Partie 15: De joutes et de cris

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"-En supposant qu'on la retrouve, on fait quoi après?

-On verra ça plus tard gamin, pour l'instant, le principal c'est de pas tomber nez à nez avec Orlan et sa bestiole. "

Le garçon opina tout en continuant à courir, suivi tant bien que mal par son chef qui peinait à concurrencer la fougue de son acolyte. Gerald avait depuis longtemps perdu son énergie d'antan, et s'il continuait à mener ses troupes en fin stratège, il se retrouvait souvent obligé de reléguer à ses hommes les tâches les plus physiques. Malgré cela, pris dans le feu de l'action, il avait été obligé de partir au front pour retrouver la fille qu'il avait nonchalamment envoyé balader quelques temps plus tôt.

Après avoir continué de progresser ainsi pendant une bonne dizaine de minutes, ils débouchèrent sur un grande salle servant d'entrepôt où se trouvait bon nombre de containers et de caisses remplis à rabord de pièces métallique, denrée rare dans cette cité ou le minage coûtait de plus en plus de main d'oeuvre au fur et à mesure que les technologie hérité de leurs ancêtres se détériorait. L'atmosphère était pesante, et les deux hommes sentirent un danger rôder non loin d'eux.

"-Arrête-toi gamin, c'est trop calme pour être sûr ici...

Suivant son conseil, son interlocuteur resta en retrait, observant de ses yeux verts pâle la salle où ils se trouvaient à présent.

-T'as raison, y'a beaucoup trop de planques pour que personne s'y cache"

Gerald esquissa un sourire, après toutes ces années, il voyait bien que son enseignement n'avait pas été vain, et si les capacités d'analyse de son élève restaient en-dessous des siennes, il demeurait fier de ses progrès dans le domaine.

"-Tu sais ce que t'as à faire?

-On avance et on fouille prudemment, même si ça nous fait perdre du temps, je connais la rengaine.

-Exact, pars à gauche, je m'occupe de la droite."

Le garçon n'attendit pas le signal de son chef pour s'exécuter, il s'était déjà élancé vers la prochaine cachette qui pourrait lui offrir une protection convenable. Personne ne semblait se cacher ici, néanmoins, il ne relâcha pas sa garde et continua ainsi pour vérifier que personne ne puisse les prendre à revers. De son côté, Gerald faisait de même, et armé de son revolver, il prenait soin de mettre en joue chaque endroit ou un ennemis aurait été susceptible de se cacher. Quant à son acolyte, celui-ci était armé d'un tuyau de métal de près d'un mètre et demi qu'il portait dans son dos, arme de choix dans la décharge ou rare étaient les autres moyens de défense que les poings. Celui-ci déglutit, un mauvais pressentiment se faisait sentir. Il jeta un regard à son chef qui lui rendit, ils s'étaient compris et décidèrent d'un tacite accord de se rejoindre derrière un containers de bonne taille rempli de tôles.

"-On fait quoi? Chuchota le garçon,

-On s'tait et on écoute."

Suivant l'ordre de son chef, il s'exécuta et dégaina son arme, prêt à frapper. Quelques secondes passèrent avant que des bruits de pas retentissent de l'autre extrémité de la salle. Les deux complices bloquèrent leur respiration, de peur de se faire repérer.

Une voix étrangement familière s'éleva de par-dessus tous les containers, une goutte de sueur perla sur le front du garçon, mais il n'aurait pu dire qui d'entre la chaleur et l'appréhension l'avait provoquée.

"Mmh, je sens qu'il y a quelque chose d'inhabituel par ici. Je me demande si, par le plus grand des hasards, des intrus venus porter secours à une quelconque demoiselle en détresse seraient cachés en ces lieux? L'homme s'amusa de sa propre boutade, et son rire exagérément décuplé résonna dans la salle tel le rire d'une hyène.

Reconnaissant la voix d'Orlan, Gerald murmura à son acolyte:

"-J'vais attirer son attention, profites-en pour aller chercher ta frangine.

-Mais... T'es sûr que ça va aller?

-Crois-moi gamin, j'en ai vu d'autre. Allez, dégage maintenant."

A peine avaient-il prononcé ses mots qu'il sortit à découvert et hurla à l'intention de son rival:

"-Allez! Viens t'battre vieux rat! C'est l'heure d'en finir!" Sa voix emplit toute la pièce, mais sa menace resta sans réponse, comme si le destinataire de ces mots avait purement et simplement disparu "Tant pis, pensa-t-il, ça laissera le temps au gamin de dégager", car celui-ci était lui aussi sorti de son champ de vision, mais alors que Gerald pensait qu'il avait enfin réussi à sortir de la salle, la voix d'Orlan se fit de nouveaux entendre, et il se précipita vers la source de ce bruit strident:

"-Ah! Il ne manquait plus que toi Olly! La famille va être enfin réunie, tu vas voir, au menu, c'est ragoût de renard sur son lit de remords, ça te plaît?

-Ferme-la, cracha l'intéressé, tu vas voir ce que je vaux!

-Dégage toi! C'est pas tes affaires!" l'appréhension se lisait dans sa voix, et Orlan s'amusa de l'affection dissimulée qu'il semblait porter pour son élève.

Gerald pouvait à présent voir la scène qui se déroulait sous ses yeux, et si Olly avait semblé au premier abord foncer en direction de son adversaire, il opéra en un rien de temps un virage à quatre-vingt-dix degrés et se mit à courir en direction de la sortie.

"-Haha, pas mal gamin, allez, à nous deux maintenant vieux rat!"

Orlan, en premier temps déconcerté, ne tarda à reprendre de l'aplomb, mais c'était trop tard, et Olly s'était déjà enfui et courait à présent au secours de sa soeur.

"-Alors, pas trop déçu? Ricana Gerald, je crois que je vais enfin avoir mon tête à tête, pas vrai?"


Le Corbeau et le RenardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant