(unusual disclaimer : si vous pouvez, lire avec la musique)
21 mars 2012
1h30 plus tôt.
Elle arrivait à bout de nerfs, à bout de souffle. Elle se tenait au bout du chemin. Devant elle s'élevait le cabanon en bois destiné aux locations de barque. La dernière fois qu'elle était venue ici était la veille de son énième rapatriement au foyer, mais aussi certainement le plus marquant.
Kiara s'approcha lentement de la construction, comme si un monstre l'abritait. Le monstre de ses souvenirs. Elle plaqua un billet de cinquante sur le comptoir avant de retirer sa main de peur qu'il ne la brûle.
- Donc ce sera cinq...et sept euros pour vous.
L'employé lui tendit la monnaie et son cœur eut une drôle de palpitation. C'étaient les mêmes yeux, la même cicatrice sur le bas de la joue. Mais c'était aussi plus de barbe, un visage plus osseux. Quelles étaient les chances de le trouver ici ? Elle était venue pour se raccrocher au passé, pas pour le confronter.
- Merci. Il la scrutait intensément. Il vit la gêne sur son visage et s'empressa de la rassurer.
- Excusez-moi, vous ressemblez tellement...
- C'est moi, Kiara, elle acquiesça la gorge nouée.
Tout retourné, il prit maladroitement ses clefs et la rejoint sans oublier de fermer la cabane à clef. Fred sembla hésiter, avant de finalement l'attraper dans ses bras. Il sourit en sentant le ventre arrondi de Kiara s'écraser contre son corps.
- Allons faire un tour, lui demanda-t-il, ému.
- Tu es sûr que tu peux quitter ton poste comme ça ?
- Plus personne ne vient ici Kiara. Maintenant les gosses préfèrent jouer à la tablette plutôt qu'aller au parc.
- C'est vrai. Elle frotta ses cuisses, mal à l'aise. Ils se dirigèrent vers la rive du lac grisonnant. Ce dont elle avait toujours eu peur arriva, ils ne savaient pas quoi se dire, presque dix ans après la dernière fois qu'ils s'étaient vus.
- Tu es devenue magnifique, dit Fred en lui tendant sa main pour qu'elle monte dans la barque. Elle leva automatiquement les yeux au ciel. Quoi ? Ça change de tes dents d'écureuil, ajouta-t-il avec un clin d'oeil.
Elle voulut lui sourire, mais quelque chose sonnait faux. Il commença à ramer. Quelque chose sonnait faux dans leur réunion. Pas dans leur sentiments. C'était inexplicable. Mais habituée à la déception, elle posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis tant d'années tout en triturant ses doigts.
- Pourquoi tu m'as abandonnée ? Emmitouflé dans son imperméable de pêcheur, il blêmit. Elle répéta, en s'efforçant de ne pas faire trembler sa voix. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi pourquoi tu m'as abandonnée.
Elle pensa au ridicule de la situation. Comme dans le dernier film qu'elle avait vu elle aurait pu lui dire, qu'elle elle s'était échappée tous les jours du foyer d'accueil pendant un mois. Jusqu'à ce qu'elle voit l'affiche de délocalisation placardée à l'entrée du garage.
- Ma chérie, je savais pas comment sortir de cette histoire, se défendit-il. Ils me menaçaient...
- Tu savais ce qu'il se passait dans ton entreprise, siffla la brune, surprise, le trouvant maintenant pathétique. Elle peinait à réaliser ce que cette révélation signifiait. Tu savais qu'on pouvait me renvoyer en foyer. Le haut du dos la brûlait tellement qu'elle aurait voulu pouvoir plonger à même le lac. Et t'as rien fait pour les arrêter. Kiara commençait à assimiler.
- C'était pas si facile...Elle ne lui laissa pas le temps de mieux s'expliquer, elle n'en avait pas besoin. Il n'y avait aucune excuse à donner.
- Tu te trompes. Y'avait rien de plus facile. Je veux que tu me ramènes à terre.
Because of you
I never stray too far from the sidewalk
Because of you
I learned to play on the safe side so I don't get hurt- Ecoute, Kiara, il tenta de s'interposer.
- Non c'est toi qui vas m'écouter. Le son qui s'échappa de sa gorge était plus strident qu'elle ne l'aurait voulu. Quelqu'un à bord de cette même barque m'avait promis de lui faire confiance, parce que l'abandon selon lui c'était pour les lâches, et y'avait pas de ça chez lui. Il baissa les yeux. Elle vit qu'il s'était interrompu dans leur trajet de retour. Rame, s'il te plait, à moins que ça aussi ce ne soit trop compliqué. Elle aurait voulu pouvoir être moins sèche, mieux garder son masque. Parce que c'est vrai que c'était facile, de se faire battre inlassablement. C'était tellement, tellement facile de pleurer tous les soirs avant de s'endormir. Une larme voulut perler, mais elle l'essuya avant de continuer. C'était d'une simplicité écoeurante de ne plus faire confiance à personne, de rejeter tous ceux qui s'approchaient de moi parce que je pensais ne pas être assez bien pour eux. C'était facile de vouloir oublier sa triste vie. Elle reprit contenance. C'était facile d'avoir cru que tu étais un père pour moi.
Elle rit un peu nerveusement. Elle vit qu'ils étaient arrivés à la rive du lac. Elle vit dans ses yeux qu'il était désolé, mais le mal était fait. Elle n'était pas prête à ce qu'il re-rentre dans sa vie. On peut beaucoup pardonner, mais il faut un sacré cran pour abandonner un enfant à de la maltraitance pour quelques billets.
- Bonne continuation, Fred. C'est seulement dos à lui, qu'elle se permit de s'effondrer. Et ce serait la dernière fois.
*
Elle se tenait face à lui. A eux. Ils semblaient préoccupés, comme s'ils appréhendaient la réaction d'un animal sauvage. Mais elle ne voulait plus fuir, en réalité, elle n'était jamais partie. Kiara sourit, franchement. Ses yeux se plissèrent et elle sentit même cette petite sensation de chaleur dans son coeur. C'était ça alors, être en paix avec soi ? C'était fini cette quête interminable de bonheur, de résurrection. Elle sentait son coeur battre si fort tandis qu'elle s'avançait vers eux. Vers lui. Il aurait pu sortir de sa poitrine, peu importe puisqu'ils étaient devenus sa raison de vivre. Quelle ne fut pas leur surprise, quand dégoulinante, les joues noircies pas le mascara coulé, elle souffla dans un sourire :
- Vous êtes les hommes de ma vie.
REACTIONS. NOW. Ce chapitre est bien le parallèle en terme de temps, que le précédent. Cette chanson me fait souvent verser ma petite larme, j'espère que ça aura bien joué son rôle et que ça vous aura plu. Muxus.
PS/SPOILER. Cette partie est littéralement, le calme avant la tempête
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EQUATION ft. FonkyFlav
FanfictionKiara, 19 ans n'avait pas commencé le jeu de la vie avec les bonnes cartes en main, mais elle était prête à tout pour changer la donne. Passionnée de maths, elle était convaincue que notre destin était la somme de ce que l'on se donnait la peine d'e...