A poney

Chapitre 34 : Déchirure

« T'as pensé à changer les couvertures avant de mettre les poneys au pré ? »

Jordan me regarde en levant les yeux au ciel.

« Bien sûr que oui, appelle moi con. »

Je lui lance un regard malicieux.

« Non, en fait ne m'appelle pas con. »

Je rigole.

Tout va pour le mieux, les semaines sont passées, et le froid s'est installé. Plus question de sortir en tee-shirt. On a tondu tous les poneys, les couvre-reins et les couvertures sont de sortie, bienvenue en novembre !

Mais qui dit novembre, dit aussi premier bulletin. Et ça, c'est beaucoup moins drôle.

Ma situation ne s'est pas arrangée en deux mois. Je n'arrive toujours pas à gérer mon temps. Entre Jordan, avec qui je passe beaucoup de temps, mes cinq chevaux à sortir, et les cours : je ne gère pas du tout. Et mes notes reflètent mon manque d'implication.

Je me lève tôt le matin pour longer un cheval, généralement Tahoma car c'est moins sport que les autres au réveil, puis je me douche et je vais en cours. Si je finis tard et que j'ai du temps pour manger, je rentre monter un cheval le midi. Généralement, c'est question d'une demi-heure, pas de quoi travailler beaucoup, mais j'arrive à monter Vivaldi dans ce laps de temps court. Et le soir, je monte les trois autres, dont une séance obstacle avec mon père. Ça me fait finir à l'heure de manger, je reprends une douche. J'essaie de travailler un peu sur mes cours, mais généralement Jordan me rejoint, et ça finit vite sous la couette. Vous allez me dire que j'ai mes week-ends, mais depuis que j'ai Cassiopée, je n'ai plus un week-end à moi. J'alterne une semaine sur deux les concours poneys et les concours chevaux. Et encore, ça sera pire après l'hiver, quand on attaquera les jeunes chevaux.

Comment voulez-vous que j'ai de bonnes notes avec un emploi du temps comme ça ?

Il est 17h. Comme on est lundi, nous avons fini les cours à 16h. Les poneys sont au repos après leur journée de concours d'hier, et j'ai emmené Sunshine en balade. Il ne me reste que Cassiopée à monter, mais ça va devoir attendre.

Notre cher professeur principal a pris rendez-vous avec mes parents pour leur remettre mon bulletin en main propre. Je suis officiellement dans la merde.

Je débarque au lycée en tenue de cheval, un chignon tout défait sur la tête. Je viens de descendre de Sunshine, je n'avais pas envie d'aller me changer et me coiffer sachant que je dois remonter après.

Jordan est venu avec nous pour aller chercher son bulletin tout seul, comme il est émancipé, il n'a pas besoin d'une autorité parentale. Il me glisse un « Bonne chance » à l'oreille avant d'entrer dans la salle. Madame Gaulard discute rapidement avec lui, mais elle a le sourire et ça ne dure pas longtemps. Il ressort et nous attend devant la salle.

Nous nous asseyons, et j'ai l'impression qu'on vient signer pour mon enterrement. J'ai vraiment peur, beaucoup plus qu'en concours.

« Je ne sais pas si votre fille vous l'a dit, mais je ne convoque pas tous les parents. Pour Jordan, c'était différent, comme il est émancipé je voulais avoir une discussion avec lui.

- Nous ne sommes pas venus là pour parler de Jordan, la rembarre papa. Je devrais être en train de travailler là, j'ai un client qui doit venir dans une demi-heure, et il faut que tout soit prêt. Alors si on pouvait faire vite. »

Je déglutis. Il sait qu'il perd du temps en venant ici, mais la prof de français a insisté pour voir mes deux parents.

« Bon, avant de vous donner le bulletin j'aimerais discuter avec vous. Est-ce que vous savez quand et dans quelles conditions travaille votre fille ?