CHAPITRE 9 : Qui Aime Bien Châtie Bien

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Charlie se retourna dans son lit pour la énième fois, passa une jambe au-dessus du drap, soupira, et s'assit au milieu du matelas. Un éclair déchira le ciel, éclairant la pièce, et au loin, le tonnerre résonna sur la mer.

Elle sortit de la chambre, traversa le couloir sans un bruit et descendit à la cuisine. Elle prit la bouteille d'eau dans le frigo, un verre dans le placard, se retourna et sursauta en voyant une silhouette entrer dans la cuisine depuis le couloir d'entrée. Portant une main à son cœur comme si elle pouvait en calmer les battements terrorisés, elle souffla lentement quand elle se rendit compte que ce n'était que Tom. Il passa à côté d'elle pour prendre un verre, et elle lui tendit la bouteille d'eau qu'elle tenait après s'être servie. Elle profita de l'obscurité pour l'étudier du regard, alors qu'il était assis à l'îlot de cuisine. Elle repensa aux conversations qu'ils avaient eues plus tôt dans la soirée.

– Tu pensais vraiment ce que tu as dit tout à l'heure ?

Elle-même fut surprise d'entendre sa voix ; la question était sortie de sa bouche sans qu'elle ne puisse l'arrêter. Tom leva la tête vers elle et haussa un sourcil.

– Concernant ?

– Tu n'as jamais été amoureux ?

Il expira bruyamment, comme si c'était bien la dernière chose dont il voulait discuter. En fait, c'était la dernière chose dont il voulait discuter.

– C'est juste que c'est étonnant, venant de ta part. Avec le nombre de petites amies que t'as eu, on penserait que tu en as aimé au moins une.

Charlie attendit quelques instants, et finit par se dire que Tom ne répondrait pas. Elle déposa son verre dans l'évier, se tourna pour partir.

– J'ai pas vraiment grandi avec des modèles, niveau relations amoureuses, dit-il à voix basse, et Charlie pivota vers lui.

Tom posa son regard sur elle. Elle savait que ses parents s'étaient séparés, une dizaine d'années plus tôt, mais ses connaissances s'arrêtaient là. Tom ne s'était jamais confié à elle, puisqu'ils ne s'entendaient pas plus que ça.

– Je suppose que la façon dont mes parents se sont comportés m'a un peu dégoûté de... tout ça, ajouta-t-il en faisant un geste vague de la main.

Charlie vint s'asseoir à côté de lui. Comment pouvait-il n'avoir jamais aimé quelqu'un ? Les parents de Charlie n'étaient plus ensemble, eux non plus, s'étant séparés récemment, mais ça ne l'avait pas empêchée de penser pouvoir construire quelque chose avec Liam.

Tom dut remarquer son air confus.

– Je dis pas que je serai jamais amoureux. C'est juste que c'est jamais arrivé, jusqu'à maintenant.

Qu'avaient donc fait ses parents pour le désabuser à ce point ? Charlie aurait pu lui demander. Elle voulait lui demander, mais la question n'arriva pas à franchir ses lèvres.

Après un instant de silence, Tom pivota vers elle.

– Je suis peut-être pas encore tombé sur celle qui me rendra dingue.

Il scruta la réaction de Charlie avec tellement d'insistance qu'elle eut l'impression de devenir paralysée sous son regard et resta muette.

– D'autres questions, Simmons, ou je peux aller me recoucher ?

Charlie leva les yeux au ciel, agacée par le ton sec que Tom avait récupéré, descendit de son tabouret et le laissa dans la cuisine.

Tom souffla discrètement, légèrement déçu. Il aurait aimé rester plus longtemps avec elle ; il commençait à apprécier sa compagnie. Il secoua la tête à cette pensée, et retourna se coucher lui aussi.


Le lendemain matin, l'ambiance était moins joyeuse. Le week-end touchait à sa fin, et il ne restait que quelques heures avant que Dan ne doive se remettre en route pour l'aéroport.

– Ah, mais fais pas cette tête, dit Dan à Charlie, en se servant une tasse de café.

Elle était assise à l'îlot de cuisine, morose comme jamais. Elle remua le liquide noir dans sa tasse en boudant. Dan vint se percher sur un tabouret à côté d'elle. Ils étaient pour l'instant les seuls réveillés. Charlie soupira longuement, et posa la tête sur l'épaule de Dan.

– Tu vas pas mettre un an avant de revenir, hein ?

– J'espère pas. Je voudrais pas rater d'autres événements importants.

Charlie pensa qu'il faisait allusion au mariage, mais quand elle leva la tête vers Dan, il la regardait avec un sourire moqueur aux lèvres et elle grommela.

– Cette histoire va me suivre jusqu'à la tombe, on dirait.

– Tu sais ce que j'ai remarqué, hier ?, lui demanda Dan, soudainement sérieux.

Charlie secoua la tête en fronçant les sourcils.

– Il a jamais regardé une fille comme il te regarde toi. Je sais pas ce qu'il se passe entre vous deux, mais c'est étrange. Je sais pas non plus si les autres ont vu ce que j'ai vu, je sais pas quand ça a commencé, et à la façon dont tu rougis actuellement, je suppose qu'il ne te laisse plus indifférente.

Charlie porta les mains à ses joues, et Dan la regarda d'un air entendu. Elle se pinça les lèvres, légèrement embarrassée, et agacée de toujours se faire trahir par ses rougissements.

– Tu les as aperçus, ces regards, pas vrai ?, l'interrogea doucement Dan.

Elle se résigna à hocher la tête. Inutile de lui mentir, Dan avait toujours eu un don pour savoir quand elle n'était pas honnête.

– Bon, alors ce que j'ai dit hier tient toujours : fais attention à toi. Le laisse pas te briser le cœur. Et ne lui brise pas le cœur non plus. Compris ?, demanda-t-il d'un ton sévère.

Charlie hocha la tête, et Dan soupira.

– On aurait dû se douter qu'il se passerait un truc entre vous, chuchota-t-il, comme s'il se parlait à lui-même.

– Pourquoi ?, voulut savoir Charlie.

– Qui aime bien châtie bien, non ?, lui répondit Dan, sur le même ton mystérieux qu'il avait déjà employé, lorsqu'ils étaient sur la plage la veille.

Charlie ne répondit pas, en entendant des pas s'approcher de la cuisine. Eva entra, suivi de David. Dan lui lança un dernier regard averti, et Charlie, perplexe, plongea les yeux au fond de son café.


Les au revoirs, en fin d'après-midi, furent difficiles. Devant la maison fermée à clef, valises dans les coffres, personne ne savait combien de temps passerait avant que Dan ne remette les pieds en Angleterre.

– Oublie pas ce que je t'ai dit, d'accord ?, ordonna-t-il à Charlie, sous les regards interrogateurs de leurs amis, avant de la serrer dans ses bras.

Il salua tout le monde une dernière fois, et monta dans la voiture de Tom, qui le reconduisait à l'aéroport. Ils lui firent signe jusqu'à ce que la voiture disparaisse hors de leurs champs de vision, et David vint se poster à côté de Charlie.

– Qu'est-ce qu'il t'a dit que tu dois pas oublier ?, l'interrogea-t-il, curieux.

Charlie regarda David de façon à ce qu'il comprenne qu'elle ne répèterait rien, et il fit la moue, avant de partir vers la voiture qui les ramènerait chez eux.

Amis, Amants, Ennemis {Terminée}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant