Chapitre 8

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  J'eus droit aux félicitations à mon retour. Héméra offrit même sa tournée générale, pour découverte archéologique majeur, amélioration de la notoriété des maraudeurs, pub pour le relais de Hatch et surtout pour avoir mis un bon dans l'entre-jambe de Weston et ses hommes. Aether me gratifia même d'un semblant de sourire, un élan amical qui me laissait supposer que sa carapace se fendillait, un bon début. Hatch vint même m'accorder une frappe amicale dans le dos. Quant à Yeltsin et Ekko, ils levèrent leurs verres en mon nom. Je n'avais pas vu tel camaraderie parmi les maraudeurs depuis longtemps. Me rappelant mes débuts dans le Voiles, avant que Jéricho et Suburra pètent un plomb. Je profitais de la bonhomie ambiante pour décompresser, mais le lendemain, je pris Aether à part, il me fallait de l'équipement.
Malheureusement, Lyonesse, à l'instar de bon nombre de planètes, se montrait strict envers la circulation des armes, la limitant aux forces de l'ordre et seulement sur autorisation pour les maraudeurs. Et encore, le type, le nombre et le calibre autorisés étaient restreints, ce qui expliquait les jouets qu'il avait pu me fournir. Même le principal fournisseur devait s'y soumettre. Par contre, l'armement plus important destiné aux missions hors planètes pouvait être entreposé dans des conteneurs aux docks, sous autorisations et contrôle fréquent de la capitainerie. Malgré tout la colonie se montrait moins fermée que sur d'autres mondes civilisés, où nous étions cantonnés à des sessions de spacioports à l'écart de la populace.
Je passais les heures suivantes à débattre avec l'administration coloniale pour un permis et l'ouverture d'un box. Finalement, après avoir usé mon répertoire d'insultes sur une IA pédante, l'affaire fut close et j'étais l'heureux propriétaire d'un box et surtout d'une licence m'autorisant le port d'armes, même limité, au sein de la ville. Aether me fournit l'adresse du seul vendeur d'arme de toute la planète.
Situé ente la fin des Faubourg à l'entrée du Centre-Ville, le coin ne payait pas de mine. En fait, il s'agissait d'un garage sur plusieurs étages. Je croyais à une erreur de ma part mais Eve me confirma que non. Un défilé de stratocars, des élégants véhicules privés aux plus solennels publics, entraient et sortaient par les différentes plateformes ouvertes sur l'extérieur. J'entrais. Une synthétique réceptionniste au regard vide, mais à l'expression joviale vint à ma rencontre. Après les formules d'usage, elle m'a demandé la nature de ma présence. Si j'étais à la bonne adresse, je devais avoir rendez-vous. Elle a fouillé son agenda et avec un enthousiasme tout artificiel, elle partit quérir mon interlocuteur. Qu'est-ce que je pouvais détester ces trucs. Et dire que certains parents leurs confient l'éducation de leur gamins, de quoi devenir psychopathe.

Quand mon rendez-vous s'est pointé, j'eus un hoquet de surprise. Grand, une peau brunâtre et écailleuse, de petits yeux en amandes, jaune à l'iris fendu, un visage anthropomorphique, une crête cartilagineuse partant de l'équivalent du nez jusqu'à l'arrière de la nuque, le sommet du crâne légèrement plat cerné d'une petite couronne de pointes osseuses, de larges épaules et un bassin assez étroit pour lui donner une morphologie assez triangulaire, deux bras équipés de mains aux quatre puissants doigts et, évidemment, une petite queue. La créature face à moi était un Dejaar, la seule espèce Xéno vivant dans l'Espace Humain. Je n'ai rien contre son espèce, mais, connaissant leur Histoire, je n'ai pu qu'avoir une certaine gêne de culpabilité.
Mille deux cent ans plus tôt, au cours de la Troisième Vague d'Expansion, l'Hégémonie se trouvait heurtée à un voisin particulièrement belliqueux et, souhaitant éviter un conflit, préféra s'étendre dans des régions peu connues à l'époque. Certains détracteurs actuels prétendent que les hégémonistes étaient au courant ce qu'ils trouveraient dans cette région de l'Espace, d'autre affirme que non, mais tout le monde s'accordent pour dire que la présence de signaux radios artificielles furent détectés dans cette zone. Tout se passa bien pendant une dizaine d'années puis il y eu Amon.

L'Hégémonie émergea d'un Portail du système vingt minutes avant qu'un vaisseau Dejaar en fasse de même par l'autre. Il s'agissait à l'époque du premier contact avec une espèce xéno capable de se déplacer dans l'espace. Je passerais les détails, mais Hathor, seul planète viable d'Amon, devint la première et seul planète jamais co-administrée par deux races, et fut un échec lamentable. Trop différent culturellement des Humains, les Dejaarii se limitaient à leurs avant-postes et les Hégémonistes de même.

Chroniques d'EpsilonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant