Chapitre 5

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Le lendemain, Charlotte était tellement excitée qu'elle en oublia qu'il s'agissait de son anniversaire, et ne s'en souvint qu'une fois que sa sœur le lui souhaita. Le plancher, lui, grinçait et menaçait de s'effondrer sous ses pieds tant la plus jeune sœur était intenable.

A neuf heures, toutes deux étaient prêtes, habillées et coiffées du mieux qu'elles pouvaient. Elles se dirigèrent main dans la main vers le bâtiment qui les faisait rêver depuis tant d'années, et furent les premières des cinq gagnants à arriver. Après avoir traversé la foule (non sans avoir écraser des pieds) Charlotte tendit fièrement son ticket aux contrôleurs, puis se tourna vers sa sœur, et la serra aussi fort qu'elle le pouvait dans ses bras. Elle savait tout ce qu'elle faisait pour elle, et lui en était infiniment reconnaissante. Elle se disait que ce n'était pas par hasard si cette mystérieuse personne lui avait donné le ticket à elle : elle le méritait parce qu'elle était forte, volontaire, mais aussi et surtout parce qu'elle était la plus gentille personne au monde. Au fur et à mesure, les autres enfants arrivèrent avec leurs parents. Augustus et sa mère arrivèrent en deuxième, lui était en train de manger une tablette Wonka, et avait le visage dans le même état que lorsqu'il était passé à la télévision : plein de chocolat ! Violette Beauregard et sa mère furent les troisièmes, habillées exactement de la même façon, et la fille toujours en train de ruminer son chewing gum la bouche ouverte (elle devait faire de l'aérophagie, se dit Carlie). Veruca Salt et son père vinrent se poster à côté des Bucket. Tous deux étaient impeccablement vêtus. Ils semblèrent inspecter les filles de la tête aux pieds, puis orientèrent leur regard vers les grilles, le nez bien haut. Après ce spectacle navrant, Carlie resserra Charlotte contre elle, ses deux bras autour de ses épaules, son dos collé contre elle, et le haut de son crane callé dans son cou. Elle se doutait qu'elle était trop protectrice avec sa sœur, mais il était hors de question que qui que ce soit lui fasse du mal, ou l'embête le jour de son anniversaire, et le jour où son rêve se réalisait. Carlie se pencha vers sa sœur et lui chuchota quelques mots à l'oreille.

« Tu n'es pas trop stressée ? » Charlotte lui répondit par un signe négatif de la tête. « Tu as hâte ? » Cette fois Carlie obtenu une réponse positive, accompagnée d'un grand sourire.

Mike Teavee et son père furent les derniers à arriver, le fils avait déjà un air sceptique sur le visage. Carlie n'aimait pas juger avant de connaître, mais ce garçon lui paraissait être aussi ingrat que Veruca. Charmant ! Si les enfants - et les parents - étaient véritablement à la hauteur de ce que leur image renvoyait, la journée risquait d'être animée …

Contre elle, Carlie sentit Charlotte commencer à montrer des signes d'excitation ? d'impatience ? de nervosité ? Elle était incapable de savoir, mais elle ne parvenait pas à rester immobile.

« Daddy, je veux entrer ! », il suffisait d'y penser pour qu'ils se manifestent. Le festival des enfants mal élevés commençait avec cette Veruca. Charlotte et Carlie n'avaient peut-être jamais eu beaucoup d'argent, mais au moins elles connaissaient le respect et la tolérance. Elles savaient obéir et se tenir, pas comme cette jeune demoiselle.

« Il est 9h59 trésor »

« Fais avancer le temps ! », RIDICULE pensa Carlie, cette enfant ne fonctionnait que par esprit de contradiction. Cela faisait à peine quelques minutes qu'elle était là, et Carlie avait déjà envie de lui demander cordialement (ou non) de se taire ! La journée allait être longue si son comportement ne changeait pas un minimum.

« Pense au prix Violette, pense au prix ! », cette fois c'est vers la gauche que la grande Bucket tourna son regard déjà exaspéré, afin d'observer la Barbie tenter de faire une préparation mentale à sa fille. La mère commençait déjà à penser à la finalité de la visite ! Ne pouvait-elle pas simplement être contente d'être là au lieu de penser à ce qu'il y avait à gagner ?

Carlie avait la douloureuse impression que chacun de ces enfants incarnait un défaut insupportable … Reprend-toi se disait-elle, il ne faut pas se gâcher cette journée à cause de ces enfants.

Une fois qu'il fut 10h pile, les grilles s'ouvrirent. La magie du moment sembla saisir tout le monde à ce moment précis (même Mike !). Carlie ne pouvait exprimer le sentiment en elle à cet instant : pendant tant d'années, elle était passée devant cette chocolaterie aux grilles toujours fermées, et maintenant, elles s'ouvraient devant elle, pour elle (entre autres).

« Veuillez entrer ! », leur demanda une voix qui résonnait dans les rues, et semblaient venir de partout et nulle part à la fois.

Les gagnants s'empressèrent d'exécuter ce qu'elle leur demandait, comme si les grilles pouvaient se refermer d'un moment à l'autre. Après quelques mètres, la ligne des 10 visiteurs s'était reformée dans la cour de l'usine, comme s'ils avaient peur d'aller plus loin.

« Veuillez avancer ! »

« Fermez les grilles ! »

Les hôtes de Willy Wonka continuèrent de suivre les instructions qui leurs étaient dictées, d'un pas lent et fébrile à la fois. Une fois au pied des escaliers qui menaient aux portes de la chocolaterie, la voix se fit de nouveau entendre.

« Chers visiteurs, c'est un plaisir pour moi de vous accueillir dans mon humble fabrique. Et qui suis-je ? Eh bien … »

Suite à ces mots, les portes austères de la fabrique s'ouvrirent, un rideau rouge se leva, et un spectacle de marionnettes commença, rendant hommage au grand chocolatier. Veruca et Violette eurent la même réaction presque simultanée : celle de regarder leur parent avec un regard lourd de sens. Respectivement le père et la mère leurs rendirent la même expression faciale : celle de personnes dédaigneuses qui ne faisaient que juger ce qu'elles voyaient, sans prendre le temps de réfléchir aux sens cachés. Le père et le fils Teavee avaient quant à eux les sourcils haussés, semblant penser qu'il s'agissait d'une blague de mauvais goût. Madame Gloop dodelinait de la tête sur le rythme de la musique et Augustus … mangeait. Les filles Bucket, elles, souriaient. Le spectacle était enfantin, plein de couleurs, certainement à l'image du chocolatier lui-même (espérons avec le côté vieillot en moins). Ce spectacle de marionnettes n'était peut-être pas très modeste ou moderne, mais il avait un petit brin de folie et de bonheur que les filles accueillirent avec joie. Willy Wonka serait-il un peu mégalo sur les bords ? se demanda Carlie en riant doucement

La fin semblait s'annoncer quand des sortes de feux d'artifices jaillirent autour d'un trône vide. Peut-être que Willy Wonka avait oublié de s'y positionner ? Au fur et à mesure cependant, tout sembla prendre feu, terminant le spectacle sur une scène pour le moins … brulée.

Charlotte et Carlie furent les seules à se regarder et à se mettre à rire silencieusement, les autres arboraient une expression mi-choquée mi-dégoûtée. Lorsque le silence tomba, quelqu'un à côté de Mr Salt se mit à applaudir.

Ensemble nous adoucirons nos peinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant