OS // Le Coeur qui fume // (Reylo)

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Écrit dans le cadre de la nuit de l'écriture sur le thème « Cendre »

Sur les eaux ondulantes d'un grand lac aux reflets de cristal, une barque de cérémonie glissait comme une ombre, laissant tomber dans les profondeurs aquatiques quelques pétales de fleurs aux couleurs éparses.

Sur celle ci gisait le corps d'une vieille femme au traits reposés, dans une longue robe aussi blanche que les deux lunes qui scintillaient dans le ciel. Autour d'elle flottaient dans la brise des centaines de fleurs, illuminées par les douces flammes des bougies aux odeurs enivrantes. Elle progressait telle un ange au loin, sous les regards tristes et fiers des tous les soldats de la Résistance.

Sur la berge, tous les survivants se tenaient droits, la tête haute, le poing sur le cœur, et regardaient en silence leur Générale s'effacer. Rey assistait à tout cela impuissante, un sentiment de vide et d'absence crevant la fierté qu'elle éprouvait à avoir connu cette femme incroyable et à avoir servi sa cause.

Autour d'elle, elle voyait les larmes couler sans frémissements, elle les sentait s'éclater contre la terre, elle sentait dans sa propre poitrine chacun des battements de cœur de chacun des rebelles remplacer les siens, effacés, et son esprit se déchirait comme brulent les étoiles à leur mort.

Poe, de son grand arc, tira une flèche enflammée qui stria la noirceur du ciel comme un éclair, avant d'aller si ficher dans la chaloupe voguant toujours plus loin. Sous leurs yeux, tout s'enflamma lentement, illuminant le lac de milliers de couleurs. Le pilote épongea ses yeux en serrant la mâchoire, avant de taper du pied et cogner son poing contre son cœur.

Pas un bruit ne se faisait entendre, même le vent avait cessé de siffler, se contentant de balayer les regrets de son souffle glacé.

Rey le sentait. Dans sa tête, dans sa poitrine, dans son être tout entier, elle sentait sa douleur, sa haine, son affliction, elle sentait ses frémissement, le fantôme de ses larmes coulant contre ses joues trop sèches et elle l'entendait implorer le ciel sans l'accepter.

La Guerre était un fardeau que chacun portait, une condamnation commune, une purge inévitable. La guerre brisait, déchirait, séparait, la guerre arrachait la vie, elle la prenait et la jetait au loin comme si ce n'était rien d'autre qu'une pierre sur laquelle on marche sans s'en rendre compte.
La guerre était cruelle, plus que n'importe qui, mais dans des moments comme celui ci, où l'univers cessait de tourner une toute petite seconde pour que l'on puisse faire ses adieux aux morts, aux disparus, aux sacrifiés, les lois de la guerre n'avaient plus aucune raison d'être.

Il n'y avait plus de camps, plus d'ennemis, plus de lumière, plus d'obscurité, juste le silence, le deuil, l'absence. L'Humain.

Un souffle glacé fit voler les cheveux de Rey pendant une seconde qui lui sembla durer l'éternité, et à côté d'elle, elle le sentit s'avancer. Personne d'autre ne pouvait le voir, personne d'autre ne pouvait le sentir, personne d'autre ne savait qu'il était là. Lui aussi avait droit à un dernier hommage, et même s'il était un monstre, Rey ne l'empêcherait pas de dire au revoir à sa mère une toute dernière fois.

Son souffle mêlé au sien, il lui saisit la main avec une douceur amèrement douloureuse, serrant fermement dans la sienne leurs doigts entrecroisés.

Son regard était fixé sur ce petit point chancelant à l'horizon, et dans son regard dansaient toutes les flammes du monde, léchant ses prunelles comme si elles tentaient de les atteindre.

Une larme coula contre la joue de Rey, en même temps qu'elle coulait sur la joue de Ben, et la jeune femme ferma les yeux pour contenir tout ce qui risquait d'exploser d'une seconde à l'autre, tout ce qu'elle gardait au fond de son être, tout ce qu'elle tentait d'ignorer. Elle avait presque tout perdu, et sentant que Ben l'observait plein de rancoeur et de regrets, elle pensa que finalement ils n'étaient pas si différents.

Comme il était apparu, il sembla se dissoudre, juste disparaître, sa main remplacée par celle de Finn à ses côtés, qui serrait Rose tout contre lui comme on protège un enfant.

Rey souffla doucement, plissant les lèvres. Les braises s'envolaient dans l'air et disparaissaient dans l'atmosphère, brillantes comme une nuée de lucioles, qui soudain ne voyaient plus l'intérêt de se battre pour leur lumière.

Et Rey coula, aspirée dans les abyssales profondeurs de sa douleur, comme mourraient les mêmes braises de son cœur de cendre.

Et Rey coula, aspirée dans les abyssales profondeurs de sa douleur, comme mourraient les mêmes braises de son cœur de cendre

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