-Inutile de se voiler la face, déclara Aladdin. Nous sommes coincés.Abu émit un « graou » mécontent et frappa de sa petite patte l'énorme pierre qui bloquait la sortie. Il attendit un instant, comme si le rocher risquait réellement de se fendre sous son terrible assaut, mais, la pierre restant définitivement impassible, il émit un petit bruit de dédain et se replanta à sa place favorite, dans les cheveux d'Aladdin.
Le voleur fit plusieurs fois le tour de la caverne. Rien. Aucun autre couloir, aucune porte de sortie. Il y avait bien une fissure, là-haut, qui pourrait mener vers la surface, mais les murs étaient bien trop lisses pour espérer les escalader, et Abu refusa formellement de se séparer de son maître.
Alors, en désespoir de cause, le voleur s'assit sur le rocher plat, au centre du lac.
Un bruit de ferraille le fit tiquer. Ah, oui, la lampe. Il l'avait oubliée, celle-là.
Il prit l'objet dans ses mains pour mieux l'examiner. Si on exceptait les vieilles inscriptions, c'était décidément un objet très banal, et même assez inutile, dans une ville où l'on utilisait plus volontiers l'électricité ou la magie que l'huile des lampes. Il devait forcément y avoir autre chose. Jafar n'avait pas fait tout ce cirque pour récupérer un souvenir de sa grand-mère. Les inscriptions menaient peut-être à un trésor ? Une arme ? Une machine formidable ? Mais avec toute cette poussière...
Aladdin ouvrit sa main et, sans en avoir conscience, sans le vouloir, exécuta le geste, ce geste-là, celui que vous attendiez tous, celui dont l'écho durera encore mille et mille ans.
Aladdin frotta la lampe.
Aussitôt, le cuivre sous ses doigts se mit à chauffer, très doucement, jusqu'à atteindre la température d'une peau humaine. Puis il entendit autre chose, de son ouï formidable, quelque chose qui ressemblait à... un battement de cœur.
La lampe commença à trembler. Aladdin la lâcha aussitôt et recula, un Abu terrorisé au fond de sa poche. La chute de l'objet merveilleux fit un fracas de tous les démons en heurtant la pierre.
Du bec de cuivre, une volute de fumée bleue s'échappa, d'abord presque imperceptible, puis de plus en plus longue, de plus en plus dense...
Le nuage commença à s'ordonner, à se former.
Une main jaillit de la fumée. Une main gigantesque, fine, légèrement bleutée. Puis une deuxième, de l'autre côté.
La fumée se dispersa, comme soufflée par une haleine phénoménale.
À sa place se tenait un drôle d'individu qui faisait bien trois fois la taille du voleur. C'était un personnage androgyne à la silhouette fine, entièrement nue. Sa peau pulsait d'une lueur bleutée. Les cheveux qui encadraient son visage, longs et lisses, flottaient légèrement autour de ses épaules et s'achevaient en brins de vapeurs qui se dispersait tout autour de son torse. Ses yeux étaient deux billes rondes, entièrement bleus, sans pupille, sans iris, sans reflets. Il y avait quelque chose de dérangeant, dans ces yeux-là. Quelque chose d'ancien et de puissant, qu'Aladdin n'osa pas dévisager trop longtemps.
De longs cils noirs partaient soulignaient ce regard. Ils se perdaient dans les étranges tatouages peint sur le front de la créature, sortes de spirales et de volutes bleues foncées qui glissaient jusqu'au bout de son nez droit, bien découpés.
Ses lèvres très fines souriaient légèrement. Mais pas un sourire amical, non, plutôt le rictus de celui qui en sait beaucoup plus que vous.
Enfin, Aladdin s'aperçut que son corps, à partir de son bassin, se fondaient dans un brouillard de la même teinte que sa peau, qui s'étirait jusqu'à ne former plus qu'un fils, accroché à l'embout de la lampe.
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Le Prince, le voleur, et la lampe merveilleuse (BxB)
FanfictionGagnant Wattys 2020 ! --------- Il était une fois une ville gigantesque, tout un royaume de misère et de dépravation. À l'intérieur se trouvait un prince vaniteux et égoïste. Un voleur au cœur pur, sans passé et sans mémoire. Un sorcier cupide aiman...