Emportée par des flots puissants je nage à contre-courant. Ma tête s'enfonce sous l'eau. Me poumons se remplissent malgré eux. Je coule. Un coup de pieds au fond de la rivière me fait remonter. L'air pur remplace le liquide froid. Je secoue mes bras en tous sens. Je cherche un point d'accroche.
Mais je suis perdue.
Perdue dans mes pensées brumeuses au beau milieu de cette rivière de sentiments incontrôlables, indiscernables.
Des arbres de part et d'autres des rives me refusent l'accès à ce qui se trouve en-dehors de l'étendue miroitante. Je suis perdue dans cette eau glacée sans bouée de sauvetage. Alors je jette quelques mots avec le peu de forces qu'ils me reste et je les fais flotter au-dessus du torrent. Je me colle à eux. Ils feront bientôt partie de ma peau. Je les assemble en phrases et groupes nominaux sans queue ni tête. Quel que soit l'effort que je produise, ils désobéissent.
L'onde autour de moi continue son ascension, cap vers l'horizon.
Je songe à laisser la rivière m'emporter. Si je cède, tout sera fini. L'eau continuera de couler avec fougue et moi, je serais paisiblement étendue sur un lit sablonneux.
Mais les remous battent avec force mon corps éreinté. Ils me font ressurgir à l'air libre, me laissent prendre une dose d'oxygène, me replongent au cœur du courant.
Bientôt, mon énergie et ma volonté s'amenuisent.
Très vite, me bras ralentissent.
Je ne combats plus les pensées en cascade qui m'assaillent. Dizaines et dizaines de flèches de coton perçant ma peau. Les mots qui la recouvrent ne ont pas aussi imperméables qu'ils n'y paraissent.
Je ne combats plus rien, ni personne. Je vide intégralement mes poumons et je lâche, dans un souffle, un "moi aussi" qui résonne et se perd dans les flots tumultueux.
B.
