

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Après cette entrevue, je suis restée au même endroit, les cheveux ébouriffés par le vent qui s'intensifiait. Les rires devenaient de plus en plus fort, les gens avaient trop bu et ils disaient des bêtises, s'amusaient de choses futiles, se moquaient les uns des autres. Je réfléchissais à ce que je pouvais faire, et des idées folles me traversaient l'esprit:
M'enfuir, entrer par effraction chez Ismaël et le forcer à m'écouter, ou encore me suicider.

Absorbée par ces sordides réflexions, je n'avais pas entendu Célestin. Ce n'est qu'au moment où il couvrit mes épaules grelottantes de son manteau que je me rendis compte de sa présence. Malgré ce geste attentionné, il avait le regard dur, et il frémissait d'indignation. Je m'attendais au pire: si, sur un mouvement de colère justifié, il expliquait qu'il m'avait surprise avec un SUP, ses parents pouvaient très bien annuler le mariage, et alors j'aurais droit à la misère pour le restant de mes jours...

Il resta muet, sans m'accorder un regard. Il fixait un point de l'horizon, quelque-chose que je ne voyais pas. Ce moment, court, rien d'autre. La soirée se termina quelques heures plus tard et les gens, trop imbibés, euphoriques, n'avaient pas remarqué que Célestin et moi avions perdu notre bonne humeur. Il a gardé le secret, et j'espère qu'il tiendra sa langue encore longtemps...

Je repense à cela en recousant une de ses chemises: elle est grise, a dû être blanche à l'origine...
Il rentre tard, parfois même je m'endors en l'attendant. Quand il revient, il sent l'alcool, il ne me regarde pas, ne me parle pas, ne me touche pas. Il se contente d'enlever sa veste, que je pose consciencieusement sur le porte-manteau, de s'asseoir, de passer sa main dans ses cheveux blonds et de se servir à boire. Je monte alors, et m'assoupis quand je l'entend se coucher.
Il ne dort pas avec moi, il préfère le canapé. Le matin, il part avant mon réveil.

Je commence à m'inquiéter, comme à chaque fois qu'il rentre après minuit. La maison que nous habitons est plutôt grande, mais vide et mal entretenue. On l'a achetée pour une bouchée de pain. Nous n'avons pas vraiment emménagé puisque nous n'avions presque pas d'affaires personnelles. Il y a deux étages, mais l'étage supérieur ne comporte qu'une seule chambre: la mienne. En bas, il y a un salon qui fait cuisine, et, ce qui est plutôt luxueux, une entrée. Minuscule. Tout juste la place d'y mettre les chaussures et le porte-manteau. Comme salle de bains, il y a un petit espace dans ma chambre avec un bac et un robinet d'eau froide. C'est un peu physique, puisque c'est le seul point d'eau de la maison avec les toilettes, ce qui veut dire que pour prendre un bain, on doit descendre l'escalier avec la casserole pleine, faire bouillir l'eau à la cuisine, remonter les escalier avec la casserole brûlante... Toute une histoire. Et c'est pareil quand on veut faire à manger et qu'on a besoin d'eau chaude.

Penser à ces soucis me fait oublier un instant l'absence de mon mari (je n'arrive toujours pas à m'habituer à l'appeler "mon mari") mais je recommence à me poser des questions: à quelle heure va-t-il revenir? Sera-t-il éméché ? Se sera-t-il battu? Sera-t-il en état d'aller travailler demain?
Il fait un métier très fatiguant, il soulève de lourdes charges sur les chantiers. De mon côté, je n'ai pas encore trouvé d'emploi...
Je crois que je m'endors un peu, car c'est le bruit de la porte qu'on ouvre qui me réveille. J'entends des bruits, des chuchotements, des gloussements. Puis j'entends très distinctement Célestin dire:

"- À demain les filles... Chuut vous allez la réveiller ! Mais oui je vous aime... Allez, filez!"

L'effet est immédiat: ça m'a totalement réveillée. Je me lève, flouée, et j'attends patiemment que la porte se referme et que les "filles" partent. Célestin entre dans le salon, un sourire sûr de lui sur les lèvres. Moi je tape du pied en attendant une explication...

★★★★★★★★★

Hey! Désolée, j'ai mis du temps mais j'ai eu des soucis avec mon téléphone...
Bref! J'espère que ce chapitre vous plaît, j'ai vraiment besoin de savoir ce que vous en pensez, comme d'habitude! Il peut paraître un peu frustrant car il est court et il ne se passe pas grand-chose, mais le prochain est déjà en cours, et il y a plus d'action!

RebellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant