Chapitre 8

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Nous nous arrêtâmes face à la rivière que nous avions mis une bonne heure à atteindre. Nous restâmes là, un instant, muets de stupeur. J'aurais voulu qu'Alicia soit là pour voir sa tête. Jamais je n'avais vu un tel torrent ! Comment un petit ruisseau pouvait-il se transformer à ce point ? Il débordait de toutes parts, emportant tout sur son passage. L'eau bouillonnait en tourbillons furieux. Je ne donnais pas cher de la vie de celui qui tomberait dedans. C'est là que je remarquai le pont. À force d'entendre Alicia en parler, je l'avais imaginé fort, costaud. Insubmersible. C'était une petite passerelle en bois toute chétive d'environ cinq mètres de long. Je me demandais comment elle avait fait pour résister au débit d'eau qui passait sous son ventre et qui commençait à l'engloutir.

Tom sembla avoir retrouvé son allant. Heureux d'être arrivé à temps, il donna les directives.

— Amylianne, tu restes avec les enfants. Prends cette corde et attache-la solidement à cet arbre. Je vais traverser et l'attacher de l'autre côté. Les enfants seront encordés comme ça, s'ils tombent, ils ne risquent rien. Dépêchons-nous. Nous n'avons plus beaucoup de temps.

— Que fait-on avec les chevaux ?

— Pour le moment, on les laisse là et on fait d'abord passer les enfants.

Je hochai la tête pour lui signifier que je comprenais. Je le vis entrer dans l'eau sans la moindre hésitation et traverser le plus naturellement du monde. L'eau débordait sur le pont et le courant était violent, mais il franchit le pont en quelques enjambées comme s'il sautait dans une flaque pour rigoler. Cela mit les enfants en confiance. Seth était déjà de l'autre côté. Il avait allumé les phares de sa voiture pour éclairer le pont. Dans un immense imperméable vert, et portant son éternel chapeau de cow-boy, il brava la pluie pour nous donner un coup de main et aider Tom à fixer la corde. J'allai attacher la mienne, profitant de l'apprentissage tout récent que j'avais fait des nœuds, pour les mettre en application. J'encordais Tristan en premier, lui passant la corde sous les bras et la reliant à la corde tendue au-dessus de nos têtes, fixée, mais coulissante grâce à un mousqueton. Il était menu, mais courageux et j'avais besoin qu'il montre l'exemple aux autres.

Tom fit les allers-retours avec chaque enfant. La rivière montait lentement mais surement et chaque trajet devenait de plus en plus périlleux. Certains enfants étaient véritablement paniqués, mais ils se calmaient au contact de Tom, se raccrochant à lui du mieux qu'ils pouvaient. On faisait aussi vite que possible pour faire passer tout le monde. Seth les attendait de l'autre côté avec une soupe et des couvertures chaudes. Il restait la moitié des enfants à faire passer. Ils avaient à présent de l'eau jusqu'aux genoux. Plusieurs d'entre eux tombèrent, mais ils étaient solidement attachés et Tom était là pour les aider à se remettre d'aplomb sur le pont. J'avais voulu qu'il s'encorde également, mais il avait ri, me demandant comment il pourrait sauver les enfants, s'il était attaché ? Et comme le courant semblait ne pas avoir de prise sur lui, je me rassurai rapidement. On aurait dit que l'eau l'évitait, comme par magie. Au final, il porta les derniers, le courant devenant trop fort pour garder l'équilibre. Quand il emporta le dernier, je restai seule avec les chevaux.

Ils finirent par arriver de l'autre côté sans encombre et ils étaient tous sains et saufs en train de prendre place bien à l'abri dans le véhicule. Je m'encordai, m'apprêtant à franchir le pont, quand je vis la voiture démarrer et prendre le chemin du Ranch. Je restai seule, dans le noir le plus complet, agrippée à la corde, ne comprenant pas pourquoi ils ne m'avaient pas attendue ! Était-il possible qu'ils m'aient oubliée ? Ma déception était telle que les larmes coulèrent toutes seules sans que je puisse les retenir. Je me sentais soudain si désemparée, ne sachant pas quoi faire. Je restai là, indécise, cherchant la meilleure solution quand deux bras puissants se refermèrent sur moi. C'était Tom, bien sûr ! Dans ma détresse, j'avais oublié qu'il ne devait pas rentrer au Ranch, mais retourner rejoindre le camp. Le soulagement s'empara de moi, je n'étais pas seule finalement ! Il me serra fort, et je m'accrochai à lui comme à une bouée, pleurant sur son épaule, la fatigue aidant, je laissai s'évacuer toute l'émotion retenue ces dernières heures. Une fois calmée, je regardai autour de moi et vis tous les chevaux effrayés et je compris que nous n'avions pas fini.

Un oiseau en cageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant