La Monnaie de sa pièce

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Jafar était concentré. Il s'agissait du moment le plus délicat : il devait capturer un rayon de lune et l'insuffler à sa création. Il fallait que le rayon soit de la plus grande pureté, sinon, rien ne se ferait. La manœuvre, vous vous en doutez, était des plus compliquées, surtout pour quelqu'un comme Jafar, à côté duquel le mot « pureté » avait du mal à être prononcé.

Le Grand Vizir commença à psalmodier. C'était des mots anciens, extrêmement complexe. Il avait dû tuer, pour s'approprier ces formules. Il ne le regrettait pas, bien sûr, au contraire, il se félicitait qu'il n'y ait personne pour remonter jusqu'à lui.

Sous l'œil d'un Iago pas vraiment rassuré, le sorcier entama la première partie de l'incantation, sensé donner à ses mains assez d'évanescence pour pouvoir saisir la lumière.

Il ne fit pas attention aux bruits qui venait de son laboratoire. Iago, par contre, redressa la tête. Il était certain d'avoir entendu parler.

-Jafar... tenta-t-il.

Son maître, absorbé par sa formule, lui adressa un regard meurtrier.

-Jafar, répéta tout de même l'oiseau. Il y a quelqu'un à côté.

Le sorcier cessa net. Il avait déjà été interrompu, vingt ans plus tôt. Il était hors de question que ça se reproduise. S'il y avait des intrus, il les tuerait, tout simplement. Puis il reprendrait le cours de ses sortilèges.

Il se saisit de son bâton de pouvoir, qui exhalait une faible lumière rouge, et se rendit dans la pièce d'à côté.

-QUI EST LÀ ? Rugit-il en jaillissant dans la pièce comme un fauve dans l'arène.

Il y avait en effet deux personnes, dans son laboratoire. La plus proche lui tournait de dos. L'autre, familière, lui faisait face.

-Eh bien, eh bien, grinça le sorcier en reconnaissant le prince. Décidément. La première leçon ne vous a pas suffis ?

-Jafar... balbutia Jasmin. Qu'est-ce que vous faites ?

Le sorcier pointa son bâton sur son interlocuteur.

-Je vous ai épargné, la première fois, pour ne pas avoir à m'expliquer à votre mère. Mais à présent, la Sultane est complètement sous ma coupe. Je n'aurais aucun mal à lui faire croire à un tragique accident...

-Espèce de... commença Jasmin, prit d'un sursaut de rage en imaginant sa mère – le seul être qu'il aimait – sous le pouvoir de ce personnage abject.

Il n'eut pas le temps de finir. Le voleur lui agrippa l'épaule et le tira à lui, lui évitant de justesse d'être carbonisé par la boule de feu qui creusa dans la porte un trou fumant.

Plaqué contre le torse de l'intrus, Jasmin trouva tout de même le temps de noter qu'il sentait bon, comme un jardin de nuit.

Puis son fantasme referma sa prise sur son avant-bras et fonça sur la porte.

-COURS ! Cria-t-il alors que Jafar repositionnait son bâton.

Et Jasmin, pour ce qui devait bien être la première fois de son existence, obéit immédiatement.

La main du voleur avait glissé sur son poignet, qu'il continuait à serrer. Ce qui n'était pas pour déplaire au prince, qui avait aussi une vue plongeante sur le dos de son homme mystérieux... Une lueur rouge, aveuglante, percuta le pilier qu'ils venaient de dépasser. Bon sang, mon vieux, un peu de concentration ! s'admonesta le sang royal.

-GARDES ! Hurla Jafar dans leurs dos. GARDES ! DES INTRUS !

Toutes les lumières du Palais s'allumèrent en même temps, et l'on entendit des bruits de pas résonner un peu partout, ponctués d'exclamation et d'appels.

Le Prince, le voleur, et la lampe merveilleuse (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant