Un inconnu parmi la foule

90 12 8
                                    

C'était fort comme le bruit du tonnerre, beau comme un feu d'artifice, chaud comme une flamme. C'était pourtant éphémère, comme une fleur au printemps, comme la buée sur les vitres.

Tout s'est passé très vite, beaucoup trop vite. Tu croyais que le temps s'arrête, comme dans les films, mais c'est une grande arnaque. Il passe beaucoup plus vite ce salaud, t'arrives plus à le rattraper, t'as envie de lui crier d'attendre, de le supplier de rester. Encore un peu, juste un peu, parce que t'en veux encore. De ses beaux yeux, de son regard rassurant, de son rire chaleureux. De ses expressions à deux balles et de ses blagues à la con. Il est arrivé, il t'a bousculée, vous avez parlé, et il est reparti. Tu aurais aimé qu'il reste encore un peu.

Mais au final t'es juste là, avec tes bras qui pendent le long de tes côtes comme des pantins, tes lèvres entrouvertes en une dernière supplication. Tu voudrais crier son nom, mais tu ne le connais pas. Tout s'est passé très vite, beaucoup trop vite pour que tu le retiennes.

Tu revois encore, gravé sur ta rétine, le dessin indélébile de son regard, de son sourire, de sa main qui t'a saluée avant de partir. Tout était trop beau pour que ça dure.

Tu relèves un de tes bras, le gauche, comme toujours lorsque t'es triste, et tu essuies du revers de la main l'eau salée au creux de tes yeux. Tu te sens comme une enfant à qui on aurait retiré une peluche, c'est stupide et tu l'sais, mais il ne verra rien, non, rien du tout, alors tu t'en tapes.

Tu te mets sur la pointe des pieds et tu lances un ultime regard à travers la foule en espérant croiser le sien. 

Même si tu sais qu'il ne se retournera pas.

Même si tu sais que ça ne sert à rien.







E.

"On a tant abusé du regard dans les romans d'amour qu'on a fini par le déconsidérer. C'est à peine si l'on ose dire maintenant que deux êtres se sont aimés parce qu'ils se sont regardés. C'est pourtant comme cela qu'on s'aime et uniquement comme cela. Le reste n'est que le reste, et vient après. Rien n'est plus réel que ces grandes secousses que deux âmes se donnent en échangeant cette étincelle."

- Victor Hugo , Les Misérables

A travers la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant