J'ai réussis, malgré les fortes insistances de Larsen pour rejoindre l'infirmerie, à négocier un moment de tranquillité et surtout l'accès à une douche. Assez des jets de vapeur ou autre gel nettoyant, je voulais une vraie douche. Larsen a fini par accepter avec la promesse de m'envoyer le médecin de bord. J'eus droit à la cabine privé du capitaine. Assez sobre et spartiate, mais en comparaison, mon vaisseau était un placard à balais. Une serviette nouée à la taille, j'observais mon reflet dans un miroir de la salle de bain privé. J'avais morflé, coupures, ecchymoses, lèvres tuméfiées et divers bleus. En repensant à des images d'archives post-exile, sans les avantages des améliorations génétiques, j'aurais fini en purée.
Avant de nous séparer, Larsen m'avait confié un coffret en bois ouvragé d'un aigle aux ailes déployées agrémenté de fioritures. De l'ébène aquilan, un arbre originaire de mon monde natal très rare et précieux et dont l'exploitation était étroitement surveillée. Dans une société où tout est issu de la synthèse ou du clonage et fabriqué par machine, posséder un objet artisanal est un signe de richesse. Ma famille aime rappeler son statut, même si pendant longtemps, il fut injustifié. J'ai ouvert le coffret.
Reposant sur un fond de velours blanc, l'objet fait d'un alliage à base d'or, était un tour de tête dont la forme n'était pas sans rappeler les antiques couronnes de lauriers. Je l'ai saisi à deux mains, un mélange de nostalgie et de tristesse m'a traversé. Cette couronne représentait ce que j'ai étais. Le descendant d'Octavie Valmont, fondatrice de l'Impérium, même si ce fait revenait plutôt à mon ancêtre, son neveu Alexandre. Je l'ai posé sur ma tête, comme elle l'avait ornée pendant plus de seize ans, cet alliage s'élargissant au gré de ma croissance. Me revoir ainsi fit revenir bon nombre de souvenirs. J'ai été privilégié, ne manquant de rien, éloigné de tout. Un sentiment d'étouffement m'a pris très tôt et je m'évadais au travers d'images d'archives post-exile. Féru d'Histoire, je me serais bien vue l'étudier où la transmettre dans une Académie. Mais au sein de l'Impérium, mon statut m'aurait ouvert toutes les portes et je refusais de prendre la place de quelqu'un de plus méritant.J'ai instinctivement porté les mains à mon visage, effleurant la joue droite. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Après mainte négociation, j'étais parvenu à organiser une sortie, loin d'Aquila et ses intrigues, profitant de la récente paix pour partir quelques temps sur la Perle de l'Empire, Amphitrite, dans le système Céto. Une planète couverte d'océan et d'archipel, réputée pour ses mastodontes marins placides, ses superstructures coralliennes, ses plages et ses paysages magnifiques. Son axe de rotation perpendiculaire à son plan orbital lui offre un climat homogène avec une unique saison. Le monde parfait en somme. Pourtant, tous n'étaient pas de cet avis.
Des rancuniers, résidus de nobliaux et autres industriels voyant leur influence décroître depuis la victoire de mon impératrice de sœur, apprenaient ma présence et voulaient passer un message. Je ne me souviens de rien, juste mon réveil sous un tas de décombres m'écrasant la tête. J'aurais pu mourir, j'aurais dû. Mais j'étais prince, de ce fait, prioritaire. J'ai passé des jours au bloc opératoire, passant devant celles et ceux qui auraient pu survivre, mais ma position l'en empêchait, je n'ai jamais eu mon mot à dire. Je suis resté des mois dans le coma, à mon réveil, plus aucune trace de cet attentat sur ma personne.
Un raclement de gorge m'a fait sortir de mes souvenirs. Faisant volte-face, je suis tombais nez à nez avec un homme en uniforme médicale blanche, son statut reconnaissable au caducée sur son pectoral droit. Difficile de lui donner un âge, probablement le mien, mais le regard d'un homme qui avait de la bouteille. Cheveux court sur les côtés et long sur le dessus, plaqués en arrière et barbe de quelques jours, plutôt bel homme.-Je peux vous aider ?
-Karl Loeg, médecin de bord.
-C'est Larsen qui vous envoie ?
-À votre avis ?
L'agacement se lisait sur ses yeux, il avait d'autre chose à faire, comme raccommoder les soldats envoyés me récupérer.
Je quittais la salle de bain et il m'a fait asseoir sur le lit.
-Je vais bien.
-On verra.
Il a tapoté sur le bracelet de son bras droit. Une série de fenêtres holographique se sont matérialisée, révélant plusieurs données sur mon état.
-Votre nombre d'implants est assez impressionnant, certains, d'origine militaire, désactivés, et il y a une forte présence de nanites dans votre organisme.
-C'est normal.
Il m'a lancé un regard suspicieux, a désactivé les écrans et m'a tâtonné le visage.
-Reconstruction faciale ?
- Oui, antérieur à mon départ.
-Je me disais aussi. Trop bon travail pour être celui d'un médecin d'avant-poste.
Loeg a continué son auscultation, appuyant sur certaines sensibles, provoquant des réactions me faisant maudire de n'avoir qu'une foutue serviette. Bien que certaines mimiques qu'il semblait vouloir dissimuler en disaient long.
-Vous êtes gêné, doc ?
Il retint un sursaut.
-Par quoi ?
-Rien, ai-je dis avec un sourire plein de sous-entendu.
Ce rapprochement prenait une tournure assez inattendu et il mit fin à son examen.
-Bon, tout a l'air en ordre, vos nanites médicales semblent avoir effectué un excellent travail, aucune blessure probante qui nécessite mon intervention. Rien à déclarer ?
-Si. Tout ce temps. Seul. Dans l'Espace. Il y a de quoi être frustré. Très frustré.
Je crois qu'il a compris le sous-entendu. Je me suis rendu dans la salle de bain et fis couler l'eau, tout en m'assurant que la porte reste entre-ouverte. Alors que l'eau jaillissait des puissants jets, j'ai perçu un mouvement derrière moi. D'un geste rapide, j'ai fais demi-tour. Agrippant le médecin à la taille en nous projetant contre une paroi. Nos pelvis se frottant l'un contre l'autre tandis que d'une main il rapprocha ma tête de la sienne pour échanger un baiser passionné. Enfin, les évènements allaient dans mon sens.
La douche fut plus longue que prévue, mais bien plus agréable. Je contactais Larsen et ce dernier me parut très agacé par ce retard. Il m'a presque ordonné de le rejoindre dans la salle des transmissions du vaisseau. Je gardais ma tenue de maraudeur que l'on avait nettoyé. Eve s'est décidée à reprendre du service. Bien qu'entité artificielle, je pouvais presque entendre une certaine frustration dans sa voix. De toute évidence, elle prenait moyennement la révélation sur mon identité. En chemin, je croisais quelques officiers qui m'ont salué avec une certaines déférence, et même respect.
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Chroniques d'Epsilon
Science FictionCouverture effectuée par WEcover. Encore merci pour leur superbe travail Une galaxie lointaine dans un futur lointain. Mon nom est Dorian Mead, simple maraudeur à votre service. Du moins je croyais pouvoir l'être. Mais mon passé m'a rattrapé, mon me...