Ensemble nous adoucirons nos peines

Chapitre 4

Aujourd'hui était le 31 Janvier. La veille de l'anniversaire de Charlotte. Carlie n'avait aucun moyen pour rendre ce jour différent des autres. Aucun gâteau, aucune pile de cadeaux ne l'attendrait à son retour de l'école. Pas même un repas différent de celui des autres jours. C'est donc le cœur lourd qu'elle se rendit à la boutique ce jour-là. La journée fut moins éprouvante que les autres : les journaux annonçaient que le dernier ticket d'or avait été trouvé par un jeune Russe, les gens n'avaient donc plus de raison de rechercher activement le précieux sésame. Carlie était également soulagée : les cinq tickets étaient trouvés, bientôt la visite aurait lieu, et après il suffirait simplement d'oublier cette histoire. Enfin, c'est ce qu'elle pensait jusqu'à ce que les journaux du soir annoncent qu'il s'agissait d'un faux. Double mauvaise nouvelle : la passion des médias pour cette chasse au ticket n'allait pas décroître, et en plus une salve très importante de clients arriva d'un seul coup.

Tout au long de la journée, Carlie eut l'impression que son patron la regardait avec insistance, comme s'il hésitait à venir la voir. La fin de son service approchait, Charlotte était devant le magasin, la fin de la journée venait de sonner. Carlie raccrochait son tablier lorsque son patron s'approcha d'elle.

« Tu as une minute ? J'aimerais te parler »

« D'accord mais rapidement, Charlotte m'attend dehors. »

Carlie travaillait depuis une décennie pour lui, et jamais elle ne l'avait vu comme ça. Comme s'il allait lui annoncer une mauvaise nouvelle. Elle n'aimait pas cela. Une fois qu'ils furent tous les deux seuls dans l'arrière-boutique, il commença à parler.

« Ecoute Carlie, j'ai quelque chose à te dire. En principe je ne fais pas de distinction entre mes employés mais, c'est toi qui travaille depuis le plus longtemps pour moi, et je sais que la vie n'est pas simple pour ta sœur et toi depuis … depuis deux ans, et je sais aussi que c'est son anniversaire demain. Alors j'aimerais que tu gardes cela pour toi, que tu ne dises pas que c'est moi qui te l'ai donné. Je n'ai pas d'enfant autour de moi, je n'ai donc aucune raison de le garder, même si c'est vrai que j'aurais pu le revendre ... je n'arrivais pas à m'en convaincre. Alors promet moi une chose, fait de demain le plus beau jour de la vie de ta sœur, et de la tienne aussi. Vous le méritez. »

Sans avoir compris le sens de ce qu'il venait de lui dire, Carlie serra ses mains autour de ce que venait de lui donner son patron, qui venait de retourner dans le magasin aussi rapidement que lui permettaient ses jambes d'homme âgé. Lorsqu'elle baissa les yeux sur l'objet en question, elle eut du mal à comprendre : une tablette de chocolat Wonka ouverte. Elle sourit en reconnaissant le papier d'emballage : c'était une « Candy Sweet Chocolate delight », sa préférée, notamment parce qu'étant petite, elle était persuadée que cette tablette portait son nom. C'était enfantin, mais ça l'avait rendue heureuse. Cependant elle n'était pas plus informée sur la raison pour laquelle son patron la lui avait offerte. Peut-être que le papier avait été déchiré pendant la livraison et qu'elle était invendable … Alors qu'elle retournait la tablette dans ses mains, le temps sembla s'arrêter. L'ouverture n'était pas très grande, mais laissait voir une feuille d'or qui dépassait légèrement. Carlie n'en crut pas ses yeux, et sous le choc, laissa tomber la tablette au sol. Après quelques secondes, elle se baissa pour la ramasser, et la manipula avec une extrême précaution, les mains tremblantes, voulant vérifier si ce qu'elle croyait était juste. Doucement, elle tira la feuille d'or hors du papier d'emballage. C'était bien ça, un ticket d'or ! Le dernier ticket d'or au monde ! Elle l'avait entre les mains ! Son patron avait trouvé le dernier ticket d'or et lui en avait fait cadeau ! Tout s'embrouilla dans son esprit, comme une avalanche. Ses pensées allaient dans tous les sens, oscillant entre « Charlotte va visiter la chocolaterie », « Je vais faire le plus beau cadeau d'anniversaire à Charlotte », « Comment lui annoncer la nouvelle ? ». Tout se bousculait, et c'est les mains tremblantes qu'elle tourna le ticket afin de lire les instructions :