-C'est une plaisanterie ?
Sous l'effet de la surprise, ma voix résonna dans le bureau de Stuyvesant au point d'affoler les poissons de son imposant aquarium.
-Je crains que non, dit-il d'un ton las.
Moins de trois heures après mon retour sur Lyonesse, j'apprenais de la bouche de Stuyvesant que ma mission prenait fin. Les Puissances venaient d'appliquer le rasoir d'Occam à la lettre, à savoir, la solution la plus simple est la meilleure. L'attaque récente des Adamants justifiait à leurs yeux les dernières disparitions. Le chaos récent des Badlands les poussant dans les régions les plus vulnérables de l'Espace Humain. Aucune prise en compte du mystérieux vaisseau organique. « Un évènement isolé » aux dires de Stuyvesant.
J'aurais voulu étrangler ce petit nobliau de mes deux. Mais à en juger par son expression qui se voulait le plus neutre possible, lui-même n'y croyait pas trop. Pire, les Puissances envisageaient une aventure militaire dans les Badlands pour « régler » le problème. Traduction : en profiter pour récupérer la zone et étendre son influence. Et je n'eux pour récompense qu'une poignée de main. La bonne blague.
-Et maintenant ? demandais-je en m'avachissant dans le premier fauteuil venu une fois ma colère évacuée.
-Vous êtes de nouveau placé en sommeil jusqu'à votre prochaine mission. Tous les avantages de celle-ci sont par ailleurs suspendus.
Finis la ligne de crédit magique. Voilà une juste compensation pour tout ce temps perdu qui m'avaient coûté un bras, littéralement.
-Vous savez quoi ? J'en ai ma claque de l'Impérium et ses petites manigances. Qu'ils aillent tous se faire mettre, je quitte cette fichue planète.
C'est d'un pas énervé que j'ai quitté le bureau de Stuyvesant alors que ce dernier affichait un air grave. En passant devant l'androïde secrétaire, ce dernier me salua d'un air jovial. Je me suis contenté d'un regard noir pour toute réponse, et voir un androïde trembler sous l'effet de la surprise vaut son pesant de cacahuètes.
Les rues de Lyonesse croulaient sous une épaisse couche de neige que des légions de robots d'entretiens tentaient de déblayer. D'après les chaines d'information locale, les chutes étaient récentes et risquaient de continuer, le protocole de protection d'intempéries serait bientôt mis en place.
Je ne voulais pas regagner le relais de suite, préférant me poser un temps dans le parc voisin du centre gouvernemental. Quelques rares enfants jouaient dans la neige sous les yeux vigilants de leurs parents ou de leurs nourrices synthétique.
J'avais le sentiment d'être le dindon de la farce, un stupide pion sacrifié pour justifier une attaque dans les Badlands, ou du moins, en déclencher l'opportunité. Ou alors les Puissances étaient trop confiantes. Dans tous les cas, on se payait ma tête.
Je fus arraché de mes pensées quand une voix, devenue trop familière, hurla « Arrête-toi ». Non loin de là, se mouvant avec beaucoup trop de facilité malgré l'épaisse couche de neige, un androïde tentait de fuir une Cyri qui luttait tant bien que mal contre l'essoufflement.
Par élan de sympathie pour ma collègue, j'ai tendu une jambe qui prit de cours le synthétique. Celui-ci s'écroula durement à terre, la tête dans la neige. Avant qu'il n'agisse, je le menaçais de mon arme.
-Pitié ne tirez pas, implora-t-il.
Un affranchi, génial. C'est quelque chose de tirer sur une boîte de conserve qui pète un câble, mais s'en est une autre quand elle dévellope une conscience. Cyri nous a rejoint, le rouge aux joues.
-C'est mon contrat Mead.
-Déjà de retour au charbon ?
-J'ai des droits ? a hurlé l'androïde.
-Ta gueule toi.
Cyri le frappa au visage d'un coup de talon.
-Tu sais, il n'a pas tort, dis-je.
-A peine plus que les animaux de compagnie.
Elle l'a attrapé par le col et forcé à se redressé. Le synthétique tenta de se défendre, mais Cyri fut la plus rapide. Elle lui planta dans la nuque un étrange objet en forme de virgule. L'androïde cessa tout mouvement brusque. Mais si son corps ne bougeait plus, ce n'était pas le cas de ses yeux et du reste de sa tête qui affichaient un mélange de surprise et d'effroi.
-Pas de réinitialisation ?
-Les systèmes portatifs ne sont pas fiables à 100 %. Et celui-là a quelques dossiers dans la tête que son propriétaire veut récupérer.
-Ne me laissez pas avec ce type. Je... je vous paierez.
-Soit gentil et va faire un tour le temps que les grands discutent.
L'androïde est parti en petite foulée dans la neige.
-Tu sais que la maltraitance sur entité synthétique est reconnue comme un signe de la psychopathie.
-On s'en fiche, c'est une machine. On doit parler toi et moi.
Elle a pris place à côté de moi sur le banc.
-Lors de ma dernière mission dans les Badlands j'ai entendu des rumeurs sur toi. Qu'un vaisseau impérial te recherchait et qu'il n'avait pas hésité à te récupérer dans le vaisseau de Jéricho, après quoi tu avais disparu.
Je n'ai pas répondu.
-Ce qui est étrange, c'est que ces évènements concordent à notre première rencontre dans les docks de Lyonesse et ta recherche d'Hélias. Et voilà que d'autres rumeurs s'ajoutent suite à notre dernière mission sur Esperanza. Comme quoi tu serais un membre de la famille Impérial.
-Et c'est quoi ta question ?
-Que tu joues cartes sur table.
J'ai réfléchi à la situation. Au point où j'en étais. J'ai tout déballé. Mes origines, ma présence sur cette planète, tout. Cyri est restée attentive et silencieuse tandis que l'androïde entamait son quatorzième tour de parc.
-Tu te rends compte que c'est complètement dingue. Tu dis qu'Hélias était du Gantelet ?
-Oui, il enquêtait aussi sur ces disparitions. Mais je n'ai rien trouvé de probant pour l'instant. Surtout, qu'il semblait aussi s'intéresser à Tera, et je ne sais pas pourquoi.
-Tera ?
-La colonie barbare.
-Je connais.
Songeuse, elle replongea dans le silence un court instant.
-Je dois voir quelque chose... et digérer tout ça. Ne quitte pas la planète.
Elle héla l'androïde furieux et est partie sans mot dire.
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Chroniques d'Epsilon
خيال علميCouverture effectuée par WEcover. Encore merci pour leur superbe travail Une galaxie lointaine dans un futur lointain. Mon nom est Dorian Mead, simple maraudeur à votre service. Du moins je croyais pouvoir l'être. Mais mon passé m'a rattrapé, mon me...