Chapitre 16 : Métamorphoses

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Mémé m'a tout raconté, devant tout le monde, elle a tout lâché.
Elle a parlé si vite, comme si elle ne voulait plus garder ce lourd secret pour elle seule.
- Je suis désolée Gab, m'a-t-elle dit pour clôturer sa longue histoire, la mine triste.
《 Je suis désolée. 》a alors répété Marie, comme en écho.
Chloé...ma petite sœur si courageuse...
Elle savait tout. Elle savait que rien n'allait plus être comme avant. Elle a dû se sentir si menacée, durant tout ce temps. Si seule. Si impuissante.
- Je sais tout ça grâce a une lettre qu'elle t'as laissé, continue Mémé, mais elle était dans mon sac...
- La fameuse lettre, je me souviens, j'aurais dû la lire quand j'étais là-bas...
Les larmes me montent aux yeux mais  je décide de me montrer fort et je ravale mes sanglots.
- Vous n'avez rien fait pour sauver ma sœur, je crache à Marie, furieux, ni même mes parents, ni ma famille, ni celle d'Anna. Vos "désolée" me sont inutiles. Gardez-les pour vous.
- Si je l'avais fait, articule-t-elle avec difficultés, ils nous auraient tués de toute façon... Je crains qu'ils seraient venus nous chercher et se seraient servis de nous... Nous auraient torturés, manipulés... Comme cela, votre famille n'a pas souffert, Gabriel.
Elle se tourne alors vers Anna.
- Vous savez tout, Miss. murmure-t-elle seulement.
- Ce qui est fait est fait. renchérit seulement Anna.
Je tourne le dos, profondément irrité.
Bien sûr, les arguments de Marie sont bons. Mais sortants de sa bouche, ça sonne faux. Elle ne l'a pas fait car elle avait peur. Peur pour elle et c'est tout.
Je reste quelques minutes seul, tandis que les autres reprennent leurs activités en restant à l'intérieur, comme s'il ne s'était rien passé.
C'est leur spécialité. Selon eux, on ne doit pas accorder trop d'importance à des détails pareils. Les disputes, ça sépare et on doit rester unis contre le Gouvernement.
Quelque part, ils ont raison, mais je crois qu'on devrait dire ce que l'on pense une bonne fois pour toute et pas jouer les hypocrites.
Une main se pose sur mon épaule et Courtney me chuchote à l'oreille.
- Ils ne sont pas morts en vain.
Je me retourne vers elle sans comprendre.
- Michiel, Suzan et moi avons trouvé quelque chose cette nuit. m'explique-t-elle doucement.
- Dis-moi, je demande mollement, impatient d'en savoir plus.
- On a seulement besoin de ton autorisation, hésite-t-elle.
- Pourquoi?
Elle a un rire nerveux, dégage une mèche de cheveux qui lui tombe devant les yeux et reprend.
- Bradley m'a dit que vous aviez enterré ta famille dans ton jardin...

Je vois où elle veut en venir, j'ouvre la bouche pour répliquer mais elle se montre plus rapide et continue.
- On aimerait que tu nous autorise d'aller les chercher. Ainsi que la dinde. On va étudier les dégâts intérieurs...
Je déglutis avec difficultés.
- C'est complètement fou, je souffle. Non, ne retournez pas là-bas. Hors de question, c'est du suicide.
Elle soupire d'agacement mais m'explique patiemment.
- Gab, ici, on est bloqués, on avance plus! On est à quelques centaines de mètres du Gouvernement, de nos ennemis mais on est clairement pas prêts de les affronter! Cette nuit je n'ai pas réussi à dormir et j'ai réfléchi sérieusement à propos de notre situation pour la première fois depuis que je suis ici.
- Comment ça? je m'étouffe.
- Eh bien, je pensais qu'être à proximité de nos ennemis pouvait nous donner des indices sur leurs activités mais en fait, ce sont eux qui se renseignent sur nous, là. Je te le dis, ces gens sont complètement tarés! On doit partir aujourd'hui. On peut encore sauver nos vies et découvrir la nature de ce qui a vraiment détruit l'Humanité et retourner leur plan contre eux. Contre le Gouvernement. Et on va réussir à le faire car nous sommes malins. Ils sont capables de tout.
Elle s'abaisse à mes pieds et relève le pan de mon pantalon.
- Comme de te planter une puce dans le mollet pour faire de toi leur sujet mais de te laisser t'échapper de chez eux sans rien faire...
Elle se relève, me lance un regard de défi puis va dans les douches moisies et en ressort la lampe à néon qu'elle a fait exploser en claquant la porte tout à l'heure.
- Ou bien de placer des détecteur de mouvements partout autour de nous.
Elle retire le néon et m'indique un minuscule boîtier noir fixé aux attaches.
- Même là d'dans.
Elle m'attrape par le bras, jette le néon et sort des vestiaires avec moi.
La voix de Thompson répète inlassablement "Je te vois. Je te vois. Je te vois."
- Ou bien même d'essayer de te donner envie de retourner parmis eux rien qu'avec la voix de Thompson, tant tu le hais, car ils savent que tu veux le tuer, crie-t-elle au dessus de vacarme avant de retourner dans le vestiaire.
- C'est pour ça que je ne pouvais pas sortir d'ici?
Elle acquiesce.
- Mais... et Anna? Mémé?
- Anna et toi êtes recherchés, mec. rétorque Courtney immédiatement. Quant à Mémé, c'est elle qui nous en a fait la demande.
- En fait, intervient l'intéressée en venant à côté de nous, j'voulais aider mais rester à l'intérieur car j'suis faible. On a trop couru récemment et mes jambes suivent p'us.
- D'accord, dis-je dubitatif.
Je détourne mes yeux du visage aux traits fatigués de Mémé et observe mes camarades.
- Tu es d'accord? me demande Courtney presque suppliante.
- Oui oui, je réponds distraitement.
- Merci Gab, me lance-t-elle en me tapant l'épaule.

Nicky et Kévin sont allés chercher quelques pains secs et une gourde d'eau dans les douches et distribuent un pain à chacun d'entre nous.
Kévin me passe le mien, pas plus gros qu'un poing, l'air navré.
Depuis qu'on s'est retrouvés, je lui trouve un air... différent.
Ça me fait le même effet qu'avec Anna...
Quelque chose a changé en lui, la chaleur de son regard, on voit qu'il est bien plus présent qu'avant, ses cheveux blonds - qui virent au châtain - ébourrifés lui vont mieux que sa coupe coiffée nette habituelle, ses vêtements sales, ses veines saillantes sur ses bras nus, c'est comme s'il était devenu plus sauvage, qu'il avait grandi.
Nicky est sale, toute maigre, ses cheveux à elle aussi la rendrait folle si elle les voyait. Elle porte un t-shirt gris foncé qui lui fait comme un seconde peau sous une chemise à carreaux bleu foncé et blancs ouverte et dont les longues manches sont repliées jusqu'aux coudes.
Elle a une large entaille ensanglantée sur la joue gauche et ses ongles rongés à sang sont incurvés de terre.
Elle à l'air d'une aventurière qui n'a pas froid aux yeux - limite sans pitié -et j'espère que c'est  devenu le cas car nous avons besoin de têtes brûlées pour avancer.

Tristan, maintenant que je prends le temps de le regarder, a vraiment maigri. Il a troqué son large sweat bleu roi à nounours pour un t-shirt semblable à celui de Nicky mais aux formes plus masculines.
L'autre jour, j'ai vu Kévin lui confectionner un large bracelet en cuir marron et je constate qu'il l'a toujours.
Ses tâches de rousseur sur son visage ressortent particulièrement et ses yeux verts étincellent.

Bradley est le seul à ne pas vraiment avoir changé.
Toujours ces mêmes lunettes aux verres foncés sur le nez, toujours ces mêmes cheveux bruns indomptables, toujours cet air autoritaire.
La seule chose qui a changé : des griffures par-ci par-là, du sang et de la poussière sur les vêtements. Comme tout le monde.

Anna mastique son pain sec dans son coin d'un air absent.
La robe cyan qu'elle avait mis pour cette soirée de Noël n'a plus rien de charmant, pourtant elle ne semble pas y faire attention. Elle est devenue bien plus négligée.
Je vais m'asseoir à ses côtés, le dos contre le mur et je suis surpris de l'entendre me parler avec une voix neutre.
- Pourquoi Mémé est-elle partie, à ton avis? m'interroge-t-elle. J'ai lu quelque chose dans ses yeux. Comme si elle avait eu une absence.
- Je ne sais pas, je n'avais pas remarqué.
- C'était flagrant Gab! fait-elle d'un air exagérément outré mignon.
- Tu es en train de me dire que tu penses que Mémé est sortie malgré elle? je m'étonne.
- Je pense que c'est le cas, se défend-elle plus sombrement.
- Peut-être bien, après tout...
Un lourd silence se pose durant lequel je réfléchis aux paroles d'Anna.
Avec ma puce, je risque la même chose, non? Si ça se trouve, ils peuvent lire dans mes pensées sans que je me rende compte. Ou bien ils me commandent. Ou bien les deux.
Et si Mémé avait une puce?
Non, c'est idiot, à quel moment aurait-elle pu se la faire transplanter?
N'importe quand, murmure une désagréable petite voix dans ma tête, si ça se trouve, depuis bien avant la soirée de Noël.》
- Allez, on dort maintenant, lance Courtney avec une autorité rassurante, on a besoin de repos. Demain, départ à la première heure.

On éteint les lumières, et tout le monde se pelotonne sous les manteaux, sous les vêtements sales ( entre-autres le large sweat de Tristan ) et ils prennent leurs sacs en guise d'oreillers.
Je n'en reviens pas.
Je suis contrôlé par le Gouvernement...
C'est certain, sinon, à quoi servirait cette foutue puce?
《 Il s'est débranché.》ces paroles résonnent dans ma tête.
C'est vrai, j'ai réussi à me débrancher seul, mais de quoi?
De ces tuyaux qui me droguaient?
Exactement.》confirme la même voix dans ma tête.
Je me fige tandis que les autres se couchent.
- Qui est là? je demande à voix haute.
Tous se retournent vers moi en me dévisageant. J'ai un bref rire nerveux.
- Allez dormir, lance Bradley agacé, vous n'avez pas intérêt à vous plaindre d'être fatigués demain.

Anna et moi nous exécutons et allons nous placer un peu à l'écart des autres, contre le mur près des douches.
Le sol est froid et inconfortable mais j'y suis habitué. Je m'imagine un matelas et m'endors en quelques minutes, le ventre vide, en tenant la main d'Anna dans la mienne, comme réconfort au terrible rêve prémonitoire qui va me secouer toute la nuit.


Hey hey hey! :D
C'est la fin de ce chapitre 16!
J'ai choisi de le faire plus long que les précédents, car les deux prochains samedis, je ne pourrais pas publier de chapitre, malheureusement, car je serais en classes de neiges. :)
J'espère que l'histoire continue de vous plaire, parlez-en autour de vous, faites-la découvrir! :')
Merci de cotre fidélité et à très vite! :3

Le Dernier Survivant Où les histoires vivent. Découvrez maintenant