Tu comptes les minutes qui s'égrènent. Tu as peur, tu attends. Tu as envie de les interpeller, de demander ce qui se passe, ce qui leur arrive, pourquoi. Pourquoi. Pourquoi ? Les lumières bleues clignotent, balafres sur ta joue trop proche. Tu les gênes. Coups de coudes dans tes côtes et "mademoiselle, allez-vous en" à n'en plus finir. Une petite pensée pour les larmes qu'eux ne verseront pas. Pas tant que ce ne sera pas terminé. Et qu'est-ce que tu en sais, d'abord, de comment ça va se terminer ? Peut-être que tout ira bien, comme dans un conte de fées.
Les gyrophares se sont appropriés la rue. Ils balaient les trottoirs sans pouvoir nettoyer les traces de ce qui s'est passé. D'ailleurs, ce qui s'est réellement passé, tu n'en sais rien. Tu inventes, imagines, espères. Ton esprit perdu dans des tréfonds inconnus se disperse en pensées brumeuses, trop floues pour être exploitées. Floues comme la scène qui s'affiche sur ta rétine après être passée par tes pupilles trempées.
Les camions de pompier. Les médecins pressés. Les brancardiers. Les policiers. Tes pieds agités, enfermés dans tes baskets trouées. Ta respiration s'est arrêtée. En apnée, tu les as vus les emmener à l'intérieur d'un véhicule. Couvertures de survie qui masquaient leurs visages meurtris, belle ironie du sort ce soir. Et tes cheveux au gré du vent qui valsaient dans l'air sombre. L'atmosphère était plus lourde que ce camion rutilant. Il est reparti. Et les autres aussi.
Les gyrophares sont éteints.
Pas d'ils vécurent heureux cette fois.