Chapitre 12

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Point de vue d'Éloys

Cela fait quelques minutes que je l'attends dans la voiture. Je tape du pied et ronge mon ongle de pouce. Moi qui pensais ne plus avoir ce tique nerveux.
Puis, la portière s'ouvre. Gabby pénètre dans la voiture avec un sac. Curieux, j'essaye de voir son contenu, mais elle le cache immédiatement. Qu'est-ce qu'elle me cache?

Deux choses sont louches;
La première, Gabby affiche un sourire gaie depuis le début du trajet.
La deuxième, nous ne prenons pas la même route pour aller chez nous. Alors, où allons-nous?

Rwen se gare devant une forêt. Un petit sentier y ressort. Ma compagne me demande de la suivre. Le chauffeur ma lance:
-Ne m'en voulez pas votre Altesse. C'est son idée.

Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'elle manigance? Ne pouvant pas lutter contre le besoin de savoir, je la suis dans le petit chantier. Quand nous arrivons au point final, je reste bouche-bée. Gabby sort une grande lanterne avec l'emblème des Bastra dessus. Elle sort un briquet.

-Surprise.., dit-elle.

Aux alentours, d'autres familles posent des lanternes sur l'immense lac appelé límni tis sképsis. Le lac de la pensée. Les premières années que ma mère est morte, Silvio, mon père et moi y allons à toutes les années. Mais, soudainement, nous avons arrêter.

Gabby pose sa main sur mon épaule. Je plonge mes yeux dans les siens noisette. Ses cheveux blonds se font balayés par le vent.

-Tu n'aimes pas...? me demande-t-elle doucement.
-Non, je...

Ses épaules s'affaissent.

-J'y suis venu à chaque année avec ma famille lors du décès de ma mère. Mais.. Nous avons cessé brusquement.
-Pourquoi? pose-t-elle.
-Je ne sais pas, dis-je le coeur serrant.

Un silence s'impose.

-Bon.. Tu veux la mettre? dit Gabby en me tendant la lanterne.
-Oui, merci..

Je la prend et allume l'anneau à l'intérieur. Je m'accroupie et la fait flotter sur le lac. Puis, elle s'envole vers le ciel devenu noir. Je me redresse et Gabby me prend le bras. Nous regardons la lanterne lumineuse s'élever vers les étoiles. Là où me mère nous observe de là-haut.
Quand nous nous apprêtons à partir, une famille de quatre ( trois enfants et le père ) vient nous saluer.

-Bonjour votre Altesse. Ça fait du bien de vous revoir à cette fête, me dit le père.

Auparavant, j'ai sympathisé avec cette famille. Nous allons à la même place, au même moment pour la même raison. Par contre, eux, c'est leur maman qui est morte d'un accident de voiture. Le père élève seul ses trois enfants de jeune âge.

-Bonjour. Comment ça va? leur dis-je.
-Mieux qu'il y a trois ans. Nous nous débrouillons. Pas vrai, les enfants?

Les trois jeunes acquiescent.

-Passez une bonne soirée votre Altesse.
-Pareillement monsieur.

Sur ce, je pars accompagné de Gabby. Elle les salue et m'emboite le pas. Nous montons dans la voiture où Rwen nous attendait. J'ai le coeur lourd. Jamais je n'aurais pensé que quelqu'un puisse faire autant pour moi. Peut-être que ce n'était que pour me remonter le moral, mais une chose est sûre: Gabby n'est pas comme les autres. Elle ne cessera jamais de me surprendre avec sa bonne humeur et ses surprises.
Pendant le vrai trajet, elle regarde distraitement le paysage. Je me racle la gorge.

-Gabby, je...
-Me remercier? me coupe-t-elle.

Elle est télépathe ou c'est moi qui est prévisible? Je fronce les sourcils.

-Tu es prévisible, dit-elle.

Cette fille est surprenante. D'habitude, on me qualifie d'imprévisible et de froid.

-Ça me fait plaisir. C'était le moins que je puisse faire. Tu as fait tellement de chose pour moi. Je voulais te rendre la pareille, poursuit-elle.
-C'est réussi.

Une pointe de déception me perce le coeur. Une envie de nausée me monte, mais je me contrôle. Sa remarque me fait poser une seule question; a-t-elle fait cela pour moi ou par simple bonté? J'essaye de percevoir une émotion dominante sur son visage, mais rien. Elle reste de glace. Pourquoi fallait-il que je sois intéressé par une avocate?

Je secoue légèrement la tête et observe les horizons.
Arrivé au château, je délaisse Gabby et me précipite dans la chambre à Artania. Je referme brusquement sa porte. Ma soeur sursaute face au bruit. Elle me dévisage:
-Où étais-tu? Je t'ai cherché partout! Même Gabby n'était pas là! Je croyais que tu rentrais après le souper. Tôt.
-Oui, je sais. Mais, y'a eu un petit contre-temps.
-Quoi? demande-t-elle en fronçant ses sourcils et en penchant sa tête sur le côté.

Je tire sa chaise et m'y assois. Je fixe le plancher.

-Elle m'a emmener là-bas Art'. Là où nous allions pour voir ma mère. Cette fille a acheté une lanterne.

Les yeux bruns de ma demi-soeur s'ouvrent grand.

-Wow.. Elle est... Wow.., dit-elle.
-Oui. Plus les jours passent, plus je me dis que je vais avoir beaucoup de difficulté à l'oublier après ce mois. Il me reste quoi? Deux semaines? Et après, pouf! Elle part et nous allons poursuivre notre parcours de vie comme si ce mois n'avait jamais existé. Et savoir qu'elle va peut-être m'oublier...

Ça me rendrait malade. Le fait qu'elle ne se souvienne plus de ce mois après quelques années ou même semaines me rend malade. Je ne veux pas y penser. Si je me l'imagine, une rage folle s'empare de moi et j'aurais envie de tout briser. Artania pose sa main sur la mienne.

-Ce cher Éloys Bastra commence à se rattacher à quelqu'un. C'est pas moi qui va t'empêcher de tomber amoureux.

Pris d'une colère et d'incompréhension, je me dégage de sa main et me lève d'un bond.

-Je ne tombe pas amoureux de Gabby! Je ne m'attache à personne. Personne ne peut me changer. Je reste le même. Et ne va pas croire que dans une semaine, je sois amouraché d'elle. Elle n'est qu'un pion dans une grande partie.

Ensuite, je pars. Je ne suis pas fâché parce que ma soeur dit n'importe quoi. Je suis en colère parce que je ne veux pas qu'elle ait raison. Si c'est vrai, ça va me détruire. Une deuxième fois. Je ne veux pas revivre ça.
Je prend ma veste et sors. Je dis au chauffeur de me conduire à un bar. Je compte bien m'enlever Gabby de la tête. Pendant le trajet, Rwen me lance des regards incertains. Ce n'est que quand je descend qu'il me dit:
-Votre Altesse, ne lui faites pas de mal. Je ne suis peut-être qu'un chauffeur, mais je reconnais une personne attachée à une autre. S'elle l'apprend, elle souffrira.

Je fronce les sourcils. Il me dit vraiment ce que je dois faire?

-Si vous ne voulez pas être viré, taisez-vous.

Puis, je pars. Je vais à la pêche aux filles.

Contrat avec un princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant