J'écris

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   Pour qui j'écris? Pour quoi j'écris? Pour prouver au monde que le genre humain n'a pas encore creusé sa tombe? Pour lui plaire à lui, pour lui plaire à elle, pour embellir la vie de mots colorés jetés sur nos âmes ternies?

   Pourquoi j'écris?

   D'ailleurs, est-ce que j'écris vraiment? Je lance des bouts de phrases au hasard de mes pensées sur des feuilles usées, chiffonnées, en espérant que ça touchera quelqu'un. Même si personne ne les lit. Alors au fond, peut-être que c'est pour moi que j'écris. Peut-être que la littérature panse les mots les plus profonds mais que ce que les autres ont fait ne guérit plus mes symptômes. Comme à de la morphine, je suis devenue addicte. J'ai besoin de mes prairies fleuries sur lesquelles coulent des flaques de soleil, j'ai besoin de mes nuages ruisselant au-dessus de mon clavier, j'ai besoin de toutes ces couleurs de l'arc-en-ciel qui se mélangent au noir de ma vie sous mes doigts fébriles. Le pinceau de la vie n'est autre que la plume de l'écrivain. Mais comme tout art, il se travaille, s'apprend, s'apprivoise. Je n'ai pas encore domestiqué tous les sons. Ça viendra. A force de les appeler, les nourrir et attendre, ils viendront vers moi comme s'ils l'avaient toujours fait. Ils ronronneront en même temps que les touches s'enfonceront et remplaceront le frottement continu de mon stylo plume sur les marges de mes cahiers. Je passerais ma main sur leur pelage et leur ferais raconter de merveilleuses histoires sur des mondes au-delà du nôtre, dans des contrées  inexplorées. Je les nourrirais sans cesse de mes lectures, de mes aventures, de toutes les sensations dont la planète regorge.

   Et le jour où ils disparaîtront, alors je les rejoindrais.

   Finalement, c'est peut-être pour eux que j'écris. Pour les mots eux-mêmes. Pour leur permettre d'exister, quelque part, pendant un temps. Ils ne sont pas toujours beaux. Nous-mêmes nous ne sommes pas au meilleur de notre apparence à chaque instant. Mais c'est leur beauté intérieure qui compte, et cette beauté intérieure, certains la prennent pour un miroir et, à travers eux, s'aiment davantage, et trouvent la vie plus belle.

   Alors voilà, je n'écris pas pour plaire à lecteur particulièrement attirant, ni même pour faire plaisir à mes parents. J'écris parce que les mots sont magnifiques, même les plus repoussants. J'écris parce qu'ils ont tous leur place et qu'ils méritent, tous autant qu'ils sont, de servir au moins une fois, que la cause à défendre soit le réchauffement climatique, les droits des femmes, les fleurs écrasées ou le manque de chocolat. Peu importe si la personne qui les utilise à le talent de les agencer à la perfection ou les laisse se débrouiller en n'ayant que faire du résultat, l'important est qu'ils soient là.

   J'écris parce que les mots font briller la vie plus fort chaque jour et éclairent l'humanité dans sa route, et je n'arrêterais que lorsque mon âme elle-même s'éteindra.


A travers la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant