Chapitre 26

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L'installation à la chocolaterie fut rapide pour l'une comme pour l'autre. Charlotte et Carlie étaient émerveillées par les appartements, à l'image du reste de la chocolaterie : incroyables ! Chacune avait désormais son espace personnel, avec toutefois un salon commun aux trois habitants de la fabrique (hormis les Oompa-Loompas et les animaux bien sûr). Alors que la petite continuait d'explorer chaque recoin de sa pièce, Carlie s'approcha timidement de Willy, installé dans un canapé, de dos par rapport à elle. La proximité qu'il y avait eu entre eux durant la visite étaient surement due à l'euphorie du jour, mais maintenant que sa sœur et elle étaient là, que leur vie avait pris un tournant et que les événements étaient concrets, elle commençait à se poser de sérieuses questions. Tout était allé si vite … Beaucoup d'angoisses se bousculèrent dans sa tête, notamment à propos de sa relation avec Willy … que pouvait-elle en attendre ? Et si les choses ne se passaient pas comme elle l'espérait ? Tout paraissait si facile au moment de la visite, lorsqu'ils s'étaient retrouvés, si évident. Elle avait confiance en Willy, mais ne pouvait s'empêcher d'avoir peur : et si un jour il ne voulait plus d'elle ? Et s'il ne l'aimait plus ? Willy avait passé tant de temps seul qu'il pourrait ne pas apprécier de toujours avoir du monde avec lui … Toutes ces idées lui étaient insupportables. Maintenant qu'elle avait trouvé Willy, elle touchait du doigt son rêve d'avoir une vie bien plus belle que celle qu'elles avaient depuis deux ans sa sœur et elle. Mais si finalement le rêve s'arrêtait là, Carlie aurait tant à perdre qu'il lui était inimaginable que cela arrive. Maintenant que Willy était entré (une seconde fois) dans sa vie, elle était sûre de connaître l'amour, le vrai, celui qui n'arrive qu'une fois dans une vie … elle était certaine d'avoir trouvé son âme sœur. Willy avait ramené de la couleur dans leurs vies si ternes : grâce à lui Charlotte avait retrouvé la force de parler, elles avaient de nouveau le bonheur d'avoir une famille, et les blessures du cœur de Carlie semblaient guérir en sa présence, bien qu'elles étaient encore fragiles.

Willy s'était installé dans un des fauteuils près de la cheminée, laissant du temps aux filles pour qu'elles prennent possession des lieux. C'était étrange pour lui de recevoir du monde ici, dans ses quartiers privés. Il allait partager son intimité et son quotidien, ce qui n'avait pas été le cas depuis trop longtemps pour pouvoir le dater. Il espérait vraiment que les filles allaient se plaire ici, qu'elles ne regretteraient pas leur choix. Son idée de tickets d'or était quitte ou double : soit il gagnait un successeur, dans ce cas il était rassuré pour l'avenir de sa fabrique et de ses Oompa-Loompas, et ne serait plus jamais seul, soit il perdait une chose importante : l'espoir. Durant le temps entre la visite de la fabrique et aujourd'hui, la vie semblait avoir perdu ses couleurs, comme s'il n'avait plus d'intérêt dans quoi que ce soit. Ses nouvelles créations ne donnaient rien, et il pensait même avoir perdu son intérêt dans la confiserie … ce qui était plutôt absurde pour le grand Willy Wonka. Maintenant que Charlotte et Carlie étaient là, les rayons de soleil semblaient à nouveau pénétrer la fabrique, et les idées fusaient dans sa tête. Il ne savait pas ce qui allait arriver dans son futur, proche ou lointain, donc pour l'instant il s'autorisait tous les rêves. Le seul danger qui planait désormais au-dessus de sa tête était que les filles ne se plaisent pas ici … la solution de Willy serait donc de faire perdurer la magie de la visite, mais il n'en serait pas capable éternellement : même sa chocolaterie avait ses limites. La seule chose qui pourrait les faire rester à ses côtés était l'amour. Il se sentait capable de leur en donner, mais l'accepterait-elle en retour ?

Finalement Carlie se décida à se rapprocher du fauteuil sur lequel Willy se trouvait. Ce dernier l'entendit approcher, et se retourna. Le silence régnait et aucun d'eux n'osait faire le premier pas. Willy tendit doucement sa main. La jeune fille l'attrapa, et alla s'asseoir à côté de lui.

« Tout est vraiment parfais » murmura-t-elle.

« Vous le méritez ». La jeune fille ne trouvait rien à répondre, et n'osait pas bouger d'un pouce.

Carlie s'énervait au fond d'elle : cela ne lui ressemblait pas d'être aussi réservée et timide. Pourquoi n'arrivait-elle pas à être naturelle et spontanée avec lui ?

Ce moment de gêne fut heureusement interrompu par Charlotte qui déboula comme une fusée, et se jeta sur le canapé entre les deux adultes.

« Ça te plait ici Charlotte ? » s'enquit Willy.

« Oui ! » s'exclama la petite fille à voix basse. « Ils sont où tes parents ? » demanda-t-elle innocemment.

« Je … ne vois plus mon père … depuis longtemps. » La petite sembla attristée par une telle nouvelle.

« Nous pourrions aller le voir maintenant … ça nous permettrait d'apprendre à nous connaître, et tu m'avais promis … » suggéra Carlie.

Willy répondit d'abord d'une petite moue mécontente, avant de finalement céder à la demande de la jeune fille. C'était un mauvais moment à passer, autant le faire maintenant.

Ils quittèrent donc la fabrique de la même manière qu'ils étaient arrivés : en ascenseur volant. Willy le fit se poser devant une maison sur deux étages, qui paraissait austère. Carlie ne pouvait pas concevoir qu'une personne comme Willy Wonka ait pu grandir dans un tel environnement : il n'y avait aucune couleur, aucune extravagance, rien ne ressemblait à l'homme qu'elle connaissait.

« Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne maison » grimaça le chocolatier, comme pour se trouver une excuse pour s'en aller.

Charlotte alla en tête du groupe, et sonna à la porte. Un homme en blouse de médecin et aux cheveux gris ouvrit la porte.

« Vous avez rendez-vous ? » demanda-t-il.

« Non, mais ça devient urgent » répondit Carlie.

La petite entra à la suite du docteur sans se poser de question, cependant ce ne fut pas le cas de Willy, qui semblait vouloir s'enfuir à toutes jambes. Ce dernier attrapa la main de la jeune fille et la serra aussi fort qu'il le put, tant il était stressé. Une fois qu'il fut sur le siège de consultation, Carlie alla rejoindre sa petite sœur qui semblait s'intéresser à un album posé sur un meuble.

En y regardant de plus près, elle se rendit compte que le dentiste avait créé un véritable musée au sujet de son fils : des photos, des coupures de journaux venant du monde entier étaient regroupées dans des cadres et des livres. Elles avaient sous les yeux la preuve que jamais Wilbur Wonka n'avait oublié son fils, et qu'il en était même très fier. Les jeunes filles étaient absorbées dans leurs lectures, jusqu'à ce qu'elles entendent le docteur parler à Willy.

« Alors, voyons l'étendue des dégâts voulez-vous », commença-t-il.

« Juste ciel, je n'avais jamais vu de prémolaires comme celles-ci depuis … depuis … ». Le silence s'installa dans la pièce, personne n'osait parler, ni même respirer trop fort.

« Willy ? »

« Salut papa »

Père et fils restèrent stoïques dans un premier temps, puis s'enlacèrent maladroitement, avant de finalement trouver du réconfort dans ce contact qui leur était jusqu'à lors inconnu. Après un petit moment, Wilbur Wonka proposa une tasse de thé à ses trois invités, désirant comprendre le lien qui les unissait, ils avaient tant de temps à rattraper ! Il apprit donc que Charlotte Bucket était une des gagnantes des tickets d'or, et également gagnante du grand prix de la fin promis par Willy. La jeune fille qui l'accompagnait était sa grande sœur, et toutes les deux venaient d'emménager dans la chocolaterie pour travailler avec lui, pour préparer Charlotte à devenir son successeur. Le docteur ne put s'empêcher de remarquer les regards de connivence entre son fils et la jeune fille, ainsi que la façon dont Willy la couvait des yeux. Il était clair pour n'importe qui qu'il se passait quelque chose entre les deux, ce qui ravit Wilbur Wonka. Finalement, c'est avec la promesse de se revoir bientôt que père et fils se quittèrent.

Ensemble nous adoucirons nos peinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant