Chapitre 7

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Lorsqu'il l'entendit répondre, Willy Wonka se redressa pour la regarder dans les yeux. La jeune fille entourait sa sœur de ses bras protecteurs, et n'hésita pas à soutenir son regard, comme si elle était sur la défensive, et s'apprêtait à répondre si quelqu'un lui adressait de nouveau la parole. Mais au lieu de la questionner sur son étrange attitude, Willy se retrouva comme fasciné par ses yeux. Etait-il possible que ce soit elle ? Ils avaient une forme parfaite d'amande et étaient d'un marron intense, peut-être qu'il avait enfin retrouvé celle qui avait inspiré sa rivière de chocolat … Des yeux couleur chocolat au lait, que pouvait-il y avoir de plus beau ? (du moins, du point de vue d'un chocolatier).

Après des secondes qui paraissaient une éternité, Willy sortit de sa torpeur.

« Et vous vous devez être leur p… p… »

Et voilà, il buttait de nouveau sur ce mot ! Il s'était pourtant entraîné auparavant, mais rien n'y avait fait …

« Parents ? », lui suggéra Mr Salt.

« Oui, les mères et pères … père … papa … », enchaîna Willy en reprenant sa respiration. Il sembla après cela partir loin dans ses pensées, ce qui ne manqua pas d'être repéré par ses invités, sauf deux, qui s'étaient resserrées l'une contre l'autre à l'évocation des « parents », ce qui était encore douloureux pour elles deux.

En entendant parler de « parents », et sans aucune autre raison apparente, Carlie ne put s'empêcher de revivre les dernières paroles que sa mère lui avait dites avant de mourir. « Sois heureuse mon enfant. Malgré tout ça, la vie vaut la peine d'être vécue, crois-moi, commence une nouvelle vie et sois heureuse. Les rêves se réalisent tant que l'on y croit. » Ce souvenir lui faisait mal, elle n'y avait pas pensé depuis longtemps, et ce faisant, elle trahissait sa promesse envers son patron. Malgré tous ses efforts, les mots raisonnaient dans sa tête, comme l'écho refoulé de son passé, qui voulait lui rappeler qu'elle ne pouvait pas se détacher de son histoire ou échapper à son destin.

Heureusement pour elle, Willy revint à la réalité en même temps, ce qui dissimula sa propre absence.

« OK … alors on y va. »

Enfin ils purent avancer sans être interrompus. Derrière le guide, Violette et Veruca semblèrent sceller une amitié pour le moins inattendue… et sûrement des plus hypocrite …

« Soyons amis » lança la petite enfant gâtée.

« Les meilleures du monde », lui répondit la mastiqueuse.

C'est bras dessus bras dessous qu'elles continuèrent de marcher. Charlotte était juste devant Carlie, et marchait tranquillement. Pas loin d'elle, Augustus la regardait intensément, ce qui ne plut absolument pas à sa sœur.

« Tu veux du chocolat ? »

Charlotte ne comprit pas que ce garçon voulait simplement se moquer d'elle. C'est donc innocemment et avec son sourire angélique qu'elle lui répondit d'un signe de tête. Carlie n'eut pas le temps de la saisir par les épaules et de le pousser le plus loin possible qu'il lui avait répondu.

« Alors t'aurais dû en acheter. »

Avant de l'éloigner de lui, elle vit sur le visage de sa soeur la déception, et surtout le sentiment de remord d'être tombée dans le piège.

« Ne t'avise pas de recommencer ça une seule fois, ou tu auras affaire à moi ! », le menaça Carlie, une main sur son t-shirt plein de chocolat. Elle venait de dire ça de la manière la plus sèche qui soit, et elle jura avoir vu Willy Wonka tourner légèrement la tête vers elle, comme s'il avait cherché à voir ce qu'il venait de se passer dans son dos, et étouffer un petit rire.

Au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de la porte, un sentiment de confinement envahit Carlie, et elle ne s'y trompa pas : le couloir était une illusion, et plus ils avançaient, plus l'espace se réduisait. Quant à la porte, elle ne pouvait même pas laisser passer les enfants sans qu'ils aient à se baisser !

« Elle est très importante cette salle, c'est normal, c'est une chocolaterie. », dit Willy Wonka sur le ton de la confidence.

« Mais pourquoi la porte est si petite ? », demanda Mike comme s'il était sur le point de s'énerver.

« Pour conserver le bon gros arôme du chocolat à l'intérieur. », en disant cela, il déverrouilla la serrure à ses pieds, puis dans un regard complice, poussa la porte. Derrière celle-ci se dévoila un monde incroyable et surréaliste. En y jetant un rapide coup d'œil, cela semblait être une prairie verdoyante, mais en y regardant de plus près, les invités pouvaient apercevoir des champignons et autres verdures tous faits de sucreries. Le plus surprenant dans tout cela était la rivière et la cascade de chocolat. Willy songea de suite aux yeux de la jeune fille qui accompagnait la petite Charlotte, d'une couleur aussi intense que cela. Avant de mener ses hôtes dans cette pièce magique, Willy eut le temps de voir les yeux pétillants de certains.

« Bien, soyez prudents mes chers enfants, ne perdez pas la tête, ne soyez pas trop excités, tachez de rester calmes … »

Carlie observait à la fois le décor, mais également la réaction de ses condisciples, et elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en voyant cet affreux garçon qu'était Augustus, faire tomber sa tablette de chocolat par terre, trop pris dans sa contemplation pour y faire attention.

En baissant les yeux vers sa sœur, elle acquiesça ce qu'elle y voyait : « Oui, c'est vrai que c'est magnifique ! »

En entendant ces mots, Willy Wonka se tourna vers elle, et lui adressa un sourire qui la fit légèrement rougir. D'habitude les gens ne prêtaient pas attention à leurs discussions, alors que là, elle avait l'impression que le chocolatier écoutait tout ce qu'elle disait à sa sœur.

« Chaque goutte de la rivière est du chocolat fondu de la meilleure qualité qui soit. La cascade est des plus importantes, elle mélange le chocolat, elle le fouette, le rend léger et mousseux. Soit dit en passant, aucune autre chocolaterie au monde ne mélange son chocolat avec une cascade, mes chers enfants. C'est aussi vrai que deux et deux font quatre… », la fierté ne pouvait pas passer inaperçu dans sa voix. « S'il vous plaît ! Les tuyaux là-bas, aspirent le chocolat, et le conduisent dans toutes les autres salles. Des milliers de litres à l'heure ! », tout en disant cela, il leur avait montré une immense machine qui semblait se déplacer à souhait au plafond. « Et ma prairie, elle vous plaît ? Gouttez mon herbe, prenez en un brin s'il vous plaît elle est tellement délectable, et tellement divine à regarder. », il fallait croire que les invités allaient passer de surprise en surprise aujourd'hui !

« On peut la manger ? », demanda Carlie après avoir vu que Charlotte et elle se posaient la même question.

Willy ne put s'empêcher de sourire en entendant cette question … ou plutôt en voyant de qui elle venait … « Bien sûr que oui ! Tout ce qui est dans cette salle est comestible, même moi je le suis, mais ça s'appelle le cannibalisme mes chers enfants, et c'est désapprouvé dans la plupart des sociétés. »

Cette dernière remarque ne fit rire que les filles Bucket, les autres enfants … ne semblaient pas comprendre ce qu'il voulait dire, et leurs parents semblaient être trop étrangers à ce monde pour pouvoir saisir l'humour dans ces paroles.

« Amusez-vous ! »

Personne ne se fit prier pour partir à l'exploration de cette salle. Cependant, Carlie et Charlotte furent un peu plus longues que les autres à s'éloigner.

« Va t'amuser Chacha. Fais juste attention à ne pas trop t'approcher de la rivière et à ne pas abimer tout ce qui est là. Profites-en, c'est ton anniversaire … »

Après l'avoir embrassée sur le front, Carlie regarda Charlotte s'éloigner tranquillement. Tout en gardant un œil sur la petite, elle se dirigea en contrebas de la rivière, où elle découvrit ce qui ressemblait à des arbres, des cerisiers pour être précise. Seulement, les fruits qui s'y trouvaient n'avaient pas l'air naturels : ils ressemblaient à des bonbons !

« Est-ce que je rêve ? », se demanda Carlie pour elle-même.

Ensemble nous adoucirons nos peinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant