Elle tremble, son souffle est irrégulier, elle me supplie de la laisser faire une pause, mais je ne l'écoute pas.
- Gabriel...murmure Marie en me dévisageant d'un regard embrumé, impuissant.
Je ne réponds rien, je ne cèderai pas, car si on s'arrête, je suis prêt à parier gros qu'on ne se relèvera plus. J'ai mal partout et je suis certain que elle aussi. De plus, j'entends le tonnerre gronder au loin. Et il se rapproche à une vitesse vertigineuse. J'aimerais éviter de mourir avec Marie dans les bras, qui plus est, en plein milieu d'un orage, alors que la Tente est à portée de main. Je me contente de continuer de marcher en la portant sous les aisselles. Je regarde droit devant moi, comme quand j'ai appris à faire du vélo. Ma mère m'avait conseillé de regarder loin devant et de ne pas fixer mes pieds ou la route, si ça m'effrayait.
- Un petit effort Marie, je l'encourage, on y est presque, là!
Elle gémit et tente de rester debout mais elle n'y arrive plus, je suis obligé de la porter alors qu'elle traîne les pieds avec difficulté. Le tonnerre est assourdissant.
Nous fermons la marche, tous nos camarades sont devant et pressent le pas. Tout le monde en a marre de marcher, tout le monde est impatient de prendre une douche, de retrouver un lit, de manger bien gras. Thompson nous a promis que tout cela nous attendait à la Tente.
La faim et la fatigue nous ont tous rendus complètement fous, mais de la à laisser en plan Marie, notre alliée, qui n'est même plus capable de marcher toute seule, ça me dépasse.
L'orage est juste derrière nous, même pas à deux cent mètres.Elle me marche sur le pied, je lâche un cri de trouillard qui résonne et nous tombons face contre terre dans la boue. Je relève la tête et vois la servante des Starck morte de rire sur le sol. Un rire sans joie, froid, effrayant. Un rire que j'ai déjà entendu.
Le même que celui de Mémé, chez moi. Je me souviens, elle avait perdu la tête, les évènements l'avaient dépassée. Elle était si mal. J'ai l'impression de revivre tout ça.
Comme je m'y attendais, son rire est suivi de cris de détresse.
Je me relève péniblement puis aide ( force serait plus approprié à la situation ) Marie à faire de même, en essayant de la faire taire, lui criant moi aussi dans les oreilles car si elle continue, elle va me rendre sourd et j'aimerais vraiment éviter ça.
Malgré le boucan infernal que l'on fait, personne ne s'emble s'être rappelé notre existence. Plaisant. Apparemment le bourdonnement de l'orage couvre nos cris.
Nous reprenons donc la marche péniblement, et Marie daigne enfin fermer sa grande bouche, mais aussi ses yeux par la même occasion, ce qui est loin de me rassurer.
Et enfin, soulagement épique, une silhouette de bâtiment se profile dans la pluie.
Un grand édifice en toile, visiblement, qui semble solide, pointant vers le ciel, comme un tipi. Ou tout simplement une tente!
La Tente.
Il y a une demi-douzaine d'autres tentes plus petites reliées à la Tente principale. Je vois les autres entrer sans hésitation. Nous sommes loin derrière eux, je porte alors Marie sur mon épaule, ( et je le regrette aussitôt ; Seigneur, qu'elle est lourde ) en lui donnant une gifle pour la réveiller, au passage, et pique un sprint - que j'imagine ridicule sans aucune difficulté - jusqu'à l'entrée de la Tente que j'ai tant espéré voir un jour. A peine à l'abri, je m'écroule sur le sol, la respiration saccadée et laisse tomber Marie et sa jambe sanglante sans aucune délicatesse.
Immédiatement, quelques gars tout propres ( à mon avis ils vivent ici depuis un petit temps ) viennent chercher Marie et la portent dans une direction qui n'est pas dans mon champs de vision.
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Le Dernier Survivant
AdventureLe soir de Noël, les familles du monde entier reçoivent un colis de la part du gouvernement de leur pays. A l'intérieur : de la dinde, du foie gras, des desserts,... Les présidents sont clairs : Tout le monde doit manger ce que contient le colis pou...