Chapitre 4

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  Après ce chantage à peine voilé, la communication fut terminée et Larsen me donna un nouvel omnicom que j'installais sur mon poignet. L'idée de piquer une navette et m'écraser sur la première étoile venue m'a effleuré l'esprit. Au lieu de ça, j'ai demandé qu'on m'enferme dans le premier module de stase libre, au moins le voyage me paraîtrait moins long.

En hyper-hibernation, les pensées ne restent pas statiques. Elles vagabondent, pareil à un rêve. Pourtant, les miennes, sûrement dû à la présence d'Eve, se sont focalisées sur une seul chose, la propulsion. Je n'entends rien à la physique, mais son histoire, je la connais. Les Arches qui nous ont conduits à notre nouveau foyer se déplaçaient à l'aide d'antimatière, de micros explosions contrôlées, « surfant » sur la vague d'énergie libérée pour se déplacer. Un mode de déplacement qui existe encore à ce jour, bien que mieux contrôlé et amélioré, pouvant atteindre une vitesse vertigineuse sans pour autant égaler celle de la lumière.

Peu après nous fîmes une autre découverte, majeur celle-ci. À l'orée de certains systèmes existaient d'étranges mégastructures que les IA de nos arches avaient déjà utilisées alors que leurs populations étaient encore en cryostase. Reliées entre elles, ses étranges structures,  baptisées Portails, permettent de franchir les gouffres spatiaux et de passer d'un système à l'autre en employant une technologie que l'humanité est loin de comprendre et maîtriser, celle des trous-de-ver. Les perspectives d'exploration et de colonisation furent revues lançant de grandes vagues d'expansions. Les systèmes reliés à un ou plusieurs Portails furent dit « connectés » et les autres « non-connectés ». Les Créateurs de ses installations, et de beaucoup d'autres merveilles technologiques, n'ont jamais été identifié et seulement connue comme « Peuple Premier » ou « Premier ».

Bien sûr, la dépendance à ces structures fut vite pointée du doigt. Certaines colonies établies en systèmes non-connectés, privé de tout contact avec leurs homologues, sombrèrent pour certaines avant de retomber à un stade d'évolution très primitif, devenant une colonie barbare, les autres tentèrent de survivre en créant parfois des cultures originales où syncrétique. Ne souhaitant pas les abandonner, de nombreuses idées émergèrent, des villes-stations inter-système, à la propulsion externe semblable à des catapultes spatiales. Finalement, la solution vint du passé, la Bulle d'Alcubierre, principe impliquant une déformation en forme de « vague » de l'espace-temps,qui se contracterait dans une direction et se dilaterait dans l'autre. Une forme de distorsion. Il fallu des années pour parvenir à stabiliser cette technologie. À ce jour, bien que loin d'égaler les portails, cette découverte permet de se déplacer sur plusieurs années-lumières en quelques jours voir heure en fonction des modèles.   

  J'ai repris connaissance dans une navette civile (et ces enfoirés ne m'avaient laissé aucunes armes) dans le spatioport de Cybèle du système Mithra. De ce que j'en sais, longtemps à l'écart des principaux axes commerciaux et de tout autres points stratégiques, et bien que Colonie Mère, l'endroit fut souvent dénigré. Pendant la Grande Guerre Xénos, la Guerre Civile Aquilane et la Sécession Hégémoniste, bon nombre se sont réfugiés sur cette planète. Elle gagna une certaine notoriété pendant un temps, vit son économie et son influence croître de manière exponentiel. Car seul colonie majeur de la Couronne de Mithra pouvant en assurer l'administration et la sécurité. Statut qui lui fut vite soufflé après le développement d'une planète à seulement deux Portails de là, Lyonesse, planète co-administrée par les Trois Puissances que sont l'Impérium d'Aquila, l'Union de Prométhée et l'Hégémonie de Brighton. Une tentative maintes fois répétée et échouée jusqu'à celle-ci et plusieurs autres depuis.

Depuis, Mithra, devenu un simple système de passage qui, par vengeance ou mesquinerie, régule comme bon lui semble l'accès à ses deux Portails en profitant de sa position de colonie indépendante. Aux grands désarrois de nombreuses compagnies de transports et contraignant certaines à passer par des voies détournées moins sécurisées.

Du spatioport je n'ai pas vu grand chose, mais il me semblait construit selon le même principe que ceux que j'ai pu visiter, une immense structure forme de Tore géostationnaire, les principaux quais pour les gros transporteur situés à l'extérieur tandis que la liaison directe avec le Terminal Planétaire se faisait par le centre.

J'aurais préféré rester en sommeil le reste du voyage, bien que ne se comptant plus qu'en quelques heures, heureusement que la navette offrait quelques divertissements pour passer le temps. J'ai tenté d'apprendre auprès de l'équipage comment j'avais atterri ici, mais aucun n'a su me répondre. Je décidais donc prendre mon mal en patience.

L'essentiel des passagers s'avéraient être des touristes. La réputation de Lyonesse en faisant un lieu touristique très prisé, et sa situation au centre de trois Portail, un nœud économique majeur, offrant à de jeunes ambitieux l'opportunité de s'étendre au travers des jeunes colonies émergentes du secteur. Je comprenais pourquoi Mithra l'avait en travers de la gorge. Quand nous émergeâmes dans le système Avalon, une femme d'un âge avancé m'expliquait depuis plusieurs heures la raison de sa présence si loin de sa planète natale, Durandal du système Damoclès. La naissance de sa première arrière-arrière-petite-fille, un truc du genre.

Alors que nous nous rapprochions de notre destination. Je rassemblais mes souvenirs sur Lyonesse et son système. Des noms issus généralement de légende médiévale, rien de bien nouveau sur son histoire, sa culture, ses habitants et son économie. À mesure que nous approchions de la planète, de plus en plus de points lumineux se concentraient en un seul. Des centaines de vaisseaux se réunissaient sur le spatioport de la planète. Ce dernier, non terminé, en contraignait beaucoup à effectuer des aller-retour en l'attente d'une place libre. Un couloir aérien fut sûrement délimité par les autorités locales, car un étrange et majestueux ballet s'effectuait autour de l'édifice. Parce que notre navette était petite et capable de se déplacer à gravité normale, nous fûmes autorisés à atterrir. Rejoignant la file de navettes à destination du Terminal de Nouvelle-Ys.

Une vaste étendue d'eau se rapprochait, offrant un spectacle à la fois inquiétant et magnifique. L'océan de cette planète était d'un bleu sombre menaçant, j'eus une pensée pour ces antiques marins franchissant l'inconnue à bord de leur frêle navire de bois. La navette obliqua peu à peu pour prendre une position de vol plus conventionnel. Nous étions dans un couloir aérien suffisamment proche de l'eau pour apercevoir les vagues et la houle. Dans notre ombre, de nombreux remous secouaient la surface quand une forme, suivie de plusieurs autres, jaillit hors de l'eau. Je crus à une espèce locale avant de reconnaître des dauphins importait de la terre, qui, à l'instar d'autres mammifères marins, surent très bien s'adapter à leurs nouveaux environnements. Ils jouaient dans notre ombre.

Le terminal de Lyonesse était impressionnant, profitant de son statut de jeune colonie et de la place disponible, il fut construit à l'extérieur de la ville, le long des falaises crayeuses du continent éponyme. Trois immenses édifices de forme sphérique, le bâtiment central plus grand que les deux autres, un flot continu de navettes en tout genre sortant et entrant. Nous avons décéléré. Transporteurs civils et cargos dos à dos pour accéder à leurs baies d'amarrages attribuées, pourtant la circulation restait fluide. Finalement, nous eûmes les autorisations et nous pûmes atterrir et ma mission commencer.  

Chroniques d'EpsilonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant