Chapitre 1

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Quand l'avion a atterri à l'aéroport de Great Falls, une petite ville perdue du Montana après 17 h de vols et de transferts depuis Paris, j'étais exténuée, mais ravie d'être là. Je réalisais un rêve d'enfant : venir travailler dans un Ranch ! Ce n'était que pour un été, et c'était plus pour faire animatrice auprès des enfants que pour déplacer des troupeaux de chevaux sauvages, mais qu'importe... J'allais avoir dix-huit ans, je venais de terminer mes études et j'étais aux États-Unis ! Tout cela avait un goût de liberté dont je comptais bien profiter.

Avant de récupérer mes valises, je passai par les toilettes et vis ma tête. Ce n'était pas fameux : j'avais les cheveux tout emmêlés de la nuit passée à remuer sur mon siège et mes yeux verts bizarres étaient cernés.

Je souris en songeant à Judith, ma meilleure amie.

C'était elle qui disait toujours que j'avais les yeux verts bizarres. Il fallait avouer que ce vert « forêt » était peu commun et qu'on aurait pu croire que je portais des lentilles.

Je passai les douanes sans soucis et cherchai mon nom parmi les affiches dans le hall d'accueil en espérant qu'ils ne m'aient pas oubliée. Un responsable était censé venir me chercher pour m'emmener en voiture jusqu'au Ranch, qui se trouvait dans le Comté de Pondera, au cœur du parc de Glaciers. Un endroit perdu en pleine nature. Tout ce que j'aimais ! J'essayais de me remémorer où j'avais mis leur numéro de téléphone, quand je vis une pancarte portant mon nom : « Amy Stuart » suivi d'un smiley, tenue par un grand jeune homme dégingandé aux yeux marron, le visage souriant auréolé d'une tignasse bouclée de couleur châtain. Il avait vraiment l'air sympa et comme j'allais passer quelques heures en voiture avec lui, j'espérais fortement que ce soit le cas ! Je m'avançais vers lui en souriant, essayant de faire bonne impression.

« Hé Salut Amy ! Comment vas-tu ? As-tu fait bon voyage ? Moi, c'est Sam ! Enchanté de te connaître ! » Ce n'est peut-être pas exactement ce qu'il m'a dit, mais c'est la traduction que j'en ai faite ! Il parlait vite, avec un accent américain, assez peu compréhensible pour la petite Française que j'étais... Je grimaçai, lui rendis les politesses d'usage et lui demandai d'être patient, mon anglais n'étant pas merveilleux !

Ohlala, le trajet allait être long !

En fait, pas du tout !

Sam se révéla être une perle. Il jacassait comme une fille, mais prenait bien soin de parler lentement et avec des mots simples. À la fin du trajet, je connaissais toute sa vie, tous les détails du camp, je savais tout sur les animateurs qui allaient être présents et qui revenaient d'année en année.

Et je m'étais fait un ami. Oh miracle !

Enfin, je n'avais pas fait grand-chose pour cela, rien d'autre que de l'écouter et de sourire, ce qui était naturel, car Sam était attendrissant. Il s'arrêtait pour laisser passer les chiens, portait les valises des vieilles dames, adressait la parole à tout le monde. Et il rigolait tout le temps ! Il était originaire du Montana, il avait vingt-et-un ans et venait au camp depuis trois ans tous les étés. C'était lui qui était passé me prendre, car l'aéroport était sur son chemin pour aller au Ranch. Le trajet passa super vite, les paysages étaient somptueux et en arrivant au camp, j'en savais tellement, que je me sentais déjà chez moi !

Enfin, presque...

On arriva à l'heure du souper et tout le monde était à table. C'était l'heure des retrouvailles pour la plupart, et il régnait un brouhaha assourdissant dans la pièce. Je n'avais pas réussi à dormir dans l'avion et j'étais crevée, mais le fumet du ragout et la bonne ambiance qui régnait me firent passer l'envie d'aller me coucher. Ils étaient tous attablés à une longue table en bois et rigolaient, essayant de rattraper en quelques heures toute l'année passée. Tous les animateurs avaient entre dix-sept et vingt-cinq ans. Assis à gauche, ce devaient être les patrons du Ranch, qui m'avaient embauchée. Ils avaient le look buriné des gens d'ici et le coin des yeux marqué par les rides d'un sourire qui ne semblait jamais déserter leur visage. Je leur donnais une petite soixantaine. Une jolie blonde, assise à côté d'eux, toute bronzée, vêtue d'une chemise à carreaux rouge et d'un jeans moulant, avait une ressemblance flagrante avec la patronne. Ce devait sûrement être Alicia, leur fille, dont Sam m'avait parlé. Il ne m'en avait dit que du bien (je le soupçonnais d'ailleurs de l'aimer un peu plus qu'il ne me l'avait avoué), mais si elle était manifestement très jolie et sûre d'elle, elle me regarda arriver avec Sam d'un air froid et hautain qui n'était pas bon signe ! Son regard passa de moi à Sam d'un air mauvais, puis finit par s'arrêter sur Sam pour lui sourire. Mon nouvel ami s'illumina, manifestement touché de l'attention.

Un oiseau en cageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant