Le Corbeau et le Renard

Partie 14: Atropa Belladona

Des coups résonnaient contre le sol. 

Toc. Toc. Toc. 

Sortant de sa douce torpeur, elle regarda les alentours, elle se sentait perdue, la douce lueur de son ami renard n'était plus là pour la rassurer. Seul subsistait la pénombre de sa prison. 

Puis vint la chaleur, plus forte que nulle part ailleurs, Amy sentit sa peau se consumer sous son action, elle souffrait, mais rien ne se passait, elle jetta un oeil à son bras, celui-ci ne semblait pas s'être calciné durant son sommeil. Puis, la douleur passée, elle put enfin respirer, elle reprit ses esprit et analysa la situation. Tout lui revint en mémoire, Orlan, le grand homme, le coup sur la tête. Elle détourna le regard, cet homme lui inspirait un profond dégout. Alors qu'elle tentait de se lever, un bruit de métal se trainant au sol se fit entendre, regardant derrière elle, Amy s'aperçut que sa cheville était bel et bien prise au piège du jeu de ses chaînes. 

Des coups résonnaient contre le sol

Toc. Toc. Toc. 

Des bruits de pas.

Toc. Toc. Toc. 

"-Réveillée?"

Elle reconnut cette voix, cet homme qu'elle détestait, cause de toutes ses souffrances, le chef du gang. 

"-Qu'est-ce que tu me veux? ... 

-Tu le sais très bien, on m'a payé pour te retrouver toi et ton frangin. 

-Et t'as accepté, sale lâche. 

-Crois-moi, ça ne me fait pas plus plaisir qu'à toi de traiter avec ces petits bourges, mais j'ai pas trop eu le choix.

-Bien sûr, l'appel du gain est trop fort" Repliqua-t-elle avec sarcasme.

Orlan l'aperçut esquisser un sourire dans l'obscurité, évidemment, elle n'avait pas changé depuis tout ce temps.

"-Tu es bien la fille de ta mère.

-Ma mère, tu l'as tuée."

Il s'agenouilla devant elle, prit son menton dans sa main et la força à le dévisager. 

"-Ecoute, cet étage court à sa perte, on m'a promis de m'aider moi et mes hommes à me barrer d'ici si jamais j'arrivais à t'attraper. " 

La lueur de rage jusqu'ici présente dans les yeux d'Amy s'éteignit peu à peu, elle redécouvrait celui qu'il était avant, un homme près à tout pour aider ses amis, ses proches, sa nouvelle famille. 

"-T'es pas bien ici, avec plus que ce dont t'auras jamais besoin?

-Les gens de là-haut ont décidé de nettoyer cet étage par le feu." 

Un frisson parcourut le dos de la jeune fille, son regard se glaça malgré la chaleur ambiante, comment pouvaient-ils sacrifier des milliers de personnes comme... ça. 

"-Et moi, qu'est-ce que tu vas faire de moi? 

-Ca me plaît pas, mais la seconde partie du marché, c'est que je t'abandonne à ton sort. 

-Ne joue pas le sentimental, tu as arrêté d'avoir des sentiments le jour où tu nous as abandonnés.

-Je pensais pourtant que tu pourrais me comprendre...

-Personne ne peut comprendre un esprit malade comme le tien. 

-Nous avons plus de points communs que tu le penses. Mais tu as un courage que je n'aurai jamais. 

-Je n'ai rien à voir avec toi, désolé." 

Orlan ne put soutenir son regard plus longtemps, il la prit dans ses bras. 

"Je sais que tu me déteste, dit-il en sanglotant.

Elle restait insensible au contact d'Orlan, s'appliquant à rester la plus froide possible. 

-Pars loin de moi." 

Son étreinte se relâcha, un bruit quasiment inaudible survint, Orlan ne bronchait pas, mais Amy parvint tant bien que mal à lire le mot "Désolé" sur ses lèvres.  L'homme partit dans le couloir en marchant lentement, elle le regarda s'éloigner, perdue dans ses pensées. 

Alors qu'elle s'appuyait sur le sol, elle sentit un objet métallique sous sa main, se retournant, elle aperçut une clef, pas plus grande que son doigt, mais suffisamment longue pour qu'Amy puisse la prendre dans sa main. Elle l'approcha de ses yeux et la décortiqua du regard. "Elle doit bien servir à quelque chose" pensa-t-elle. 

Elle essaya alors de se libérer de ses chaînes à l'aide de la clef, et après quelques tentatives infructueuses, celle-ci s'enfonça enfin dans la serrure, relâchant l'emprise maintenant la cheville d'Amy. 

Elle se leva en titubant, s'appuya contre le mur. Où était-elle? Les mots d'Orlan lui revinrent en tête, elle ne devait pas être loin de la décharge, mais la priorité était de retrouver Shinjy avant de s'enfuir. 

"-Bon, ça pourrait être pire, hein?" Sa voix résonnait sur les murs de pierre des couloirs, et elle commença alors à marcher. Après plusieurs minutes passées à déambuler dans ces boyaux sordides, Amy crut entendre des bruits de pas au loin, mais loin de la rassurer, cette découverte ne fit que l'angoisser plus qu'au préalable, la nature de ce bruit n'était pas humaine. Elle était... animale. Elle attribua ces angoissants signaux à une hallucination créée de toute pièces par son cerveau, mais lorsque que ceux-ci recommencèrent quelques temps plus tard, elle comprit que quelqu'un la suivait. Que quelque chose la suivait. Elle déglutit, elle n'avait rien à craindre, si cette chose lui voulait du mal, elle l'aurait déjà fait, n'est-ce pas? 

Elle continue à marcher tout en prenant soin d'ignorer ces bruits qui se faisaient de plus en plus fréquents. "Tout va bien. Tout va bien. Tout va... bien". Un porte résonna au loin en s'ouvrant, quelque soit la nature de ce qui la poursuivait, elle ne pourrait pas franchir cet obstacle. Elle se mit alors à courir en direction du bruit. Un rire narquois retentit dans son dos. 

It takes, eternity, to listen, 

But when it will be, finished

We will listen it, together... 

The Beats of our Hearts

Son chant fut un déclic pour Amy. La chose se livrait à un jeu morbide, et elle n'était que le jouet d'une créature qui la dépassait. Orlan avait fait exprès de déposer la clef derrière elle, son plan n'avait jamais été de l'abandonner aux flammes de la décharge, mais de la laisser se perdre dans un labyrinthe où rodait la chose. Puis, elle aperçut la porte. Enfin. Sans y réfléchir, Amy prit la poignée, mais son visage se glaça d'effroi lorsqu'elle s'aperçut qu'elle resterait fermée. Elle avait été fermée, par la chose.

It takes, eternity... to listen,

But when I finished it, 

They all called me,

Atropa Belladona