Chapitre 11

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  L'annonce de Stuyvesant fut accompagnée d'un vague délai. Si je ne donnais aucunes nouvelles ou si cette situation remontait aux oreilles de ses collègues, il se verrait dans l'obligation d'intervenir directement, quitte à mettre en péril des années de relations diplomatiques et le peu de confiance entre l'Impérium et ses rivaux. C'est donc avec une épée de Damoclès que je me rendais au réfectoire du Relais dans l'espoir de croiser Hatch ou Hémi. Manque de chance, seul Aether était là, accompagné de quelques drones d'entretiens, à réparer la pagaille de mes collègues maraudeurs. Certains n'eurent ni le courage, la force ou même la conscience de regagner leurs chambres, transformant l'endroit en... son équivalent d'en d'autre Relais.
Aether a tenté de sortir Ekko de sa léthargie, ce n'est qu'au troisième coup de pied que ce dernier s'est décidé enfin à réagir. J'approchais de mon « médecin » sans trop savoir comment l'aborder. Ce fut lui qui commença :
-Quoi ?
-J'ai un truc à te demander.
-On en a parlé hier ! C'était un moment d'égarement.
-Je ne viens pas pour ça. Il me faut un vaisseau.
Stuyvesant ne pouvait m'en fournir un sans trop attirer l'attention, en acheter un revenait à une petite fortune de même qu'une location sur le court terme. Bien sûr, j'aurais pu utiliser la ligne de crédit ouverte pour ma mission, mais le Gantelet me ferait payer chaque crédit dépensé pour cet achat et je risquer d'attirer les regards sur moi, déjà que la tech-armure soulevait quelques questions, alors un vaisseau. Ne me restait que les options de la casse, mais c'était une perte de temps en recherche et réparation, ou de l'emprunt. Certains Relais on des vaisseaux mis à disposition pour leur client régulier et payant, à la condition que leurs missions ne soient pas trop éloignées.
Ma demande a pris Aether de court. J 'enchaînais.
-J'ai une opportunité à deux portails d'ici. Un convoi a disparu en inter-système. Y'a peut-être pas mal de crédit à se mettre sous la dent.
-Tu es sûr de trouver quelque chose là-bas ? Et comment tu sais ça ?
-Je suis ferrailleurs et chasseurs d'épaves. J'ai mes entrées dans ce milieu et des contacts. Il me faut une réponse et vite, j'ai pas envie que d'autre débarque avant moi.
Il prit un petit moment de réflexion.
-Je ne peux pas t'aider, désolé.
-Hein ! Mais pourquoi ?
-Parce que c'est moi qui ai ce vaisseau, dit une voix féminine familière.
Alors que je fis demi-tour, Hémi apparue d'on ne sait où et fusa vers la nouvelle arrivante.
-Cyri !
Elles se sont étreintes. Cyri était comme dans mon souvenir, bien que la partie droite de ses cheveux était tressée et  la partie gauche libre. Les deux jeunes femmes se séparèrent.
-Alors comme ça, tu es là ?
Héméra est intervenu avant moi, racontant avec enthousiasme mes péripéties depuis le départ de son amie. Cyri montra un air impressionné. Au nom de Luang, elle a tiqué.
-Donc les rumeurs sur cette garce sont fondées. Je l'ai eu sur le dos durant toute ma mission dans les Badlands. Enfin, une version d'elle. M'en débarrasser a été un vrai calvaire. Je suis désolé pour ton bras et merci pour Riggs, c'est un chouette type... fille... bref, peu importe. 

Voilà une femme bien différente qu'à notre première rencontre. Elle s'est approché d'Aether pour lui serrer la main d'un air solennel. De toute évidence, ce n'était pas le grand amour entre les deux. Cyri m'a demandé :
-Pourquoi as-tu besoin d'un vaisseau ?
Je lui racontais les grandes lignes.
-Je veux bien t'en transférer le contrôle, à une condition.
-Laquelle ?
-Après ma dernière mission, j'ai besoin de lâcher prise. Et une exploration d'épave est la bienvenue.
Son regard plein de sous-entendu m'a consterné. J'avais bien besoin de l'avoir dans les pattes, mais mon refus pouvait compromettre ma mission. En temps normal, je l'aurais envoyé paître, hors de question de partager mon butin, mais la situation était différente. À contre cœur, j'acceptais. Elle a commandé deux verres pour sceller notre accord et ce qui deviendrait un long partenariat.  

  Nous prîmes une navette express pour le Terminal de la ville. Ma dernière visite semblait remonter à une éternité et le ballet incessant des vaisseaux me subjugua de nouveau. Il a fallu toute son autorité pour que Cyri me fasse redescendre sur terre. Le vaisseau du Relais, que j'appris appartenir à Hatch du temps où il faisait de la contrebande (monsieur cache bien son jeu), n'était pas de première jeunesse. Plus récent qu'avait été le mien, mais pas sorti d'usine non plus. Amarré à un quai suspendu dans le vide en compagnie d'autre de dernière main, il faisait pâle figure face à certains modèles privés ou autre cargo. Il s'agissait d'un vieux transporteur de cargaison privé, un modèle conçu pour un équipage réduit. Aucuns réacteurs n'étaient visible, sûrement l'un des premiers modèles où ils ne se déployaient qu'en déplacement. D'une apparence tout en angle, l'épais blindage du vaisseau indiquait des impacts de tirs récents qu'il avait su encaisser. Malgré un certain âge et quelques cicatrices de guerres, il était en parfait état et bien entretenu.
Comme tous les transporteurs de marchandises, monter à bord n'était possible que par la soute, sa porte était abaissée, formant une rampe d'accès. Du bruit de s'en échappait.
-Ohé du bateau ! s'exclama Cyri. Permission de monter à bord ?
Les bruits ont cessé et un visage familier sortie finalement. Jizz, le Dejaar.
-Tiens, la femme d'action et mon meilleur client.
Il a lancé un regard accusateur à mon associée.
-Cyrène Lence, dit-t-il en colère et en la menaçant d'un soudeur à fusion. Qu'est-ce que tu as foutu ? La cuirasse cinétique est HS, j'ai trois supercondensateurs morts et tout le propulseur EM droit cramé. Tu as poussé cette honorable dame à bout.
-Dame ? ai-je dit, surpris.
-Jizz parle des vaisseaux au féminin, me dit Cyri à voix basse.
-Parce que c'est difficile de trouver la bonne, elle coûte chère à l'entretien et bien qu'elle nous agace au plus haut point, on ne peut pas s'en passer.
-Connard, s'est élevé une voix indignée du hangar.
Une pimpante rouquine de taille moyenne et solidement charpentée, loin de l'apparence classique de la plupart des femmes de l'Espace Humain, nous a rejoint.
-Eunice ! Tu étais là ?
Le Dejaar parut faussement surpris.
-Toi, je vais te frapper, dit-elle.
Puis se tournant vers Cyrène.
-Le plus gros a été réparé, mais ne me dit pas que tu repars jouer à chat dans les Badlands ?
-Ça ne risque pas. Avec la mort de Jéricho, c'est l'Enfer là-bas.
Tandis qu'ils continuaient d'échanger, je déglutis en silence. Je ne m'étais plus intéressait au Voile et au reste des Badlands depuis mon départ quelque peu forcé. Et j'apprenais que mon pire ennemi était mort. Etais-ce de ma faute ? D'un quelconque opportuniste ? Je ne le savais pas et je m'en moquais. Mais aussi pourri que soit Jéricho, Suburra et lui maintenaient le Secteur d'une main de fer de leurs planètes éponymes respectives. Sa disparition devait laisser le champ libre à d'éventuels seigneurs de guerres locales, voir une guerre de conquête part cette folle à lier de Suburra. À moins que le Collectifs ne s'en soit mêlé, ou pire, la Nation Adamante. Nul doute que les Puissances profiteraient de l'occasion pour venir reconquérir la Région. Un beau merdier s'annonçait et j'étais content de ne plus être là-bas.
Puis mes yeux se sont posésur Cyrène toujours en pleine conversation avec les deux techniciens, qu'avait-elle pu apprendre sur moi là-bas ? Ma capture par les Impériaux s'était-elle répandue ? Sa volonté de participer à cette mission avait-t-elle un lien avec ça ? Le doute m'a envahi quant à ses intentions, j'aurais la maraudeuse à l'œil.
-Au fait, m'interpella Jizz. Un drone est passé transportant ton armure. Ravis de voir que tu l'emmènes.
-J'espère pour toi qu'elle est aussi formidable que tu ne le prêtant.  

Chroniques d'EpsilonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant