Oiseaux de nuit

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Viens, allons gâcher quelques mots ensemble

Sur les toits de Paris crier nos nos insomnies,

          Au monde

Soulever des océans, chanter aux nuages nos tourments,

          Encore

Prendre une inspiration aussi grande que l'opéra sous nos pieds et lui hurler dessus, à celui

          Qui les a pris

Que nous n'abandonnerons pas, jamais, que malgré les tempêtes on sera là, toujours, que le « nous » continuera d'exister

          Dans nos cœurs

   Viens, allons gâcher quelques mots ensemble. Pureté du geste face à la lâcheté de l'action. Débraillés, bouteille à la main, sortons de nos gosiers brûlants les émotions que nous ne pouvons plus retenir. Jetons aux passants à des lieux plus bas nos syllogismes embués et nos métaphores ratées, nos comparaisons foireuses et nos allitérations grinçantes.

   Les âmes perdues sur les toits de Paris, bouteille vidée posée sur leurs genoux, se succéderont, sans surprise, comme elles se sont toujours succédées. Elle continueront à rêver de toucher de leurs mots le peuple tout en bas. Si tu veux marquer la vie, crois-moi, il faut la détruire. Les belles paroles ne sont bonnes que pour les belles. Les mots lancés hargneusement contre le gens que tu croises sont les plus puissants. Ils pénètrent leur esprit comme un millier de lames perçant leur peau.

   Gâche encore quelques mots avec moi, massacre le Verbe pour leurs beaux yeux devenus vitreux de n'avoir point voulu observer la beauté autour d'eux, trop concentrés sur leur ego. Gâche-en encore un peu avec rage. Contre moi, contre eux, contre tout. Encore une fois crachons la douleur, enfermée dans des étaux de chair et de sang et tambourinant régulièrement pour en sortir, jusqu'à notre mort.

   Petite mort au creux de tes bras ce soir. Après avoir aboyé notre détresse comme des enragés, je m'y suis glissée, chuchotant de beaux mots au creux de ton oreille lasse d'entendre la souffrance du monde. Je t'ai conté des histoires sur des terres au-delà du ciel, au-delà des mers, au-delà de nos cœurs froissés. J'ai murmuré ces beaux mots rien que pour toi, pour que tu n'oublies jamais que même dans l'oubli je serais là. J'ai gâché ces mots pour toi.

   Réponse survenue de tes mains empressées et tes lèvres muettes sur mon corps sourd à ta colère.

   Sombre contagion inexplicable,

   Au lever du soleil, j'étais incapable de parler, d'écrire, ou même de penser.

   Pourtant, les mots, ces oiseaux brillants dans la nuit qu'ils se sont créée, j'ai continué à les gaspiller.









Parce que je suis restée amoureuse de souvenirs et de sensations. Parce que la vie est plus belle à travers tes mots et que les miens ne sont que des fantômes timides au cœur de tout ce vacarme. Parce que Lilith est toujours là, quelque part, et que Satan était un ange1. Parce que mes phrases commencent dans ma tête et se terminent dans des murs de béton. Parce que tu ne le liras pas, et qu'au fond ça fait du bien.



1: Satan était un ange de Karine Giébel ; j'aime ce titre.

M.

A travers la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant