Partie 16: Deux rouges yeux

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Le doux bruit d'un ventilateur résonnait au loin. La pénombre s'attardait dans les moindres recoins des boyaux, et Amy sentait une danger se rapprocher. Une menace indescriptible, inconnue, dont seul le chant funèbre qui retentissait quelques minutes plus tôt avait suggéré la présence. Mais quand l'écho de ce rire s'estompa enfin, il laissa place à un silence lourd de menaces, le calme avant la tempête qui annonçait d'ors et déjà ne rien laisser derrière elle. 

Amy retira ses sandales de cuir, elle sentit la tiédeur du sol sur la plante de ses pieds, respira profondément comme pour noyer ses poumons de l'air brûlant du sous-sol. Elle réussit enfin à détendre un peu, sentit un léger courant d'air émaner de sa droite. Elle recommença à courir, se sentant hors de tous dangers, rendue quelques instant insensible à toutes formes d'attaque par la caresse du vent. Mais malheureusement, la réalité eut tôt fait de reprendre le dessus d'une main de fer. Les bruits recommencèrent, toujours plus fréquents, toujours plus intenses, toujours plus proches, et à mesure que ces inquiétants signaux ne faisaient qu'aller crescendo, les battements de son coeur semblaient faire de même, suivant de leurs coups le concert des menaces. 

Alors qu'Amy était obnubilée par sa course désespérée, un légère rayure sur un mur sa gauche le rapprochait étrangement d'un de ses semblables qu'elle avait précédemment rencontré. Trop pressée pour s'attarder sur cet insignifiant détail, elle ne fit que le remarquer avant de détourner son attention sur son prochain objectif: Sa cellule d'origine. Elle espérait y trouver des indices qui l'aideraient à suivre la trace d'Orlan - Ce qui lui permettrait sûrement de se sortir de ce pétrin. Elle continua sur ce rythme pendant quelques minutes, mais alors qu'elle commençait à ressentir les premiers signes de la fatigue, elle remarqua que le mur à sa gauche semblait lui aussi rayé sur sa partie supérieure. Le doute s'insinua dans son esprit, affolée, elle accélera le pas, mais rien n'y faisait, elle finissait dans cesse sa course au pied de ce mur qui semblait la narguer du haut de ses trois mètres. Se calmer. Elle devait se calmer. Que se passait-il? Tournait-elle vraiment en rond? Et si oui, comment pouvait-elle faire pour se tirer de se mauvais pas? Mais plongée dans les tumultes de son esprit, elle ne fit pas attention à silhouette qui se profilait dans la pénombre des couloir, la fixant des ses yeux d'un rouge écarlate. 

"Bonjour." Amy sursauta, relevant la tête, elle aperçut l'ombre à l'allure enfantine qui se dirigeait à pas de loup dans sa direction. Si elle avait par son allure semblé au premier abord être parfaitement humaine, son corps n'en demeurait pas moins noir de jais, et seul ses deux yeux sans pupilles apportaient une touche de couleur à cet ensemble pour le moins terrifiant. 

"Bonjour. Fit la chose. 

-Vous êtes... qui? Lâcha Amy au bord de la panique. 

-Moi? Je n'ai pas encore de nom, mais on pourrait m'en trouver un si tu veux. 

-Qu'est-ce que tu me veux? 

-Je te l'ai déjà dis, je veux un nom.

-Un... nom?

-Oui. Un nom, voyons voir, pourquoi pas celui de... Atropa Belladona? Ca me va comme un gant non? ... Non? Réponds Amy, ça me va bien n'est-ce pas? " 

La silhouette se mis à fourmiller, à trembler, à se déformer, ses yeux devinrent globuleux, elle se tordit de douleur, s'arc-boutant en des positions inconcevables. Après un instant des flottement ou son interlocutrice n'avait pu que contempler cet étrange spectacle, celui-ci reprit de plus belle. L'ombre était présent à terre, immobile. Des remous parcouraient son corps. Une gigantesque patte en émergea, perçant le dos de son hôte. Celle-ci fut vite suivie d'une deuxième, puis d'une troisième, d'une quatrième, cinquième, et bientôt, ce fut huit membres claquants et menaçant qui soutinrent la chose de leur crochets acérés. Elle épiait chaque parcelle du corps d'Amy de ses huit yeux sanglants, comme autant de façon de rassasier sa faim gargantuesque. Son corps s'était à présent entièrement transformé, et ne restait de sa silhouette enfantine qu'une gigantesque araignée, prête à bondir sur sa proie à chaque instant. 

Amy n'avait jamais vraiment eu peur des arachnides, elle en côtoyait depuis sa plus tendre enfance et avait appris à ses dépends que si elles étaient capables de mordre, elles préféraient toujours la fuite à l'affrontement. Devant un humain toutefois. Car à cet instant, elle découvrit la sensation d'être une mouche livrée sur un plateau d'argent à son plus grand prédateur. 

Mais aucune mouche ne restait les bras ballant devant une mort certaine. Pourtant, cela n'empêcha pas Amy de sombrer dans une profonde léthargie, la fatigue accumulée de ces derniers jours semblait se mêler à la peur qu'elle éprouvait pour paralyser l'entièreté de son être. Des points noirs apparurent à sa vue, un, deux, trois, quatre, et ils continuèrent d'augmenter en nombre et en taille jusqu'à entièrement parasiter la vue de leur victime. Un long frisson parcourut son corps, jamais elle n'avait eu aussi froid dans cette ville brûlante, pas même la fois où elle était tombée malade à cause de la morsure d'une araignée, elle avait beaucoup souffert et avait pris des diz... aines... de...

Les points noir s'assemblèrent en un écran opaque, elle ne sentit plus rien, ni la chaleur de la décharge, ni la tiédeur du sol, rien. 

Le Corbeau et le RenardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant