Chapitre 23 : Noyés par la pluie

22 4 4
                                    

Michiel sort un énorme talkie-walkie noir de la poche de sa vieille veste rapiécée, radieux.
Diverses minis antennes et boutons multicolores semblent avoir été rajoutés.
- Ça fait un bout de temps que j'l'ai, m'explique-t-il. C'était son idée, elle voulait qu'on puisse être en contact n'importe où et n'importe quand.
- Qui ça? je demande, avide d'en savoir plus.
- Courtney, pardi! s'exclame Michiel. Quand je lui ai montré ce bijou, le soir de notre rencontre, elle a tout de suite demandé à ce que j'en fasse un exactement pareil pour elle.
Il ricane en se grattant le nez et reprend.
- C'était pas bête de sa part, avec un seul talkie, on peut pas aller bien loin! Mais on a galéré à en reproduire un autre car j'avais fabriqué le premier bien avant l'Apocalypse.

C'est donc comme ça que Michiel voit ces évènements? Comme l'Apocalypse?
Je peux comprendre : Quand j'ai appris à le connaître, il m'avait raconté à quel point les catastrophes avaient été concentrées sur la région dans laquelle il vivait.
Il habitait dans une mégalopole bien loin de ce trou perdu qu'est Berkey Hill.
Il a vu chaque membres de sa famille mourir un à un. Devant ses yeux.
Dans des déluges sans fin, des incendies "accidentels" ou tout simplement d'étranges maladies effroyablement contagieuses qui les ont frappés tout à coup.
Michiel avait seulement réussi à sauver son fils de 8 ans, Markian, atteint de tritanopie ( absence des récepteurs rétinaux au rouge ; cette couleur et ses nuances proches lui sont indétectables ).
Plus vulgairement dit, Markian est daltonien.

- Et après que tu lui ai fabriqué son talkie, Courtney a trafiqué les deux, je suppose.
Il tend son index vers moi en acquiescant.
- Je l'ai aidée avec mon Opérateur, j'ai réussi à avoir suffisamment de puissance pour installer un logiciel sur nos talkies, qui nous permet de communiquer ensemble, peu importe la distance qui nous sépare. Ça marche un peu comme des portables. Mais sinon, le reste c'est elle.
- C'est du génie, souffle Marie en se secouant pour se réchauffer.
- L'idée du p'tit panneau solaire à la place de l'écran pour avoir toujours la batterie pleine, c'est elle aussi, poursuit Michiel, plein de fierté.

Mais il n'en dira pas d'avantage car nous sommes interrompus par notre groupe qui se met en marche.
Et la pluie torrentielle qui n'a fait que doubler d'intensité.
On ne sait pas où on va mais en tout cas, on y va de bon pied.
Quand je dévisage nos alliés, je lis la détermination dans leurs regards, l'envie de venger toutes ces morts injustes d'innocents.

À chaque pas, je trébuche dans une flaque d'eau boueuse.
Je finis avec le bas de mon pantalon dégoulinant d'eau sale sur le sol.
- Gabriel, tu es ailleurs, me fait remarquer Suzan.
Je ne réponds pas. Parfois le silence est la meilleure réponse qu'on peut donner.
J'ai peur. J'ai peur pour mes amis.
Certes, Michiel a eu de leurs nouvelles. Mais quelles nouvelles ? Comment ils vont, où ils sont ?
On ne sait rien.
Je me tourne vers Michiel et lui demande comment vont les autres.
- Anna et Tristan sont blessés, me crache-t-il.
Je lâche un cri et je me fige, Michiel semble tout de suite embarrassé. Son visage rond tourne au pourpre.
- Désolé, je voulais annoncer les mauvaises nouvelles tout de suite pour que tu puisses entendre le reste après mais en fait je viens de me rendre compte que j'aurai dû faire l'inverse...
- Si tu butes par rapport à l'ordre dans lequel tu dois annoncer les évènements, Michiel, c'est que ça ne doit pas être si grave, suggère Suzan calmement.
- Oui, c'est vrai, sourit timidement le concerné. En fait Courtney m'a raconté leur sortie du parking...
- Comment ils ont réussi à sortir du parking sans aucun mort ? je demande curieux.
Michiel a une toux nerveuse et reprend :
- Ils ont dû sacrifier les deux numéros de Courtney...
J'ai l'impression que mes jambes vont se dérober sous mon corps.
Je me rends compte que comme cet homme décédé fusil à la main au parking, nous ne savions rien sur nos alliés, ils n'étaient que des pions.
- Ils ont fait une ruse, continue Michiel, mais Courtney est dépitée. Elle est dans une phase de dépression assez importante. Ces deux numéros étaient pour elle comme des frères, elle les connait depuis si longtemps...

Je suis navré, j'ai envie de faire quelque chose, là tout de suite mais je sais que je suis aussi utile qu'un réverbère en plein jour.
Quelle méthaphore de qualité, ma foi.
- Je croyais que tout le monde avait survécu, dis-je.
- Moi aussi, répétèrent les autres en choeur.
Nous marchons longtemps dans un silence épais, pesant. Aucun n'ose relancer la conversation. Quelque part, c'est notre hommage...

Nous marchons longtemps, sous la pluie, qui s'est imprégnée dans mes vêtements et qui me glace les os.
Mes cheveux sont trempés et des gouttes me tombent sur le visage et parfois dans les yeux.
Beaucoup parlent à voix basse, en suivant Thompson qui mène le groupe.
Il semble bien se repérer, même au milieu de ces ruines boueuses.
Parfois, nous contournons un bâtiment et repartons dans une autre direction.
Je suis fatigué, j'ai faim, j'ai soif et j'ai envie de prendre une douche brûlante durant des heures.
Dormir pendant des jours, en me réveillant entre deux pour manger bien gras. Ça, ça me fait rêver plus que toute la fortune du monde.

- Tu pourrais appeler Courtney? demande Marie à Michiel en boitillant à mes côtés.
Ce dernier rétorque quasi immédiatement.
- Là, non. Les conditions sont défavorables. Les talkies fonctionnent grâce à des minis panneaux solaires situés à la place du cadran et ils n'ont plus vu la lumière du jour depuis un petit bout de temps. J'ai utilisé la batterie de secours pour communiquer avec Courtney tout-à-l'heure mais là, elle est morte.
Marie balbutie quelques paroles incompréhensibles en rougissant.
- Je parlais de la batterie en disant qu'elle est morte, précise Michiel, lassé, pas de Courtney.
Elle a un soupir et son visage semble se détendre.
Elle retire son gilet et le tient au dessus de sa tête pour se protéger de la pluie.
Suzan fait de même avec sa veste en cuir, Michiel avec son sac mais Brad et moi ne bougeons pas et restons comme ça, en petits t-shirt à courtes manches, mouillés. Sans rien pour nous protéger.
Un bon nombre d'entre nous tous sont déjà tombés par terre, même Thompson.
Son pantalon de costard est immaculé de boue et ses cheveux plaqués sur son front ruisselant.
Il est vrai que les conditions ne sont pas optimales mais malgré tout, nous avançons à un bon rythme et, enfin, après de longues heures de marche épuisante, Thompson crie "Dans 30 petites minutes environ on y est, les gars!"
Tout le monde soupire et les encouragement fusent. Ça me fout des frissons de voir à quel point tout le monde s'entraide.
- On y est bientôt les gars! Courage!
- Je masserai les jambes des moins sportifs ce soir, je vous le promets!
- Quelqu'un veut un gros pull?
- On va bientôt pouvoir venger nos proches!
- Le Gouvernement ne sera plus qu'un souvenir douloureux!

Je n'aurai jamais cru qu'un tel esprit d'équipe reignait au sein du Gouvernement et était opressé.
- On va prendre des douches, murmure Brad avec extase.
- J'avais oublié que ce mot existait, plaisante Suzan.
Marie trébuche fortement en lâchant une plainte bruyante.
Elle est tombée lourdement et n'essaye même pas de se relever.
Je l'attrape par dessous les aisselles et la relève.
- Allez Marie, on tient le coup! je lui lance en inspectant son genou et son menton sanglants.
Je ne la lâcherai pas avant qu'on arrive à la Tente.
Elle perd beaucoup trop de sang pour pouvoir se débrouiller toute seule.

Et voilà les amis!
La suite, ce sera pour samedi prochain!
Ehhh ouiii :3
N'oubliez pas le petit vote qui fait plaisir, abonnez-vous pour être au courant de tout en premiers et puis à la semaine prochaine! :D
P.S. : On a bientôt atteint 2K vues alors partagez en masse! ;)

Le Dernier Survivant Où les histoires vivent. Découvrez maintenant