Amis, Amants, Ennemis {Terminée}

CHAPITRE 13 : L'arrangement

Charlie aurait aimé se dire qu'elle avait tout fait pour éviter Tom, le Lundi suivant, ne serait-ce que pour prouver à Eva qu'elle avait tort – « Tiens, tu vois, j'en ai rien à faire, de lui ! Je me suis même cachée derrière la photocopieuse pour qu'il ne me voit pas ! » – mais quand il se pointa devant son bureau et lui demanda s'il pouvait l'inviter à manger pendant leur pause, elle accepta. Sans même avoir besoin d'y réfléchir, sans qu'il ait besoin d'insister.

Et le pire, c'était qu'il lui avait souri, quand elle avait dit oui. Un vrai sourire sincère, et elle s'était sentie comme l'intello de la classe qui se fait inviter au bal de promo par le capitaine de l'équipe de foot du lycée dans tous les films pour ados.

Elle avait prévenu la collègue avec qui elle mangeait habituellement qu'elle ne serait pas là, à midi, et la collègue lui avait alors demandé ce qu'elle faisait. Quand Charlie avait annoncé qu'elle déjeunerait avec Tom, l'autre lui avait fait les yeux ronds, et avait appelé sa voisine de bureau, une certaine Susan, que Charlie avait surnommée Commère Numéro Un, tellement elle passait de temps à observer les faits et gestes de ses collègues pour aller ensuite rapporter tous les derniers ragots à n'importe qui voudrait bien l'écouter.

– Hé, tu devineras jamais ! Fleming l'invite à manger !

Charlie avait froncé les sourcils, perplexe, et leur avait rappelé qu'ils se connaissaient depuis l'enfance. Les deux autres avaient piaillé qu'il n'avait jamais proposé à personne de déjeuner avec lui, même dans la salle de repos, depuis qu'il était dans l'agence. Il était charmeur, le Fleming, mais solitaire, et quelle chance elle avait ! Charlie avait donc répété, comme un robot, qu'ils se connaissaient depuis l'enfance, et les avait laissées à leur messes basses et gloussements mal dissimulés.

Charlie rejoignit Tom dans le lobby, à midi, et ils allèrent à pieds jusqu'au point de restauration le plus proche – un bar à salade qui avait ouvert un mois avant.

– C'est pas de la grande gastronomie, mais j'ai jamais croisé personne du bureau ici, alors je suis sûr d'avoir la paix, expliqua Tom.

Charlie pouffa, et ils allèrent s'asseoir à table, leurs assiettes à la main.

– On m'a fait comprendre que c'était un honneur d'être invitée à rejoindre Tom Fleming pour le déjeuner, lança Charlie, moqueuse.

– Pourquoi ça ?, demanda Tom, confus.

Charlie haussa les épaules en remuant le contenu de son assiette du bout de la fourchette, et répéta ce qu'elle avait entendu ses collègues dire. Tom leva les yeux au ciel.

– J'ai pas envie de passer plus de temps que nécessaire avec eux, c'est tout.

Charlie pinça les lèvres, et Tom remarqua son air ennuyé.

– C'est différent, avec toi. On se connaît depuis des années.

Elle esquissa un sourire, et lui annonça que c'était ce qu'elle s'était tuée à leur répéter, tout en essayant de cacher le fait qu'elle se sentait flattée.

– En tout cas, on peut être sûr que la nouvelle aura fait le tour du bureau d'ici à ce qu'on revienne, assura Tom.

– J'ose même pas imaginer ce qu'ils vont raconter, grimaça Charlie.

Ils déjeunèrent en échangeant leurs avis sur les collègues les plus répugnants et les plus paresseux, avant de faire une liste de ceux qu'ils trouvaient les plus attirants.

– Gemma, Carol, Julie, Hannah, et Kendra. Je l'aurais mise quatrième mais elle perd une place à cause de son prénom, déclara Tom en grimaçant.