26. Le voyage

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Je tombe plus que je n'atterris sur le sol. La nuit est noire. Mon sac tombe à mes pieds.Je ferme avec précautions la fenêtre derrière moi, et je tombe sur une dizaine de personnes à l'air affolé :

"-Rhaa mais Karina! Dépêche-toi un peu! On a pas le temps !me dit une Mélodie angoissée, Tiens, prends ton billet de train.

- Mon billet de quoi? C'est quoi ça ? C'est qui eux?

-Pas le temps ! me coupe un homme au visage sévère. Enfile ça et active."

Il me tend une sorte de cape sombre dont je couvre mes épaules : je ne sais pas si c'est vraiment nécessaire, mais j'essaye de me prêter au jeu. Mélodie rabat la capuche sur ma tignasse blonde et nous partons au pas de course.

   Il me faut escalader le muret qui sépare mon minuscule jardin de celui de mes voisins. L'homme, qui semble être le chef,  m'a brièvement expliqué qu'il est impossible de sortir par le portail, gardé par les gardes, et que nous passons donc par les jardins.

    Je me hisse avec difficultés sur le muret, abimant mon pantalon. Mon gros sac me ralenti. En sautant de l'autre côté, je me fais mal à la cheville et gémis de douleur. Aussitôt, le groupe m'intime le silence, roulant des yeux: on me considère apparemment déjà comme un boulet.

Un par un, les rebelles franchissent l'obstacle avec une agilité que je leur envie. Nous marchons en parallèle à la rue, piétinant les fleurs des Infs, escaladant de temps à autre une barrière ou un petit mur. Je sais que cette précaution est nécessaire, mais elle rend difficile le trajet. De plus, j'ai peur qu'un Inf alerté par le bruit nous surprenne en train de marcher dans son jardin.

Les yeux me piquent et je frissonne. Nous allons sortir des jardins et rejoindre les rues, puisque nous avons dépassé celle surveillée par les gardes. Il nous faudra ensuite atteindre la gare, située dans la banlieue, endroit où je n'ai jamais mis les pieds.
Pour le moment, nous faisons une pose car une des rebelles s'est tordue la cheville.
Tandis que tout le groupe s'occupe de la grande blessée, je me roule en boule près d'un massif d'hortensia, mon sac à mes pieds. Je ne peux m'empêcher de remarquer que nous sommes proches de chez Camille... Que dirait-elle si elle me voyait ici?

Nous repartons, la fille à la cheville tordue serrant les dents à cause de la douleur. Un dernier mur et nous retrouvons enfin le bitume de  la rue. Le chef éteint sa lampe torche: la lumière orange des lampadaires suffit amplement.

   Je frissonne. Je tombe de sommeil, j'ai faim et je commence à avoir froid. Personne ne se plaint, je suis peut-être une petite nature...
Tout est silencieux. Nous essayons de faire le moins de bruit possible, rasant les murs, marchant sur la pointe des pieds.
          Mon ventre me trahit en gargouillant avec férocité. Je me fige, et les rebelles se tourne vers moi, affligés. J'esquisse un sourire contrit: je suis vraiment un boulet...

           Nous n'avons croisé personne pour le moment, et même mes gargouillements n'attire pas les gardes. Pourtant, Mélodie et ses amis sont toujours aussi crispés: ils serrent les dents et sursautent au moindre bruit.

     Nous marchons lorsque un garde surgit au bout de la rue où nous nous trouvons. Cette vision me stoppe net: je me fige, mes yeux s'écarquillent, et une goutte de sueur coule sur mon front. Mes mains se crispent sur l'anse de mon  sac de voyage. Il ne nous a pas encore vus. Nous nous plaquons le long du bâtiment que nous longeons, un lycée je crois, et attendons un ordre du chef.

"– On fait quoi? demande un des rebelles.

On ferme gentiment sa gueule parce que s'il nous voit, on est mort."

RebellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant