Chapitre 27

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  Un temps magnifique, pas le moindre nuage dans le ciel. Rien qui ne laissait supposer une future apocalypse. Hormis peut-être le rugissement des alarmes aux quatre coins de la métropole. Je n'ai jamais compris l'intérêt de voler de l'électroménager quand la fin du monde s'annoncer, pourtant tous les vendeurs de téléviseurs s'étaient vus pillés au cours des premières heures de l'annonce de ce qui attendait les habitants de Tera.
Après l'appel au complot, aux crises de foi, les suicident collectifs et des rixes sur différentes frontières, ils avaient fallu coordonner tous ce beau merdier dans un véritable chaos. Les principaux centres urbains étaient dépeuplés, les populations civiles à l'abri dans d'immenses bunkers souterrains, mais déloger des milliards de gens en si peu de temps restait du domaine du miracle et déjà l'Harmonie et le Quantech effectuaient des mouvements en direction de la planète. Jamais je n'ai regardé le ciel avec une telle frayeur. Le monde allait s'embraser et moi avec.
Réussir quatre nations qui se détestent au plus haut point à s'allier pour défendre leurs fesses avait été... intéressant. Déjà leur révéler leurs origines avait eu l'effet d'une bombe, mais leur faire accepter... avait presque provoqué un hiver nucléaire. Heureusement que certaines instances politiques s'en doutaient déjà, je ne voulais pas mourir à cause de fiertés nationales et culturelles débiles. Une guerre atomique écartée, il ne nous restait qu'à nous préparer.
Le dernier message de Stuyvesant fut une vague promesse d'intervention qui tenait plus du miracle que du possible et nous avions démonté le vaisseau de Weston pour tenter, non sans une certaine réussite, de les insérer à la technologie de l'Endymion, le stratonef. Eve montrait son incroyable potentiel privée de mes contraintes physiques et mentales. Elle dispersa hommes et matériels de façon optimale, élabora un algorithme qui nous protégerait de toute cyber-attaque et diverses contre-mesures en cas d'onde électromagnétique.
Pour la première fois, je n'arrivais plus à la comprendre. Elle avait été une voix dans ma tête, une aide précieuse, une confidente, Eve en savait sûrement plus sur moi que quiconque, y compris moi-même. Mais si elle n'avait été qu'une voix synthétique, elle avait à présent un corps, une existence, avait-elle une conscience, comment je devais la traiter ? Une IA ? Une machine ? Une abomination ? Une amie ? Nous n'avions jamais trouvé le temps pour réellement discuter de la situation et peut-être ne l'aurions-nous jamais.
-Tu fais quoi Mead ?
Alors que l'imposante masse du stratonef, accompagné d'autres aérostats et d'avions de chasse, recouvrait la ville, Sonja me ramena à la réalité. L'ex bras droit de Jéricho tenait à m'avoir à l'œil.
-J'observe.
Nous étions sur le toit d'un immeuble. Dans la rue en bas, une longue file d'attente se dirigeait sous le regard de l'armée en direction d'une grande structure en béton qui s'enfonçait dans le sol.
-J'arrive toujours pas à croire que tu es réussi à tous nous convaincre.
-Moi non plus.
J'ai activé mon omnicom.
-Cyri, comment ça se passe de ton coté.
Malgré les protestations d'Aether, la maraudeuse, s'était opposée à toutes formes de convalescence, malgré la colère contre son monde, elle tenait à le défendre au lieu de rester les bras croisés. Qu'elle soit debout aussi vite tenait du miracle, même si la médecine d'Aether et la ténacité de la jeune femme y était pour beaucoup.
-L'horreur, dit-elle. On a eu deux bagarres dont une avec blessé. Merde un crétin à sortie une arme... c'est bon, ils l'ont arrêté. Bordel, c'est déjà un coup de bol qu'on arrive à déplacer autant de monde sans provoquer d'émeute, si ce crétin avait tiré... j'ose pas imaginer le pire.
-Franchement, si on survit, je me paie des vacances. Sur Levant.
-C'est pas cette colonie qui est en dehors de l'Espace Humain ?
-Oui. Loin, très loin.
-Ok, si tu cherches un plus un, je suis là.
Je n'ai pas répondu. Le ciel s'est embrasé de traînés incandescentes.
-Que l'enfer commence, ai-je marmonné.

************

  -Gouverneur, vous devriez vous asseoir. 

-Ce n'est pas mon premier rodéo amiral.
Lyonesse était déjà loin quand la flotte de guerre improvisée approcha de la limite du Système Avalon. Les derniers retardataires étaient enfin arrivés, près à rejoindre un ennemi inconnu. Stuyvesant observé cette force inégale aux travers des écrans. Avaient-ils une chance ? Seguin semblait y croire. Quant à lui, sa dernière bataille remontée aux abords de la géante Galatée du Système Céto, en plein cœur de l'Empire quand Théodora n'était qu'une traitresse aux yeux de beaucoup et que la famille du gouverneur avait décidé de suivre car resté trop longtemps à l'écart et dans l'ombre des vieilles familles. Après cette horrible guerre, il avait reposé sa casquette d'officier pour laisser sa place à d'autre et s'était reclus dans ce Secteur isolé pour y couler des jours tranquilles.
L'amiral par intérim Seguin donna des ordres qui furent transmis au reste de la flotte. Une série de données traversa les écrans et les coordonnées de Solis furent entrées. Un message d'alerte s'afficha annonçant le caractère protégé du Système. Il s'effaça suite à l'intronisation de l'autorisation des gouverneurs de Lyonesse. Un reflet bleuté parcouru la baie d'observation du cockpit se répandant à tout le vaisseau.
Dans les faits, il est impossible d'aller plus vite que la lumière, seule la métrique d'Alcubierre offrait cette possibilité. Si elle n'était pas instable et gourmande en énergie. Même à l'heure actuelle, cette dernière ne permettait pas de franchir les gouffres spatiaux que sur des semaines ou des mois. La seule solution pour pallier à ce problème, la Stase, un nom arbitraire pour désigner une technologie Première aux multiples fonctions, dont celle d'altérer les lois de la physique elles-mêmes. L'Humanité n'en effleurait que les possibilités, améliorant le tableau périodique des éléments pour obtenir des alliages défiants toute logiques ou pour modifier la perception du Temps et de l'Espace à l'intérieur du champ. Réduisant les trajets à parcourir. Stuyvesant était loin de maîtriser ce sujet, mais celui-ci l'avait toujours fasciné.
-Je déteste les sauts en plein Système, marmonna Seguin à côté de lui.
Une crainte partagée par Stuyvesant, s'il n'y avait pas grand-chose à craindre dans une traversée inter-système, une immersion en plein cœur pouvait mettre tout un équipage en danger, aucun élément n'est statique dans l'Espace et encore moins autour d'une étoile aussi une rencontre malencontreuse avec un astéroïde à une vitesse supérieur à la lumière pouvait arriver et avec des dégâts que tout le monde pouvait imaginer.
Le vaisseau vrombit avant de subir une profonde accélération vite absorbée. Les étoiles alentours semblaient figées tandis que leur destination grossissait à vue d'œil. L'entrée dans le Système ne se fit pas sans heurt et le vaisseau émit un léger bruissement sous l'effet de l'influence de l'étoile Solis. Le point rougeâtre de la géante gazeuse apparu dans leur champ de vison pour ensuite dévorer l'intégralité de la baie. Le vaisseau décéléra.
-Je veux un rapport sur l'état de la flotte, ordonna Seguin. Et un autre sur la situation à Tera ! Préparez un saut en ImpAm et les armes ! On va montrer à ces fumiers comment on accueille les envahisseurs chez nous.

Chroniques d'EpsilonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant