III. Ma Catty.

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Je fronce les sourcils et lui demande de quoi il parle avant de tirer de nouveau sur ma clope. Il me l’arrache des lèvres et ce qu’il dit me glace le sang durant un instant. Il me dit que je l’ai tuée. L’image me revient en tête comme une douche froide. Je resserre ma main sur la barre de fer, cette sensation revient, une envie de vomir. Je sens sa main sur mon bras, il m’en veut. Il me lâche alors, me disant que je suis un assassin, un monstre sans coeur. Alors là c’est trop pour une seule journée. Je saute de mon perchoir et sors du magasin sous son regard haineux. Je ne l'avais jamais vu avec une telle expression, j’ai risqué ma vie pour sauver sa putain de copine et lui il me traite de monstre ? C’est vraiment une super journée ! Je me plante au milieu du parking et je laisse sortir ma rage, ma peur et ma tristesse dans un cris de rage. Oui ils vont venir, oui ils seront nombreux, mais je ne vais pas mourir. Juste me défouler et frapper ces trucs jusqu'à ce que je me sente mieux, ce n’est peut être pas la meilleure des idées mais actuellement j’en ai juste rien à foutre. Je vide donc mes poumons dans l’air, des gémissements horribles se font entendre, ils étaient plus proches que je le croyais. Les premiers arrivent déjà, des femmes, des hommes et même des enfants. Mon t-shirt est devenu totalement rouge, je frappe et je réfléchie, je frappe et je ne pense plus à rien. Ils ne sont qu’une dizaine, plus que trois, plus qu’un. Mon coeur se serre, ma batte tombe au sol. Je ne peux pas. Je regarde dans le vide autour de moi, mes jambes lâchent sous mon poids. Du sang et des cadavres, je suis un monstre, il avait raison et c’est pour ça que ça m’a blessée. J’ai cru pouvoir me battre contre eux sans devoir me battre contre moi. Mais elle se tient devant moi, les yeux vitreux et la mâchoire rougie par les restes de sang séché. Les bras le long du corps je regarde son poignet, la petite croix est retournée comme à son habitude. Le bracelet jaune qu’elle avait gardé si précieusement, taché de sang. Je n’ai pas le mien, il est chez moi, dans ma salle de bain ou dans ma chambre. Ça aurait dû être moi. Elle ne méritait pas ça, elle était trop pure pour se transformer de la sorte. Incapable de l’accepter je relève les yeux vers son visage, sans émotions. Je murmure son surnom, je lui supplie de me répondre, de se réveiller. Elle ne le fera pas je le sais. Mais une partie de moi refuse de prendre la barre ou le couteau. Je reste à genoux devant elle, la tête baissée. Soudain un cris odieux, une odeur âcre. Une larme tombe sur ma joue, son corps frappe le sol, je frissonne. Je regarde le sol, comme s’il allait me sauver de ce monde. Des basket apparaissent dans mon champ de vision. Je ne veux même pas savoir qui c’est, je ne veux pas comprendre que c’est lui. Je ne veux pas sentir ses bras autour de mon corps. Je ne veux pas penser aux larmes que je laisse couler sur son épaule ni aux marques que mes mains ensanglantées laisseront sur son t-shirt. Je n’en peux plus, j’ai gardé la tête haute, j’ai sauvé ceux qui ne pouvaient pas se sauver eux mêmes et j’ai été incapable de la sauver elle. Celle qui méritait le plus d’être sauvée. Ma Catty. Ce petit rayon de soleil. J’en ai été incapable. Je sens ses mains caresser mon dos et mes cheveux. Oui je sais où je suis et je sais qui il est mais pour le moment je ne veux pas réfléchir. Je sais que je le regretterai, que je viens de lui donner un avantage sur moi et que lorsque je le lacherais enfin il redeviendra froid. C’est ce qu’il fait. Certaines choses ne changent pas, et Vic’ en fait partie. Pendant que d’autres changent inéluctablement, comme ma Catty. J’entends des voix autour de nous, je reconnais Charlotte qui pose sa main sur mon épaule. Ne regarde pas… Pitié ne la regarde pas. Je sens sa main s’agripper à moi et j’entends sa voix se briser. Pas à la hauteur. Je ne suis pas à la hauteur. Je me sens tomber. Sombre, froid. Le monde était déjà comme ça avant, mais certains avaient en eux cette joie magnifique qu’ils apportaient aux autre. Maintenant il ne reste que le froid et la mort. Je ne veux plus jamais rester comme ça, impuissante. Je veux sauver ceux que j’aime et je veux pouvoir tuer les êtres qu’ils deviendront peut être. Je veux me relever. Réveille toi ! J’ouvre les yeux, je sens un mouvement sous moi. J’entends quelques voix, discrètes et tremblantes. Je sourie, je connais cette voix. Je tends la main et attrappe celle de Charlotte. Elle s’arrête de parler et reporte son attention sur moi. Je me relève difficilement, il fait nuit. Après quelques secondes je remarque que nous sommes dans le bus. Théo arrive vers moi, je lui sourie avant de me relever rapidement, trop rapidement qui est au volant ? Je retombe sur la banquette. Théo place sa main sur mon front et soupire de soulagement, je me redresse plus calmement, il s’apprête à me répondre quand je le coupe, oui, je sais très bien qui conduit. Théo n’est pas le seul a avoir le permis ici. Je jette un regard circulaire et croise deux billes noires. Louis. Je le fixe, j’aurais dû baisser les yeux mais je ne le fais pas, Cléa sursaute en sentant mon regard vers eux. Ça fait tilt. Je me lève et dépasse Théo, lui et Charlotte se précipitent à ma suite, Vic’ et Adrien nous regardent d’un oeil attentif. Je me plante devant le mignon petit couple. Paula me fait signe de repartir mais se retourne de son côté suite à mon regard noir. Cléa tremble dans les bras de Louis qui, lui, me dévisage l’air énervé. Je me baisse et soulève rapidement le pantalon de Cléa, celle ci tente de se débattre mais se raidit lorsque j’appuie sur sa jambe, Louis, de plus en plus énervé tente de se lever. Je m’arrête dans mon élan en sentant une tension autour de moi. En effet le bus s’était arrêté et Vic’ tentait de maintenir Louis au fond de son siège. Je l’en remercia d’un hochement de tête que, bizarrement, il me rendit. Je releva plus haut le pantalon de Cléa pour y découvrir un large hématome et une plaie peu profonde. J’interpelle alors Charlotte sous le regard de Louis qui semble s’être calmé. Après quelques secondes elle m’apporte de l’alcool et des bandages. Je soigne sa blessure sans délicatesse et sans croiser le regarde d’aucun des autres passagers. Une fois cela fini je me relève et me redirige vers ma place, le bus roulait de nouveau et Vic’ s’était rassit comme si de rien n’était. Louis, après être resté silencieux, se leva d’un bond, me demandant pourquoi je l’avais soignée alors que je suis sensée la détester. Je le regarde s’époumonner sans le comprendre. Il me reprochait de la soigner ? Moi qui avait été la seule à y penser. Je lève les yeux au ciel et reprends ma place entre Théo et Charlotte. Posant ma tête sur l’épaule de mon amie, laissant Louis dans un silence tendu. Je ne m’excuserais pas d’avoir tué ces créatures, je ne m’excuserais pas de sauver des gens et je ne m’excuserais pas de vivre comme je l’entends.

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