Ses bras, pâlichons et tremblants, s'extirpent doucement de leur carcan de coton. Un énième souffle perdu caresse la peau fragile, petit morceau de soie blanche posée sur sa poitrine. Elle s'assoit et laisse tomber ses pieds au sol. Elle avance vers la fenêtre, écarte le rideau. Fin voilage pourpre. Quelques rayons de lune sur son visage fermé. Le vent entre. Il lui balaie les cheveux. Secoue les tissus pendus aux vitres, atterrit sur le bureau. Une feuille tombe au sol avec délicatesse. Elle plie les genoux et la saisit entre ses doigts lorsqu'elle ressent une vive douleur à l'avant-bras.
Elle se détourne et regarde le corps étendu sur les draps. Sombre pièce, tout juste éclairée par l'astre froid. Elle s'adosse près de la fenêtre et se prend la tête entre les mains. Elle fixe la mâchoire immobile, les paupières tremblantes, le calme angoissant qui se dégage de cet amas de chair compacte. Une main la cherche à ses côtés. Vide. Vide ? Les doigts se recroquevillent sur eux-même dans un grognement.
Elle soupire et ouvre la fenêtre d'un mouvement lent et calculé. Yeux fixés sur sa peau autrefois lisse et douce, elle se sent seule. Seule dans une ville endormie. Seule avec son corps désormais creusé de nombreux sillons. Les rivières sont asséchées. Depuis longtemps, plus aucun sang n'a coulé. Les lignes alambiquées de son corps s'estompent peu à peu. Son passé se tarit le long de ces syllabes au cœur de la nuit pour elle-même prononcées.
Elle était trop sage pour ne pas désobéir. Trop honnête pour ne pas mentir, trop forte pour ne pas faiblir. Alors elle a écrit, noirci de lettres mal formées dans des heures mal fréquentées, sur sa peau, sur ses os, au plus profond d'elle-même, les maux qu'elle n'a pas su exprimer.
Qui sait si on l'aurait comprise ? Jeune fille trop fidèle pour ne pas s'éparpiller.
Qu'importe. Le soleil va se lever. Elle se redresse péniblement et regagne le lit, bras croisés. Qui sait quand tout cela va s'arrêter ?
Mes mains étaient incapables de faire un choix entre des "mots" et des "maux". Les deux auraient un sens ici, et ces mots sont tous deux justifiés. Ecrire des maux à l'aide de mots, quoi de plus beau ? Bien. Seulement, les "maux" sont ceux qui ont réellement été écrits. Mais les "mots" sonnent plus justes. Alors que faire ? Et bien j'ai laissé celui que je préférais, et j'ai écrit ici ce que j'en pensais. Choisissez celui que vous voulez.
(Enno Aare - Ella's Lullaby → Ça détend.)