Comment sauver Agrabah quand un méchant sorcier est au pouvoir?

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-Ce plan est complétement suicidaire, commenta Joël. Je ne fais ça que dans l'espoir de retrouver l'intégralité de mes cheveux.

-Je suis heureux que tu te préoccupes autant du sort d'Agrabah, répondit tout bas Jasmin.

Il tenta de sourire, mais il était trop tendu, et ses lèvres se tordirent dans une grimace d'appréhension. Joël posa une main sur son épaule pour le réconforter.

-Ne t'inquiète pas, Aladdin sait ce qu'il fait. C'est un voleur, après tout...

Jasmin lui renvoya un regard où dansait tellement de détresse que son ami soupira et le serra brièvement contre lui.

Cela faisait près de deux heures qu'ils étaient tous les deux dissimulés sur un toit, juste à côté de la demeure de Lazaryo, un des sept Maîtres de la pègre. Deux heures qu'ils guettaient avec un désespoir croissant un signe d'Aladdin et Abu, qui s'étaient introduits à l'intérieur. Deux longues heures pour le pauvre prince, qui sentait chaque seconde se planter dans son cœur sous la forme d'une aiguille brulante d'angoisse.

Enfin, une des fenêtres du dernier étage s'entrouvrit, et un petit point noir en sortit. Il virevolta dans la direction des deux amis, qui reconnurent tout de suite un petit dragon de leur connaissance.

-Graou, gru, gru, déclara posément Abu en atterrissant sur l'épaule de Jasmin.

C'était le signal signifiant que la voie était libre.

-J'espère que Jafar ne va pas détecter trop vite l'apparition de lae génie... murmura Jasmin pour lui-même en sautant sur le toit d'en face.

~

Évidemment, Jafar détecta immédiatement l'apparition de lae génie.

Mais remettons les choses (ici, le méchant sorcier), dans leur contexte (ici, la chambre de la Sultane), et remontons quelques instants plus tôt.

Jafar était préoccupé par la souveraine. En fait, depuis que Jasmin avait échappé à son emprise, il la soupçonnait de ne plus prendre ses drogues. Et, par là, bien sûr, il n'entendait pas des médicaments destinés à améliorer sa santé, mais bel et bien les produits illicites qui lui permettait d'avoir une emprise sur ses pensées. Et pour cause : la Sultane qui se tenait devant lui, assise au bout de son lit, affectait tous les symptômes du manque. Les traits tirés, des cernes si foncés qu'on la croirait battue, une peau sèche et craquelée, des tremblements continus, des spasmes parfois, des yeux rouges, un regard souvent vide, teinté de douleur, et une fièvre assez forte pour lui donner des accès de délire.

La Sultane se balançait d'avant en arrière, à peine consciente de son environnement. Elle sentait le manque lui brûler les entrailles, faisant bouillir le sang dans ses veines, à une intensité atrocement douloureuse. Une partie de son esprit lui disait de prendre les pilules vertes que Jafar venait de poser sur sa table de chevet. Avec les pilules de Jafar, tout était toujours plus simple. Le monde s'effaçait, elle se sentait bien, elle oubliait...

Non, non, non, elle ne voulait plus oublier... Pas alors qu'elle se souvenait presque... Elle se souvenait presque du visage de l'homme aux fleurs blanches... Ah, où était-il, cet homme ? Et pourquoi l'avait-il donc laissé ? Comme c'était étrange, derrière la douleur artificielle de la drogue d'en découvrir une autre, longtemps enfouis, longtemps niée, mais plus profonde et plus amère... Un cœur brisé.

Jafar était en train de lui parler. Il lui disait de prendre les pilules. Qu'après, tout irait mieux. Elle était tentée de le croire, et d'abandonner sa quête des souvenirs. Après tout, l'homme était parti depuis si longtemps... Mais... Mais il y avait une autre fleur blanche, dans son existence, une autre fleur qui lui était chère. Un petit garçon. Non, ce n'était plus un petit garçon... La dernière fois qu'elle l'avait vu... Qu'est-ce qu'il lui avait dit ? Agacée par les interruptions de Jafar dans son introspection, elle envoya balader d'un geste violent, nerveux, la pilule qu'il lui tendait.

Le sorcier lâcha un soupir contrarié. Ce qui n'était franchement pas un bon signe pour qui que ce soit dans son entourage. La question qui dansait à présent dans son esprit pouvait se résumer ainsi : avait-il encore vraiment besoin de la sultane ? Après tout, il avait la cour à sa botte, et les Maîtres s'étaient soumis à son pouvoir... Il ne pouvait pas prendre le risque, fut-il infime, que cette pauvre gourde reprenne ses esprits et tente de récupérer sa couronne. Il devait donc soit la tuer, soit la replonger dans l'état de somnolence facilement manipulable qu'il avait soigneusement entretenu ces vingt dernières années, faisant d'elle une personne superficielle et détesté de ses sujets.

Le sorcier décida de se montrer extraordinairement magnanime et de lui donner une dernière chance. Il sonna, et une dizaine de gardes firent leur apparition. La sultane poussa un petit cri de bête prise au piège. Tant mieux, songea Jafar, c'est une bonne chose que les gardes la voie dans cet état-là. Bientôt, la nouvelle de sa dégénérescence aura fait le tour du Palais...

-La Sultane est malade, apprit-il aux gardes. Mais elle ne veut pas prendre ses médicaments. Je regrette infiniment de devoir vous demander ça, mais il faut que vous m'aidiez...

Les gardes hésitèrent un instant. Mais, finalement, l'état de la sultane, et le fait qu'ils avaient reçu un ordre direct d'un supérieur, ne leur laissait pas beaucoup le choix.

C'est à cet instant qu'à l'autre bout de la ville, Aladdin frotta la lampe.

Jafar sentit immédiatement naître l'étincelle de magie qu'il avait frénétiquement guetté ses dernières semaines.

-Jasmin ! murmura-t-il, un sourire ravit sur la face. Je dois...

Son regard croisa celui de la sultane. Dans l'esprit embrouillé de la souveraine, une idée fit son chemin, clair, incisive. D'abord un nom, celui d'une petite fleur blanche au parfum capiteux, celui de son fils : Jasmin. Puis le sourire de Jafar, malveillant. Il lui voulait du mal. Il allait faire du mal à son fils.

Avec un cri de rage qui surprit les gardes aussi bien que le sorcier, elle se jeta sur lui.

Ce fut si brusque et si inattendu qu'elle le renversa, envoyant valser son bâton de sorcier, et commença à le frapper maladroitement un peu partout.

-GARDES ! Hurla Jafar en essayant de repousser la mégère. FAITES QUELQUE CHOSE !

Il enrageait : lae génie venait d'apparaitre dans la ville, il devait se dépêcher, et cette vieille folle lui faisait perdre du temps !

Mais les gardes n'étaient pas très à l'aise avec l'idée de brutaliser la souveraine qu'ils étaient censés protéger. Jafar se maudit de ne pas l'avoir supprimé tout de suite : s'il n'avait pas appelé les gardes, il l'aurait proprement tué, sans témoins, et serait directement allé régler son compte au prince.

-VOUS VOYEZ BIEN QU'ELLE N'EST PAS DANS SON ÉTAT NORMAL ! Hurla-t-il en essayant vainement de se défaire de la mère en furie qui lui arrachait les cheveux et lui griffait le visage.

Enfin, les gardes surmontèrent leur sens du devoir et se saisirent la sultane échevelée, qui emporta en trophée une touffe de cheveux.

-Faites lui prendre ses médicaments ! s'exclama Jafar en sortant de la chambre pour se téléporter directement à l'endroit où était apparu lae génie.

Le Prince, le voleur, et la lampe merveilleuse (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant