La nuit était retombée sur l'immense cité d'Agrabah. Du confins de ses pôles au centre de sa toile, partout, la même obscurité.
Le Palais s'était endormi, au moins en apparence. Sa silhouette découpait sur le ciel une tâche plus sombre, comme si un esprit malveillant était venu découper la voute pour la vouer au néant. Tout autour du bâtiment, entre l'enceinte des murs fortifiés, la nature artificielle reposait en paix. Les arbres du jardin chantonnaient des berceuses douces, soulignés par les parfums frais et l'odeur mouillée des fontaines. C'était un de ses moments serein, que seul un narrateur particulièrement sadique gâcherait par une belle catastrophe.
Deux silhouettes se découpèrent dans la lumière argentée de la lune.
-Tu vois, je t'avais dit de me faire confiance, souffla Aladdin. Ils ont fermé l'accès par lequel nous nous sommes enfuis l'autre fois, mais il faut bien que les gardes continuent de se rendre au quartier des plaisirs...
Jasmin ne répondit rien. Il contemplait en silence la splendeur du Palais. Il n'avait pas envie de retourner là-bas. Ce qui était autrefois une silhouette familière lui évoquait un présent un monstre énorme qui n'hésitait pas à dévorer ses propres enfants.
Aladdin prit son silence pour de l'indifférence.
-Eh bien, lâcha-t-il, dépité, ton amitié pour les petites gens n'aura pas duré très longtemps. Votre altesse est de retour dans son monde luxueux ?
-Quoi ? Non, Aladdin, ce n'est pas...
Il n'eut pas le temps de finir.
Une lumière aveuglante venait de jaillir de partout à la fois, ainsi qu'un bruit aigu, continu, qui leur vrillait les tympans.
-Aladdin ! Appela Jasmin. Aladdin !
Quelque chose piquait ses narines, sa gorge, ses yeux... Il sentit son corps se détendre, et fit un effort surhumain pour ouvrir les paupières en grand. Devant lui, la silhouette d'Aladdin s'effondra, comme un pantin privé de vie.
Il ne pouvait pas savoir à cet instant, bien sûr, à quel point cette image le hanterait plus tard, à quel point il se souviendrait de cette scène, dans chacun de ses horribles détails. Les couleurs mélangées du jardin, les lumières éparses, brouillées par les larmes acides qui brûlaient ses joues et le creux de son cou, l'odeur doucereuse qui saturait ses sens... La silhouette avachie dans l'herbe.
-ALADDIN ! Hurla une dernière fois le prince.
Il voulut faire un pas vers lui... Mais sa tête... Sa tête lui tournait... Il fallait... il fallait... Il fallait marcher... Et... Aladdin...
Pourquoi le sol était-il venu se mettre sous sa joue ?
Qu'il avait sommeil...
~
Une sensation de catastrophe imminente sortit Jasmin de son sommeil. Il se redressa d'un bloc, les mains crispées sur ses draps.
Il était dans sa chambre. Au Palais. Que s'était-il passé ? Il avait l'impression d'avoir fait un cauchemar.
Tout lui revint d'un bloc.
-ALADDIN ! Hurla-t-il, réveillant en sursaut le serviteur qui somnolait à ses côtés.
Le jeune homme roux – celui-là même qui avait voulu l'éliminer, quelques jours plus tôt – jeta un regard affolé tout autour de lui.
-OÙ EST-IL ? Hurla le prince en le prenant par les épaules.
-Je... Votre Altesse... Qui ?
-Le voleur ! Le voleur qui était avec moi !
-Que Votre Altesse me pardonne... Je n'ai pas été informé du devenir du jeune homme gredin... Mais si je puis me permettre, Votre Majesté, votre mère la Sultane a demandé à être informé de votre réveil...
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Le Prince, le voleur, et la lampe merveilleuse (BxB)
FanficGagnant Wattys 2020 ! --------- Il était une fois une ville gigantesque, tout un royaume de misère et de dépravation. À l'intérieur se trouvait un prince vaniteux et égoïste. Un voleur au cœur pur, sans passé et sans mémoire. Un sorcier cupide aiman...