La planque

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On arrive. Je vais enfin sortir de ce train maudit. Après la diffusion de la mort de Célestin, aidée par l'alcool, Mélodie et Lucas, j'ai eu une courte période d'euphorie, pendant laquelle j'ai essayé de comprendre ce qui m'attendait arrivée à la capitale, mais maintenant c'est la déprime. Le train se stoppe enfin, me secouant brutalement. 

J'adresse un regard à notre chef, qui acquiesce, et moins de cinq minutes après, nous sommes à l'air libre. Peu de gens sortent de notre train, d'ailleurs nous n'avons même pas été contrôlés. Moi qui pensais découvrir une ville magnifique dès la sortie du véhicule, je découvre une gare grise, pleine de gens fatigués et pressés. 

Il tard, nous avons passé la journée assis, et je suis bien contente de pouvoir me dégourdir les jambes. Je suis bousculée de tous sens, je ne vois que des SUPs, les Infs ne semblent pas avoir leur place ici. On nous demande nos tickets avec mille excuses : « à cause de la période peu sûre ». Nous répondons avec des grands sourires, comme les gamins bien élevés que nous sommes. Ils ne font apparemment pas le rapprochement avec le groupe d'adolescents recherchés dans notre petite ville, je ne sais même pas si le signalement leur est parvenu.

 En sortant de la gare, un vent froid me fouette le visage. La ville n'est pas totalement endormie, je vois quelques bureaux encore allumés dans d'immenses gratte-ciel, quelques grands bars recueillent les derniers fêtards et diffusent leur musique dans la rue. Il n'y a pas beaucoup de circulation, je devine de nombreuses pistes cyclables à la lumière des lampadaires. Nous ne sommes pas au centre de la ville, mais entre un quartier d'affaires et un quartier composé essentiellement de restaurants, de bistrots et de cinémas. 

Un groupe de grandes dames sortent en parlant avec agitation d'un film qu'elles viennent de voir. Elles sont grandes, belles, vêtues de robes simples, confortables et devant coûter très cher. Derrière elles trottinent deux Infs à l'air exténué. Nous marchons au pas derrière Lucas, qui avance rapidement, un plan en mains, s'arrêtant parfois sous un réverbère pour mieux lire la carte. Un ivrogne accoste Mélodie pour lui dire qu'elle a de beaux yeux, et nous traçons pour le semer. S'il savait la vraie couleur des iris de mon amie... Les lentilles colorées commencent d'ailleurs à me gêner, j'ai hâte de les retirer.

A mon grand désappointement, nous ne nous dirigeons pas vers un hôtel confortable, avec des lits douillets et des bains chauds, où nous serions traités en tant que SUPs, mais vers un musée. Un musée d'archéologie, sujet qui ne me passionne que très peu, et qui est situé sur une placette surélevée.

« -Bon, Lucas, si tu comptes faire du tourisme, dis-le-nous, parce que je pense qu'il est temps de dormir là, hasardé-je.

Je m'attire les regards consternés de tout le groupe. Apparemment, il me manque encore quelques détails avant de tout pouvoir comprendre.

« -Ferme-la Karina, c'est le seul moyen pour que tu ne paraisses pas trop ridicule. »

Je décide sagement de suivre le conseil de mon chef. Ce dernier sort des clés de son sac, et ouvre les portes du musée. C'est aussi simple que ça. Pas de grincements sinistres ni de parquet qui craque, les gonds bien huilés et le carrelage rendent notre entrée extrêmement discrète. Les lumières s'allument une par une, et je découvre un hall d'une blancheur immaculée, avec des tables couvertes de brochures colorées et un guichet vide. Je n'ai pas le temps de m'attarder sur les détails puisqu'en face de moi, en haut d'un grand escalier menant aux collections du musée, vient d'apparaître le gardien de nuit.

On est foutu.

Célestin est mort pour rien.

D'un air désolé, des sanglots dans la voix, je me tourne vers mes amis, dont les visages expriment plus le soulagement qu'une terreur foudroyante. Le gardien de nuit nous sourit d'un air chaleureux et fait un geste de la main pour qu'on le suive. Etonnée, je regarde Mélodie qui fait une grimace signifiant « laisse tomber tu peux pas comprendre ». J'emboîte donc sans broncher le pas du nouveau venu.

RebellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant