18. Une dispute et des affiches

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Furibonde, je le fixe. Il me regarde, hausse les épaules, me salue d'un geste de la tête et se sert d'un verre d'alcool. Quoi, c'est tout? Je me plante devant lui , et il me sourit l'air de dire:"ben quoi?".

Il est idiot ou il le fait exprès ? Ah non, cette fois, il ne s'en tirera pas comme ça :

"- Célestin, mon très cher,
peux-tu m'expliquer ce que tu faisais à minuit passé dehors avec des filles pendant que ton épouse se faisait du souci pour toi?

- Quoi?

- Tu couches avec elles c'est ça ?

- Mais quoi? Qu'est-ce que tu me racontes, là ? Ce sont des amies d'enfance, tu te fais des films ma pauvre! Attends mais je ne devrais même pas me justifier! C'est pas moi qui, le jour même de mon mariage, étais en train de parler avec mon petit copain! Et puis c'est quoi cette histoire? Tu te soucies de moi et puis quoi encore? Je ne t'ai jamais demandé quoi que ce soit! Et puis je pensais avoir été clair la première fois: je ne t'aime pas, toi non plus, ça ne sera jamais le cas, et c'est pas la peine de faire semblant!"

Il clos la discussion en se resservant  de vin. Moi, j'essaye de rassembler mes idées, de trouver la réplique géniale qui le fera changer d'avis. J'en trouve une, assez pathétique, pleine d'amertume, mais au moment où je veux parler, il n'y a qu'un sanglot qui sort de ma gorge. Je me plaque les mains sur la bouche, honteuse, mais trop tard. Il se retourne, avec une expression de stupeur sur le visage. Nous sommes absolument pitoyables, dans cette cuisine mal éclairée, qui sent l'alcool et la rancune, nous regardant l'un l'autre, lui, étonné, hébété, tellement que ça en devient comique et moi, horrifiée, les yeux écarquillés, la main sur mes lèvres, trahie par un sanglot. Trahie parce qu'au fond de moi, je sais que j'y ai cru. J'ai cru en une famille heureuse, j'ai cru pouvoir espérer avoir des  enfants un jour, j'ai cru pouvoir être aimée de Célestin.

Au moment où je me dis cela, les larmes, intarissables, comme celles des enfants gâtés, dévalent mes joues.

"- Mais... Mais tu pleures pour de bon en plus? Non mais tu vas pas bien hein... Faut pas pleurer pour ça imbécile ! il sourit en disant ça, amusé par ma faiblesse, persuadé que n'est que passager. Mais cela fait des semaines que je me retiens et je n'en peux plus. Mais arrête de pleurer ! Pourquoi tu pleures? Écoutes, je suis vraiment nul pour consoler les gens... C'est vraiment très embarrassant là... "

Il se lève et vient tapoter mon épaule maladroitement. Un nouveau sanglot me secoue. Il est vraiment très gêné, et le voir comme ceci me fait sourire à travers mes larmes. J'ai vraiment besoin de réconfort, mais il ne sait pas s'y prendre. C'est encore pire que tout.

En le voyant hésiter, alors que je me noie dans l'eau salée à force de pleurer, je me jette dans ses bras. Il est interdit, raide, et je crois qu'il a peur de bouger et de me déranger. Mais je m'en fous.

Je suis enfin dans ses bras, et j'ai arrêté de pleurer. Je renifle maintenant disgracieusement, mais son contact m'apaise.  Tout doucement, je sens ses bras bouger et me serrer contre lui. Je vois bien qu'il est dépassé par la situation, mais qu'il essaye de m'aider. Tout à coup, je prends conscience que ce geste, ce câlin, peut lui faire croire que je suis follement amoureuse de lui et que c'est cet amour qui a causé ma crise de larmes. Alors je m'écarte de lui, gauchement. Je lui souris timidement, mon visage doit être couvert de plaques rouges, comme à chaque fois que je pleure.

À cela s'ensuit un blanc. Un gros malaise plane dans la pièce...
Il rompt le silence au bout de secondes qui paraissent des siècles :

"- Karina... Je suis désolé... Je ne pensais pas... Je n'imaginais pas un seul instant que tu étais si... Attachée à moi et que tu t'inquiétais pour moi! Je rentrerais plutôt si tu veux... Mais on est d'accord, on ne s'aime pas! Je n'ai aucune obligation envers toi! Je ne t'ai jamais promis quoi que ce soit ou...

- Célestin! Bien sûr que si! Le mariage, C'EST une promesse!

- Oui, mais c'était contre mon gré !

- Et alors? Sur le papier, tu es mon mari! Tu te dois de m'être fidèle, de rester avec moi,...

- Sur le papier? C'est du vent tout ça ! Personne ne respecte les termes d'un mariage forcé !
Les contraintes, les charges, personne n'y fait attention...

- Alors je ne suis vraiment qu'une charge à tes yeux? Qu'un poids mort, un boulet que tu traineras à vie? Qu'il est inutile de ménager, qui ne ressent rien de toutes façons ? Je suis humaine Célestin! Réponds ! Tu me vois comme ça ?

- Mais bien sûr que oui! Bien sûr que oui tu es une charge, bien sûr que oui ça me fais profondément chier de te trainer toute ma vie! Qu'est-ce que tu croyais ? J'ai été clair dès le début sur ce point! Je pensais que c'était réciproque! Pourquoi tu t'attaches à moi comme ça ? Vis ta vie!

- Pourquoi ? Mais parce que je suis obligée ! C'est facile pour toi de me dire "vis ta vie" ! Tu ne te rends pas compte que si je "vivais ma vie", tu n'aurais ni vêtements propres, ni repas (les rares fois où tu manges à la maison), la maison serait dégueulasse...

- Non mais écoutes-nous! On dirait un vieux couple! Je refuse de rentrer là-dedans!

- Eh bien moi, je vais t'y forcer!  Je veux avoir une vie de famille normale, et je veux pouvoir être aidée par mes enfants! Le visage de mon cher mari blêmit à ces paroles.

- Tu peux pas me demander ça... C'est hors de question ! On ne peut pas faire semblant de s'aimer, faire comme si de rien n'était.

- Si. Et ça va commencer maintenant !"

Sur ce, alors qu'il se  détourne et fuit le débat, je le tourne face à moi, me met sur la pointe des pieds et l'embrasse avec colère.

Sa réaction est immédiate: sa grande main vient claquer ma joue, puis il sort de la maison, en murmurant des "pauvre folle", des " une vraie hystérique ", et des " elle va vraiment pas bien".

Je le regarde claquer la porte. Qu'est-ce qui m'a pris? Ça ne me ressemble absolument pas... J'ai tout gagné...

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Je me déteste. Célestin a disparu deux jours et deux nuits, et il est revenu ivre mort, accompagné par des voisins qui l'avaient trouvé sur la route. Depuis son retour, il rentre plus tôt les soirs, mais ne me parle plus. Il ne me regarde plus non plus. Je suis plus malheureuse que jamais, puisque j'ai réalisé que j'avais adoré le baiser.

Je suis vraiment une ratée...

J'ai demandé à Camille et Mélodie de venir me rendre visite ce soir, mais elles risquent de venir séparément puisqu'elles sont de nouveau en froid...

Le matin est gris et froid, et je n'ai pas le courage d'aller faire les courses. Seulement, je n'ai pas le choix. Avec regret, je me prépare à sortir...

En ouvrant la porte, une bourrasque de vent m'accueille.
Après avoir réarrangé mes cheveux, je les vois. Les affiches. Immenses, elles couvrent tous les centimètres de chaque murs. Il y en a même sur le sol... Des vertes, des rouges, des jaunes,...

Je déambule dans les rues, perplexe, et c'est partout la même chose. Des regards outrés et des chuchotements désemparés s'échappent des maisons. Car ces affiches sont des caricatures du président et de la société, et que la ville en est tapissée...

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Hey! Je publie très tard à cause d'un Wattbug qui touche apparemment beaucoup de gens...

Désolée... Que pensez-vous de la dispute Célestin/ Karina?

RebellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant