Fleur bleue

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— Tu l'as vue, cette petite fleur bleue sur le bord de la route ? Feuilles claires et pétales délicats. Elle était accrochée au trottoir comme un grimpeur à sa montagne. Elle était là, juste devant toi, timidement dressée vers le ciel. Dans quelques jours, quelques semaines, elle se serait relevée et aurait fait rayonner ses couleurs chatoyantes avec fierté. Comme les autres fleurs du chemin. Mais elle, elle avait du mal à s'imposer. Elle restait en retrait, dans l'ombre des buissons. A leurs pieds. Elle les mettait en valeur sans nous laisser voir la sienne. Fidèle au poste, elle n'a jamais bougé. C'est une fleur, me diras-tu. Même si elle l'avait voulu, peut-être n'aurait-elle pas pu e déplacer. Comment changer sa condition lorsque s'évader lui arrache des douleurs insupportables ?

   Mais l'as-tu-vue, cette petite fleur bleue ? Seule sur le bord de la route. Ignorée, raillée, abîmée. Seule contre le vent, les insectes et les pierres. Seule contre tout. Contre tous.

   Et maintenant, on en est où ? Elle commence déjà à faner, la pauvre petite fleur. Mais il est tôt, bien trop tôt... Le poids de son environnement aura eu raison d'elle. Irrémédiablement.

   Tu l'as vue, cette petite fleur bleue sur le bord du trottoir, n'est-ce pas ?

   — Bien sûr que je l'ai vue.

   — Alors pourquoi lui as-tu marché dessus ?







Ecrit dans le bus, comme la majorité des écrits (je voulais dire de mes écrits, mais l'inspiration extérieure est trop forte pour m'autoriser la prétention d'utiliser un pronom possessif pour désigner ces bouts de phrases jetés au hasard).

Cette petite fleur bleue, je l'ai croisée sur le bord d'un trottoir ce matin. Elle était belle. Je ne m'attarderai pas plus longuement sur son apparence, car ce qui compte ce n'est pas ça. Ce qui compte, c'est que j'ai eu l'impression de voir la moi d'avant dans la couleur indigo de ses pétales à peine ouverts.

Cette petite fleur bleue peut être chacun d'entre nous. Toi, moi, lui, elle, eux, vous. Nous. A vous de l'interpréter comme bon vous semblera. Mais sachez que même le plus infime des bourgeons peut donner des fruits qui à leur tour donneront des arbres, que même les rosiers piquent. Et qu'il est si facile de piétiner ces plantes sans même s'en apercevoir, et de découvrir trop tard, bien trop tard, le mal produit.

A travers la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant