« Il est une heure du matin, et tu ne dors pas ?
— Non, je ne dors pas. Parce qu'il est là. Parce qu'il a toujours été là. Parce que je n'arrive pas à sortir de ma tête les mots qu'il a prononcés. Comme une caresse du bout des lèvres. Tu n'as jamais connu ça, toi. Les gouttes de sueur le long du front, les joues brûlantes, les frissons. L'attente, longue parfois. Le marteau piqueur dans ton cœur et, avouons-le, les mains poisseuses, parce qu'elles le sont toujours. Tu n'as jamais connu ça, toi. Au fond, tu aimerais bien ressentir la fièvre du premier soir, quand tu ne sais pas ce qui va se passer mais que tu espères, comme une adolescente, que tu auras droit à un dernier baiser sur le pas de la porte. Tu as envie de ressentir ce qu'on ressent tous lors du premier amour. Mais toi, tu n'as jamais aimé personne. Toi, tu es là, derrière ton portable, à une heure du matin, à me parler de ce que je devrais faire ou ne pas faire. Mais tu sais quoi ? Je m'en tape de tes conseils, de tes recommandations de grand-mère dont tout le monde se fiche éperdument. « Mange plus sainement », « fume moins », « ne te couche pas trop tard », « ne couche pas le premier soir », « et ton écharpe, tu ne l'as pas oubliée ? ». Tu sais ce que j'en pense de tout ça ? Tu te comportes comme une mère poule avec ton entourage mais au fond, t'en as rien à faire. T'es jamais là quand on a besoin de toi. Et tout ça, c'est parce que t'es pas capable d'aimer.
— Tu te trompes.
— Ah oui ? En quoi je me trompe ? Tu ne donnes pas ces conseils seulement à ton entourage, c'est ça ?
— Ce n'est pas ce que je veux dire.
— Alors qu'est-ce que tu veux dire ?
— Je t'aime. »
M. ... E.