Il était une fois...

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Bienvenue, bienvenue, mes amis ! Approchez... Vous ne pouvez pas me voir ? Ne vous inquiétez pas, c'est normal. Je ne suis que le conteur, à peine une voix, quelques mots, par-ci, par-là... Je n'existe que pour vous. Pour vous raconter cette histoire.

Elle vous dira peut-être quelque chose, d'ailleurs. On y rencontre un garçon au cœur pur, qui cherche désespérément sa place dans le monde. On y croise un drôle de génie, et une lampe merveilleuse. Un prince aussi, qui a beaucoup à apprendre. Ça y est, mon histoire vous semble familière ? Comment ça, pourquoi poursuivre si vous l'avez déjà entendu ?

Parce que le conte que vous croyiez si parfaitement connaître, impertinent lecteur, vous réserve encore bien des secrets...

Oyez, oyez donc... calfeutrez-vous sous votre couette, installez-vous confortablement dans le bus, adossez-vous au mur du métro. Où que vous soyez, écoutez ma voix chanter, directement au creux de votre oreille.

Écoutez l'extraordinaire histoire d'Aladdin et la lampe merveilleuse.

Les sources de mon récit, comme de tous les récits, se perdent dans la nuit des temps. Difficile d'en discerner le début. On peut pourtant, déjà, fixer un lieu. Et où l'histoire pourrait-elle se dérouler, sinon dans l'immense, la tentaculaire, l'incroyable, la merveilleuse et l'insalubre ville d'Agrabah ?

Où se trouvait véritablement Agrabah ? Voilà une question qui déchire encore les historiens, de nos jours. Certains pensent qu'elle prit place sur terre, bien, bien avant notre ère, à l'époque mythique où l'Atlantide n'en était qu'à ses balbutiements. D'autres estiment qu'Agrabah se situe autre part, dans un autre univers, une réalité collée à la nôtre, d'où nous parviendraient parfois, comme de l'eau s'infiltre dans le bois, quelques murmures, que les troubadours transforment en histoires. D'autres encore pensent qu'elle n'a jamais existé, mais ceux-là ne sont pas sérieux, alors on ne fait que semblant de les écouter.

Au fond, peu importe où se trouvait réellement Agrabah. Ce qu'il fallait savoir, la première chose qui la caractérisait, c'est qu'il s'agissait de la plus grande ville de son époque, et certainement la plus grande ville qui n'ait jamais existé. Une ville si grande qu'elle constituait à elle seule tout un royaume. Une ville si étendue que la plupart de ses habitants ignoraient qu'il existait autre chose dans l'univers que des rues et des murs, et qu'autrefois, la nature était sauvage, sans maisons et sans barrières.

Pas très malin de leur part, me direz-vous... Mais ce qu'il faut savoir – et comme je ne vous l'avais pas encore dit, je consens à vous pardonner – c'est que l'immense majorité des habitants d'Agrabah vivaient dans une incroyable pauvreté.

La cité s'organisait en cercles concentriques. Au milieu se trouvait, bien sûr, le Palais. Une construction de marbre blanc proprement gigantesque, où vivait l'intégralité de la Cour, c'est-à-dire quelque cinq cents personnes, comme une ville à l'intérieur de la ville.

Autour du Palais s'étiraient en étoile les cinq branches d'un jardin époustouflant, fabriqué par les plus grands maîtres de leur temps. On y retrouvait des fontaines aux jets spectaculaires, toutes couvertes de miroirs, des arbres de lapis-lazuli qui faisait de la musique lorsque le vent artificiel (vaporisé dans les jardins pour écarter les remugles nauséabonds du reste de la cité) les effleurait, ou encore des bassins dont l'eau changeait de couleur sur un simple commandement.

C'est dans ces jardins que se démontrait le plus efficacement l'art des Agrabiens, aujourd'hui perdu. Un étrange et très savant mélange d'ingénierie de pointe, et de quelque chose de plus, que seuls les meilleurs d'entre eux maîtrisaient, quelque chose d'ancien et d'incroyablement puissant que, faute de meilleur mot, nous appellerons « magie ».

Les Jardins étaient, comme il se doit, cernés par des murs de plusieurs mètres de haut. De l'intérieur, ils étaient recouverts d'écrans montrant des paysages rayonnants. De l'extérieur, c'était une muraille noire et sale, couverte d'immondices, où était planté, ici et là, un anneau de condamné. L'odeur que repoussaient les très sophistiquées machines du Jardin venaient en grandes parties des corps pourrissants attachés aux anneaux, infortunés restes du coupable d'un vol, d'un meurtre, d'une tentative de pénétrer au-delà des murs, ou d'une insulte envers la Sultane et sa Cour.

Oui, de l'autre côté des murs, Agrabah était une ville de misère. Une ville poussiéreuse et sale, où s'entassaient des milliers d'hommes et de femmes plus ou moins biens lotis, et plus où moins bien surveillés par la Milice royale.

Agrabah était aussi la ville de tous les possibles. Sous le manteau de l'illégalité – bien entendu – on y trouvait à peu près tout ce qui avait pu être imaginé un jour par un être humain, organisés en quartiers plus où moins bien délimités. Quartier des machines, quartiers des bouchers, quartiers des verriers, quartiers des plaisirs, quartiers des auteurs, quartiers des artistes, quartiers des mystères, quartiers des affaires... Et quartiers miséreux, tout simplement.

Dans cette société incroyablement complexe grouillaient tout un tas de guildes, d'associations, de bandes, de maffias, de collaborateurs, et d'associations en tous genres. Personne ne venait jamais à Agrabah. Personne, en dehors de ses habitants, n'auraient été capable d'y survivre plus de quelques heures.

Mais je m'essouffle, je m'essouffle, et je vois que vous froncez les sourcils ! Oui, oui, je sais, que je vous avais promis princes et merveilles, voilà, voilà, j'arrive... Plus aucun respects pour les vénérables conteurs, de nos jours.

Diantre ! Mais j'en ai oublié la formule consacrée ! Pourquoi ne m'avez-vous rien dit ?! Parce que vous ne pouvez pas vraiment me parler ? C'est pas une excuse.

Il était une fois, donc...

Le Prince, le voleur, et la lampe merveilleuse (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant